Page images
PDF
EPUB

tant ménagé des intelligences dans Landau, espéraient surprendre cette place et s'étaient avancés à Lingenfeld et Neustadt. Custine poussé en reconnaissance, le 3 août, donna à l'improviste sur leurs postes, et en fut vigoureusement accueilli; mais cette rencontre déconcerta toutefois le projet de surprise.

Le maréchal Luckner, à la nouvelle des dangers qui menaçaient sa droite, accourut à la hâte de Metz. S'imaginant qu'une armée de vingt-cinq mille hommes, appuyée par Landau et par les lignes de la Queich, devait être hors d'état de se soutenir contre des forces égales, il prit un moyen digne de lui pour la tirer d'af faire, replia quinze mille hommes derrière les lignes de la Lauter, en fit partir huit mille sous Biron, pour retourner sur le haut Rhin, et jeta Custine et trois bataillons dans Landau. Le prince de Hohenlohe ignorant ces étranges dispositions, ou pressé de se porter sur la Moselle pour seconder l'invasion des Prussiens, ne profita pas de ces fautes, et continua son chemin sur Hombourg. Le corps de Condé retourna dans le Margraviat.

La grande entreprise sur la Champagne se préparait; de toutes parts la tempête s'amoncelait; mais avant de suivre ses éclats, il faut ramener un instant le lecteur à ce qui se passait dans l'intérieur de la France et le reste de l'Europe.

Affaires

du 10 août.

[ocr errors]

État de l'Europe. - Entrée des Russes en Pologne.
Evénements de l'intérieur. Journées du 20 juin et
Suspension et emprisonnement du
Roi. Massacres du 2 septembre. Cloture de
l'Assemblée législative. Convention nationale.
Proclamation de la République.

-

Pendant que les armées de l'Empereur défendaient la Belgique avec plus de bonheur qu'on était en droit de l'espérer, et que celles de la Prusse s'avançaient à pas comptés sur les frontières de France, pour y essuyer l'affront que nous ne tarderons pas à rapporter ; un épisode important attira au Nord, l'attention des cabinets de Vienne et de Berlin, et eut une influence toute particulière sur les opérations ultérieures de la guerre de la révolution. On sait déjà que je veux parler de l'invasion de la Pologne.

Nous avons indiqué dans le chapitre Ier les changede ments que la diète, excitée par l'Angleterre et la Prusse, Pologne. venait d'opérer dans ses relations extérieures: l'alliance de 1790, avec Frédéric-Guillaume, et la constitution de 1791, mirent le sceau à cette importante révolution. Ce pacte avait obtenu l'approbation de plusieurs gouvernements, et jouissait de l'assentiment général, à l'exception de quelques Magnats qui, voyant leurs intérêts froissés ou leur ambition déçue, protestèrent contre ces transactions: peut-être aussi attachaient-ils de fausses idées de liberté publique au système de monarchie élective, oubliant que la Pologne, grande

sous les races héréditaires des Piast et des Jagellons, avait souffert toutes les horreurs de l'anarchie depuis que le système contraire avait prévalu.

La révolution du 3 mai, était à la vérité un grand pas vers la restauration de l'État ; cependant elle péchait par un côté essentiel. La diète en choisissant son souverain dans une nation de troisième ordre, avait sans doute en vue d'enlever tout prétexte de jalousie à ses voisins, et de se soustraire à l'influence étrangère qui aurait pu s'immiscer dans ses affaires intérieures si elle l'eût pris sur les marches d'un trône de premier rang: ces craintes étaient entièrement chimériques.

Le choix d'un prince russe eût sinon détourné, du moins suspendu le coup qui devait déchirer le royaume; mais la diète ayant rejeté l'alliance de Catherine en 1789, et croyant avoir tout à redouter delle, n'était pas disposée à donner la couronne à un de ses petits-fils. La France à la veille d'être assaillie par des ennemis formidables, ne paraissant pas en état de la soutenir, il ne restait plus à choisir qu'entre l'alliance de la Prusse, de l'Autriche et de l'Angleterre. La dernière de ces puissances par son éloignement, le peu de forces dont elle disposait sur le continent, et les rapports de son gouvernement avec la famille royale, ne présentait point les avantages souhaités par la Pologne. L'Autriche et la Prusse, au contraire, les possédaient également, et si l'une avait de plus l'uniformité de religion, l'autre offrait, par l'enclave de ses frontières et ses intérêts commerciaux, des combinaisons qui n'étaient pas à dédaigner.

Dans cet état de choses, les Polonais commirent une faute grave, de ne pas rechercher l'alliance d'une grande

TON. II.

3

puissance qui les eût protégés et à l'aide de laquelle ils auraient posé les fondements de leur indépendance. Cette faute qui leur couta cher,peut cependant être attribuée à la confiance qu'ils mirent en Frédéric-Guillaume, et à l'alliance que ce prince avait contractée avec eux à la fin de 1790 : ils étaient d'autant plus autorisés à y compter, que la cour de Berlin se trouvant unie par les liens les plus étroits à celle de Saxe, rien ne faisait soupçonner la catastrophe qui leur est arrivée.

La paix signée à Jassy, le 9 janvier 1792, entre la Russie et la Porte, ne tarda pas à les laisser en butte à tout les ressentiments de leur ennemi.

Catherine, résolue de profiter du désordre qui menaçait l'Occident de l'Europe, tout en applaudissant à la résistance des émigrés, avait fait filer ses troupes vers la Pologne. Débarrassée des Turcs et des Suédois, libre des craintes que l'intervention de la Prusse ou de l'Autriche pouvait lui donner, elle voyait avec joie ces deux puissances s'engager dans une lutte dont elle prévoyait la durée, et elle s'apprêtait en silence à frapper le grand coup qui allait reculer les limites de son empire jusqu'aux confins de l'Allemagne, et lui assurer un accès direct à toutes les affaires de l'Europe. Le moment était en effet venu, où elle pouvait accabler la nation Polonaise du poids de toutes ses forces. Cependant pour être plus sûre de sa conquête, elle crut devoir la partager, de crainte que le cabinet de Berlin ne soutint la république. Certaine du consentement de la Prusse et de l'impuissance de l'Autriche qui avait déjà commencé la guerre avec la France, elle fit donc entrer trois corps d'armée nombreux en Wolhinie et en Lithuanie, au mois de mai 1792, sous prétexte de rétablir

la constitution de 1775, dont le cabinet de Pétersbourg s'était rendu garant, et de soutenir les intérêts des confédérés de Targowitz. Ce fut alors seulement, que les chefs de cette association publièrent leurs protestations, déclarèrent illégal le gouvernement établi, et reconnurent les troupes de Catherine comme auxiliaires.

Au moment de la déclaration de guerre, les Polonais n'avaient pas cinquante mille hommes sur pied, encore étaient-ils dispersés; mais l'enthousiasme était porté à son comble, et pour peu que Stanislas eût déployé de talents et d'énergie, sa cause n'eût point été désespérée. Toutefois, il faut convenir qu'il manquait beaucoup de choses aux Polonais pour une défense vigoureuse après la défection de leurs alliés, les milices mal organisées ne pouvaient lutter à la longue contre les troupes aguerries de Catherine ; la pénurie d'armes, d'établissements militaires et de finances, ne laissait entrevoir aucun moyen de réparer les échecs.

Un corps d'environ quinze mille hommes, aux ordres des généraux Zabiello et Judicky, destiné à couvrir la Lithuanie, pressé par les colonnes du prince Dolgorouky, de Derfelden et de Denisow, battu à Mir et Nieswij, fut contraint de se replier sur Grodno et d'abandonner toute la Lithuanie.

Le prince Poniatowsky, campé à Lubar avec près de vingt mille hommes, pour couvrir les provinces méridionales, fut obligé de se replier devant l'armée de Moldavie, aux ordres du général Kochokowsky: après de faibles engagements à Tiwrof, Zaslaw et Polone, il vint s'établir derrière Ostrog et ensuite derrière le Bug.

« PreviousContinue »