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tence même de Dieu! Or, Voltaire veut qu'on fasse des concessions et qu'on ménage les athées. Il voit là surtout, avec le scepticisme qui est le fonds de ses idées, un intérêt de parti et d'influence à sauver. Cependant le mot de république est prononcé assez haut pour effrayer le roi de Prusse, et la politique vient tout à coup se mêler à la philosophie du dix-huitième siècle, mais comme une conséquence, et non pas comme un principe.

Que faut-il à des hommes de la négation absolue en religion? La même négation en politique, sous une forme théorique, sans doute, et générale, mais, au fond, le renversement de toute monarchie et l'établissement d'un système républicain, inconnu jusqu'alors dans l'histoire du monde, où la liberté et l'indépendance de l'homme viennent de lui seul, où sa destinée, par conséquent, ne dépende que de lui-même et de ses passions, où, un dernier schisme le séparant de Dieu, il offre le dernier terme des erreurs humaines, et, à la suite de tant de sectes protestantes qui ont, chacune à leur tour, voulu détruire l'unité catholique, l'athéisme, « schisme séparé de tant de schismes, morceau rompu de tant de morceaux1, pour nous servir d'une expression de Bossuet; lathéisme devenu républicain à sa manière, base nouvelle qu'il faudrait donner à la société et au gouvernement des nations, formées et civilisées par le christianisme, ruine cependant de toutes leurs croyances, débris sans nom, qui nie l'homme autant que Dieu, qui le jette sur la terre sans origine et sans but, qui, pour le faire plus grand, l'assimile aux animaux; ce néant, principe d'une réforme, d'une liberté et d'une république dont jamais

Histoire des Variations, t. II, p. 185.

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des chrétiens n'auraient eu la pensée! Accusez-vous, d'rat-on, la philosophie du dix-huitième siècle d'une telle conséquence? Il suffit d'avoir montré qu'elle l'a produite, qu'elle a toléré et ménagé l'athéisme, qu'elle a voulu même traiter avec lui, qu'elle lui a reproché seulement, par l'organe de Voltaire, trop d'impatience politique1.

Voir les pages 75 et 76 de ce volume, où Voltaire reproche aux auteurs du Système de la Nature et aux philosophes en général, trop d'impatience politique.

CHAPITRE IV

Étude nécessaire de la philosophie du dix-huitième siècle.
été à l'égard du protestantisme. Sa logique.
et ses conséquences.
huitième siècle.

Ce qu'elle a Le protestantisme Résultats analogues de la philosophie du dixPourquoi son

Ce qu'avait fait le protestantisme.

influence avait-elle eu un caractère général? - État des sociétés avant et après le christianisme. L'idolâtrie était locale. Rivalités de classes, luttes intérieures, point de système général embrassant l'homme et l'humanité entière. Changement opéré par le christianisme dans la pensée humaine. Le rationalisme humanitaire. Comment il lutte contre le christianisme. Question de fait. - Opinion de M. de Tocqueville. Voltaire ne prend point d'initiative en politique.

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Intuitions de Voltaire.

contre le christianisme.

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- Frédéric.

de Voltaire, et leurs conséquences.

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La guerre qu'il dirige Système de Voltaire. Idées Condorcet. La raison hu

-

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On ne s'étonnera pas de nous voir suivre ici cette grande lutte, clairement indiquée par les paroles de M. Cousin, que nous avons citées plus haut, entre les idées qui séparent l'homme, comme les sociétés humaines, de Dieu, et la foi chrétienne qui les en rapproche.

C'est ainsi, nous venons de le voir, qu'une partie de la philosophie du dix-huitième siècle, la plus avancée, pour parler comme aujourd'hui, a été avec son athéisme républicain, le développement extrême du protestantisme, développement, certes, que le protestantisme n'avait pas voulu, devant lequel la philosophie du dix-huitième siècle, elle-même, reculait quelquefois, mais qui ne

sortait pas avec moins de logique du principe qu'elle avait emprunté au protestantisme, le droit absolu de libre examen, la souveraineté de la raison humaine, juge de la religion et des Écritures, juge de Dieu, par conséquent, qu'aucune religion ne pouvait lui imposer. Voltaire, au nom de sa raison, ne voulait pas que les ministres de Genève fussent chrétiens; Diderot, en vertu du même principe, aurait voulu que tous les philosophes du dix-huitième siècle fussent athées, et si la raison de Voltaire proscrivait le christianisme, celle de Diderot condamnait le déisme : c'est ainsi que la philosophie du dixhuitième siècle se préparait à devenir politique1.

Telle est la route très-logique que cette philosophic avait parcourue en 1770; dès que la raison humaine repousse le pouvoir de Dieu, qu'elle ne lui permet pas de l'avoir révélé à la terre sous la forme d'une religion, et qu'elle se fait à elle-même sa croyance, il est difficile qu'elle n'arrive pas, comme terme suprême d'une telle entreprise, à supprimer la providence divine, Dieu luimême, et que ramenant tout à l'homme, qui devient sa première règle et son souverain but, elle ne veuille se faire, toutes les fois qu'il lui convient, son gouvernement et sa société même, sur cette terre où il est logique ainsi que l'intérêt plus ou moins bien entendu, et que la volonté de l'homme veuillent dominer comme sa raison.

1 M. Louis Blanc raconte (Ier vol. p. 412 de l'Histoire de la Révolution) que d'Holbach ayant voulu convertir Diderot au déisme, ce fut Diderot qui fit du baron d'Holbach, plus tard l'auteur du Système de la Nature, un athée. On voit dans les Mémoires de l'abbé Morellet (t. I,p. 132) que « le plus ferme déiste, après les dîners bruyants et les controverses qui avaient lieu chez Helvétius, écrivait le lendemain à son adversaire : « Monsieur et cher athée. (Citation de M. Louis Blanc, Histoire de la Révolution, 1er vol., p. 420).

SECULARISATION DU CHRISTIANISME.

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Nous avons déjà indiqué, dans le protestantisme, le point de départ et la tradition de ce développement politique.

Or, le protestantisme, cette grande rupture avec l'ancienne foi, qui vint troubler tout le seizième siècle, diviser l'Europe, et, dans leur propre sein, les nations dont elle est formée, en reniant Rome et l'unité catholique, avait été, pour donner à la secte de Luther son véritable nom, la sécularisation de la religion chrétienne : en Angleterre, il avait accepté le roi, un laïque, comme chef suprême de l'Église, le parlement comme l'assemblée qui remplaçait les conciles, church established by law, une église établie par la loi humaine !

Ce travail de sécularisation, le protestantisme le poursuivit partout il supprima cette vie spirituelle des monastères qui, en face de la société matérielle et dissolue du paganisme, avait peuplé tout d'un coup les déserts d'une société toute spirituelle, offrant à un monde si corrompu le spectacle et l'exemple d'une cité céleste, de la chair vaincue, de l'âme triomphante.

Le protestantisme ne s'était point arrêté là : complétant son œuvre de sécularisation, il porta un coup hardi à la discipline de l'Église, il maria les prêtres. Il supprima parmi les sacrements tous ceux qui appartenaient le plus à cette vie spirituelle, dont il entreprenait la réforme au nom de la raison humaine, la confession, le mariage, l'extrême-onction. Et si d'abord il parut respecter l'eucharistie, des sectes nouvelles n'en firent bientôt qu'une vaine représentation, qu'un souvenir symbolique de la dernière Cène.

Il en fut de même pour la hiérarchie ecclésiastique. Le protestantisme ne se borna pas à ne plus voir que

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