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Tel fut l'étrange langage qui retentit à la tribune et devint la base de la nouvelle diplomatie française. Eu vain le Conseil cxécutif provisoire montre un peu plus. de modération, il est entraîné par la crainte, ou séduit par ce faux enthousiasme.

quant

Déjà il n'est plus question aux Jacobins que de la Décrets propagande, qui va assurer le triomphe des sectaires provosur toute l'Europe. Ils ne réfléchissaient pas qu'en re- à la crutant quelques disciples obscurs, ils aliènent tous révolte. les dépositaires de l'autorité, qui disposent des armées, et président aux transactions des États: loin de s'apercevoir que l'Europe entière s'armera contre eux, ils imaginent que les trônes vont s'écrouler à leurs pieds, comme jadis les murs de Jéricho tombèrent à la voix de Gédéon. Aussi ne prennent-ils plus la peine de déguiser leurs projets; quelques cerveaux exaltés, conduits et instigués selon toute apparence par le prussien Anacharsis Clootz, prêchent la république universelle. Huit jours après la bataille de Jemmapes, un décret de la Convention provoque ouvertement les peuples à secouer l'esclavage, et promet secours et protection à ceux qui auront le courage de répondre à cet appel (1). On a peine à expliquer d'où put provenir ce vertige, dont tant d'hommes, d'ailleurs éclairés, furent également frappés.

pays

Dès le 3 décembre, un décret décide la mise en ju- Décrets gement de Louis, et une autre mesure adoptée le 15 sur les décembre, organise l'anarchie et la révolte dans tous occupés. les pays traversés ou occupés par les armées françaises (2). Le premier de ces décrets indigne l'Europe, et le dernier soulève les Belges.

(1) Voyez pièces justificatives, no 8. (2) Voyez pièces justificatives, no 9.

Dumouriez hors de lui à cette nouvelle, accourut à Paris, dans l'espoir d'en détourner les effets. On a aussi attribué son voyage à l'envie de se débarrasser des commissaires de la Convention, dont la surveillance et les opérations le génaient, autant qu'elles causaient de mécontentement dans le pays. Les anciens États continuaient à y exercer une grande influence, et à exciter les germes d'opposition à la France révolutionnaire. En vain Dumouriez chercha à les dépopulariser dans ses proclamations: il eut occasion de s'assurer, par la séance orageuse des Assemblées primaires convoquées le 29 décembre pour élire les représentants du peuple, que celui de Bruxelles n'abandonnait point ses anciens chefs, et les Jacobins mécontents menaçaient déjà de transférer à Alost le siège de la Convention belge.

Le décret du 15 décembre excita dans toutes les villes les mêmes plaintes et les mêmes réclamations; le discours de Cambon qui l'avait provoqué, paraissant annoncer le projet de traiter les Pays-Bas en provinces conquises, indigna tous les citoyens. De leur côté, les Jacobins, redoublaient de tenacité dans leurs projets, et s'apprêtaient à inculquer aux Belges, l'amour d'une liberté qu'il fallait concevoir à leur manière, sous peine, comme le disait Brissot, d'être mis au ban de la philosophie.

Bientôt des commissaires, dignes apôtres de la commune de Paris, inondent la Belgique, suivis d'une cohorte d'agents du fisc et de vampires de Cambon; alors on substitue au régime de modération et d'ordre que le genéral en chef avait établi dans les provinces conquises, l'arbitraire et la tyrannie. On voulait faire

chérir la liberté aux Belges, et on leur apportait les réquisitions d'hommes, les spoliations, le cours forcé des assignats auquel on ajouta, pour dernier trait, le dépouillement des églises. Aussi passèrent-ils subitement des illusions les plus agréables, au désespoir, car ils souffrirent tous les fléaux de la guerre et de l'anarchie. On doit dire à la louange du général, qu'il fit les plus grands efforts pour prévenir ce mal et l'arrêter

dans sa source.

Un sourd mécontentement n'était pas le seul résultat de ces désordres, on assure que ces mêmes États de Flandre et de Brabant, qui avaient fait de si grands efforts pour secouer le joug de Joseph II, fatigués aujourd'hui de tant de vexations, députèrent au cabinet de Vienne pour le solliciter de venir à leur secours et de les débarrasser de leurs libérateurs: promettant trente mille hommes et trente millions, pour exciter la bienveillance impériale.

Cette assertion ne paraît point dénuée de fondement, quand on examine la nature et la grandeur des intérêts menacés par l'introduction de l'anarchie dans ces provînces. Mais les événements qui résultèrent de cet état de choses appartenant à la campagne suivante, il est temps d'esquisser un tableau de ce qui se passait au versant des Alpes et sur les rives du Rhin, au moment où tant de fautes se commettaient sur celles de la Meuse.

Les Prus

passent

avec

peine.

CHAPITRE XI.

Opérations sur le Rhin et au centre. -Les Prussiens et les Hessois marchent par Coblentz sur la Lahn pour s'opposer à Custine.-Prise de Francfort.—Combat de Hocheim.-Expédition de Beurnonville sur Trèves.

Pour donner une idée des événements de cette courte

siens re- période, il est indispensable de rappeler qu'à l'époque le Rhin où Dumouriez marchait sur la Belgique, le corps de Custine occupait Mayence et Francfort, et que la petite armée de Kellermann cantonnait sur les bords de la Sarre. De leur côté, les Prussiens, groupés autour Coblentz, passaient péniblement le Rhin sur un pont volant établi entre cette ville et Neutershausen. Le corps hessois les avait devancés, et s'était réuni à Marbourg avec la brigade Cochenhausen, restée jusqu'àlors dans les États de l'électeur. Le passage offrait tant difficultés, qu'il dura dix jours entiers: le général Kalckreuth observa la Lahn dès le 6 novembre avec huit bataillons et vingt escadrons pour le protéger contre les entreprises que Custine eût pu former de Franc fort; la brigade Wittinghof détachée de cette division, occupa Limbourg; le corps autrichien du prince de Hohenlohe, réuni à celui qui avait assiégé Thionville, était resté pour couvrir Trèves et Luxembourg.

Nous avons déjà fait remarquer ce que les alliés eussent pu entreprendre sur Custine, s'ils ne se fussent pas dispersés dès leur retour sous cette forteresse. On s'est étonné avec non moins de raison que les Prussiens, décidés à repasser le Rhin, n'aient pas eu la précaution

de rassembler le nombre de bateaux nécessaires pour construire un pont. Dès le 25 octobre jusqu'au moment où ils arrivèrent à Coblentz, il y avait plus de temps qu'il n'en fallait pour achever cette opération, dont le salut de l'armée semblait dépendre.

Au surplus, cette faute capitale n'entraîna pas de Les Francatastrophe: on sait que les généraux français ne pri-çais ne rent aucune des mesures convenables pour s'opposer à pour s'y la retraite de l'ennemi, et qu'au lieu d'agir de concert opposer. pour précipiter sa ruine, ils se disputaient à qui le laisserait partir.

La faute commise par Dumouriez de n'avoir pas suivi les Prussiens, pied-à-pied, depuis Sainte-Menehould jusqu'au bord du Rhin, était difficile à réparer : le gouvernement n'y serait parvenu qu'en réunissant sur leur ligne de retraite les armées de Kellermann et de Custine, renforcées à temps de toutes les troupes disponibles en Alsace, et c'est à quoi il ne songea pas dans les premiers transports de son ivresse. Cependant cette réunion aurait pu s'effectuer, soit en portant les deux armées concentriquement sur Trarbach ou Simern, soit en attirant l'armée de Kellermann à Mayence, pour marcher ensemble la rive droite du Rhin sur par

la basse Lahn.

Afin d'assurer leurs succès dans ces différentes hypothèses, Biron eût porté dix-huit mille hommes sur les mêmes points, laissant à vingt bataillons choisis et aux braves gardes nationales de l'Alsace, le soin de défendre des places que personne n'était en état d'attaquer. Par ces mesures, prises dès le commencement d'octobre, on eût rassemblé soixante mille combattants, entre le Rhin et la Moselle ou sur la basse Lahn, ce qui eût

TOM. II.

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