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puisqu'ils l'ont officiellement reconnue, et qu'ils ont établi avec elle, comme avec le Saint-Siége, les rapports qui étaient l'expression même de cette pensée. Dans quelle mesure cette réconciliation avec la foi religieuse a-t-elle eu lieu? a-t-elle été suffisante?

Ce qu'il y a de certain, c'est qu'après 48, lorsque les périls de la société paraissaient très-grands, d'anciens adversaires se sont rapprochés, des points de l'horizon les plus divers, pour voter ensemble la liberté de l'enseignement, c'est-à-dire la faculté pour la France d'avoir un enseignement religieux, ainsi que l'expédition de Rome.

rappro

Ce qui ressort, en dernière analyse, de l'histoire des gouvernements dont nous venons de parler, c'est qu'évidemment ils n'ont pu réussir à cher et à fondre les éléments du passé et les éléments révolutionnaires, c'est qu'ils ont offert un terrain à la lutte, mais qu'ils ne l'ont pas terminée.

Les divers régimes qui ont succombé en France

depuis le Consulat et l'Empire doivent-ils leur chute surtout à leurs fautes, ou bien à une cause de ruine supérieure à toutes ces fautes, quelles qu'elles puissent avoir été, à un état des idées et de la société, qui avait fait la situation même où ils

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se trouvaient, situation à laquelle ils avaient pu contribuer, chacun dans sa mesure, mais qu'ils n'avaient point faite ?

Cette grande et capitale question est dans la logique même du livre que nous allons publier.

Nous croyons qu'elle est d'un immense intérêt. Car si, au-dessus de tous les dissentiments politiques, de toutes les divisions, qui survivent aux chutes mêmes des gouvernements et qui en sont comme les dernières ruines sur lesquelles on lutte encore, il y avait une question ouverte, qui fût comme une porte où tout le monde pût passer en se donnant la main, une voie où les ennemis les plus irréconciliables pussent enfin se réconcilier, où des amis douteux deviendraient des amis sincères, où des rapprochements qui ont pu paraître impossibles s'opéreraient facilement dans l'intérêt le plus cher de la société et de sa préservation, comme cela a déjà été tenté après 48, sur ce terrain de la vérité chrétienne, où l'on s'était si heureusement donné rendez-vous; si la cause première de la chute des gouvernements qui ont succédé au Directoire était telle qu'elle impliquât avant tout une lutte même engagée entre le grand principe du Christianisme et

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des théories qui lui fussent essentiellement contraires; si, dans une lutte de cette nature, partout renouvelée, reparaissant sous toutes les formes, la chute même des plus grandes monarchies n'avait été qu'un accessoire; si, comme dans le Mithridate de Racine, une révolution, d'abord anticatholique, antichrétienne, croyait ne pouvoir « vaincre que dans Rome1; »> nous croyons que la question, pour les sociétés qui sont sorties du Christianisme, serait singulièrement simplifiée et ramenée à des termes où les esprits les plus divisés s'entendraient bientôt, pour peu qu'ils admissent également la nécessité de la civilisation chrétienne dont aucune des sociétés qu'elle a faites ne pourrait se passer.

Comment cette civilisation devrait-elle se maintenir? Serait-ce d'une manière complète et entière? ou bien un à-peu-près de civilisation, d'éducation chrétiennes, suffirait-il à ces sociétés ?

Ce qu'il y a de certain, c'est qu'en présence des journées de Juin, après 48, en face du socialisme descendu dans la rue et dressant ses premières barricades, en présence des petits instituteurs, si juste

1 « On ne vaincra jamais les Romains que dans Rome. »> (Discours de Mithridate dans la tragédie de ce nom.)

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ment redoutés par M. Thiers, on ne croyait pas qu'une demi-civilisation, une demi-éducation chrétiennes fussent suffisantes, et que M. Thiers appelait les Jésuites.

On le voit, les faits eux-mêmes ont posé la question.

Elle est maintenant transportée à la porte même du Vatican : qui la gardera? est-ce le Christianisme? Qui s'en emparera? est-ce, sous le nom du Piémont, une philosophie incrédule et révolutionnaire qui aspire, depuis 89, à créer des gouvernements philosophiques, comme il y a eu des gouvernements protestants?

Qu'a fait le Christianisme, qu'a fait cette philosophie pour l'humanité? Comme il a créé en affirmant, est-ce en niant qu'elle doit créer? Nous ne faisons ici que donner la formule même de la situation. La Providence permet-elle que les puissances de la terre, que les politiques les plus habiles soient rappelés, par une telle situation, au sentiment qui peut leur être le plus utile, celui de leur néant, à côté de la grandeur de Dieu et de la lumière toujours nécessaire de son Évangile, qui ne passe pas, en face de toutes les constitutions qui

passent et des gouvernements qu'un souffle paraît quelquefois renverser!..

Pour nous, après la longue et persévérante étude que nous avons suivie, au milieu des hommes et des livres, entre les partis divers que nous avons connus, la question reste ainsi posée sera-ce la civilisation de l'Évangile, ou une civilisation toute différente, sortie d'idées toutes contraires, qui présidera à l'avenir de l'Europe? Tel est le problème qui résume le livre que nous venons d'écrire, tel est le problème que nous croyons avoir été posé avant 89, et que nous retrouvons toujours le même, après soixante-treize ans, plus d'un demi-siècle de révolution.

Avons-nous la prétention de le résoudre? Nous avons voulu au moins apporter à l'étude d'un tel problème, auquel, suivant nous, est attaché l'avenir du monde, toute la foi qui est dans notre cœur, toute la logique qui peut appartenir à notre raison, tout le travail et tout l'effort de notre intelligence.

F. NETTEMENT.

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