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phes, amis de l'humanité, admirateurs, disent-ils, de Fénelon et de saint Vincent de Paul; pendant qu'on fait tant de projets pour améliorer la situation du peuple, il y a des milliers de prêtres, hommes instruits, qui, dans d'obscurs villages, mènent une vie de pauvreté précisément pour moraliser ce peuple; il y a une éducation gratuite donnée par le clergé', à des élèves bien supérieurs en nombre à ceux qui reçoivent aujourd'hui l'enseignement des colléges; il y a, et c'est par là que nous voulons finir, quinze mille sœurs de charité, qui, filles de l'Évangile et de l'Église, soignent les malades dans les hôpitaux, au moment où des élections générales, qui vont avoir lieu, va sortir une assemblée ou règnera l'esprit philanthropique.

Voilà ce que la monarchie française et l'ancien régime offraient à cet esprit réformateur, à côté d'un roi chrétien qui n'avait repoussé, dans les désirs sincères et ardents qu'il formait pour le bien général, dans les efforts qu'il faisait pour le réaliser, ni les philosophes ni les philanthropes.

1 Avant la Révolution, l'instruction était presque partout gratuite, parce qu'elle était religieuse. Les écoles étaient ouvertes à tous. La jeunesse était sollicitée de toutes parts à s'y presser et s'y pressait en conséquence deux fois plus nombreuse qu'aujourd'hui. (Extrait de l'exposition des motifs du projet de loi sur l'instruction `secondaire, présenté à la Chambre des députés par le ministre de l'instruction publique, en avril 1847.)

CHAPITRE XXXIII

Règlement pour les élections des états généraux.

Suffrage universel.

Le mandat. Comment il était discuté et rédigé. Cahiers du clergé. Comment était formée la hiérarchie ecclésiastique. Les cahiers de la noblesse, leur esprit. - Le Parlement. — Opinions émises Idées voltairiennes.

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et réformes réclamées par les trois ordres. Nobles auxquels il ne manque que d'être roturiers. Elections, composition des états généraux; avocals. Les membres du Parlement à peu près exclus. - Duport. Le club breton.

franc-maçonnerie.

- Les clubs, le Palais-Royal.

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Le Contrat soc al de Rousseau. curité de Necker.

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Liberté illimitée de la presse. - Sé

Violente émeute à la veille de la réunion des états généraux; la fabrique de Réveillon saccagée, et sa maison brûlée. Cause probable de cette émeute: « Il faut tout détruire, il faut tout brûler. »

Le règlement pour les élections des états généraux parut le 24 janvier 1789.

Ces élections étaient basées sur le suffrage universel : ce système, adopté par le pouvoir, répondait à l'opinion qui se fondait sur le nombre.

C'était une ancienne coutume des états généraux qu'au lieu d'être personnelle, sur les plus grandes questions, l'opinion du député formulât celle des électeurs qui l'avaient nommé, et dont il était comme le fondé de pouvoir, c'est ce qu'on appelait le mandat. Or, ce mandat était discuté dans les assemblées électorales, et rédigé dans les cahiers, comme on les appelait, confiés aux représentants des trois ordres : il y avait ainsi les ca

hiers du clergé, ceux de la noblesse et ceux du tiers état.

En raison même de l'opposition que le clergé et la noblesse avaient faite en général, au doublement du tiers; nous croyons devoir analyser ici les cahiers de ce clergé et de cette noblesse.

Les cahiers du clergé, quant aux réformes, étaient encore plus explicites que ceux de la noblesse: renonciation à ses priviléges, acceptation de l'égalité de l'impôt, liberté de l'industrie, admissibilité du tiers à toutes les charges; «< vœu touchant, » dit un historien de la Révolution', «< que les outils du pauvre ne pussent être jamais saisis, et que seul, en France, le journalier fût affranchi de l'impôt; » voilà ce qu'on remarque d'abord dans les cahiers du clergé.

A ces dispositions reconnues par tous les historiens, il faut ajouter qu'une immense majorité de la hiérarchie ecclésiastique appartenait, non-seulement à la bourgeoisie, mais au tiers état tout entier, aux classes populaires; de sorte que le tiers, déjà double en nombre, trouvait dans les rangs du clergé, des auxiliaires tout naturels.

Non-seulement, la noblesse participant aux tendances du siècle, demandait beaucoup de réformes, mais elle s'occupait d'une manière toute générale et théorique, comme l'école de Rousseau, du système à établir dans la forme du gouvernement, et des principes de la Constitution.

La noblesse déclarait à l'unanimité que la nation avait droit de s'assembler en états généraux, demandait la périodicité de ces états, et leur réunion spécialement à l'avénement de chaque nouveau roi, même sans convocation de la part du pouvoir. Le refus de l'impôt était la

1 M. Louis Blanc.

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LA NOBLESSE ET LE GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF. sanction de la périodicité des états. Il s'agissait même de leur permanence dans beaucoup de cahiers. Le droit de dissolution ne devait pas appartenir aux ministres, el tout fonctionnaire public était exclu des états généraux. La noblesse réclamait en outre la liberté de la presse, qui, au reste, existait de fait même avant les élections, comme nous l'avons vu, mais elle demandait qu'une loi la garantît, sauf à réprimer ses excès; plusieurs cahiers indiquaient le jury.

Ainsi, dans la noblesse, se produisaient des opinions qui la plaçaient plus près de Rousseau que de Montesquieu; car, le droit de dissolution enlevé au pouvoir, la permanence des assemblées, l'exclusion de tous les fonctionnaires publics, le refus de l'impôt comme mesure coercitive de la convocation régulière des états, dépassent assurément tout ce qu'on voit en Angleterre, pays classique du gouvernement représentatif.

Mais le langage même de bien des membres de la noblesse, montrait clairement sous l'influence de quelles théories ils se plaçaient pour réformer notre ancien gouvernement. Ils veulent « une déclaration des droits qui appartiennent à tous les hommes, » et ils regardent cette déclaration comme une garantie nécessaire de leur liberté et de leur sûreté. On reconnaît ici et les principes de Rousseau et ceux de la révolution d'Amérique. Les droits de l'homme, sont à leurs yeux, inaliénables, et il y a des principes inhérents même au pacte social. C'est le langage de Rousseau.

A mesure que l'histoire de la Révolution se développera devant nous, on verra plus d'un changement demandé dans les cahiers de la noblesse, passer dans les lois, et on comprendra mieux la nature de l'esprit qui

agit sur toutes les classes de la société pour amener la transformation de la France.

Nous ne pouvons entrer dans les détails de toutes les réformes contenues dans les cahiers de la noblesse, nous nous contenterons d'en indiquer encore quelques-unes : l'abolition des derniers restes du servage, l'organisation définitive des assemblées provinciales, auxquelles seules appartiendra la répartition de l'impôt, avec une large part dans l'administration des provinces; le changement complet du système de l'impôt, les nobles soumis à la taille que le tiers seul avait payée jusque-là, les emprunts contractés par le gouvernement, votés par les états généraux, toutes les caisses publiques placées sous leur surveillance, la fixation rigoureuse du temps de la perception des subsides, qui ne pourra excéder l'intervalle d'une session à l'autre; suppression définitive de la corvée réclamée par tous les cahiers; la liberté de l'industrie et du commerce assurée, la liberté individuelle garantie, plus de lettres de cachet, plus d'arrestations arbitraires, de quelque classe de citoyens qu'il s'agisse; même la démolition de la Bastille, réclamée surtout par la noblesse de Paris, qui avait de vieux griefs contre cette prison d'État; des égards particuliers recommandés pour le peuple par un grand nombre de cahiers, la réforme des règlements de police qui, sans jugement, frappent certaines fautes de la détention, ce qui est contraire à la liberté naturelle; quant au tirage de la milice, la conscription de l'époque, le rachat du service militaire proposé moyennant une certaine somme; des petits hôpitaux rẻpartis dans tous les districts, des ateliers de charité substitués aux dépôts de mendicité, la gratuité de la justice pour le peuple, un service médical établi pour les pau

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