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la compagne inséparable; l'une sanctifie, l'autre édifie. Le devoir d'édifier, commun à tous les hommes, et plus particulièrement celui de la supériorité, est éminemment celui des princes. >>

V

RIEN N'EST GRAND DANS L'ABSENCE DE LA RELIGION.

« L'écueil à craindre pour le prince, dans l'exercice de la dévotion extérieure, ce serait que le motif n'en fût pas assez épuré, et qu'il ne cherchât dans une piété d'ostentation qu'un instrument à sa politique. Ce serait faire les frais du bien, et en prostituer les fruits. >>

VI

DU POUVOIR DU PRINCE DANS L'ÉGLISE..

« Le pouvoir du roi de France dans l'Église est celui du fils aîné dans la maison de sa mère : c'est un pouvoir de protection et de bienveillance, et nullement de domination. »

On n'a pas besoin de commenter d'aussi excellentes maximes. Personne ne dira qu'on ne voulût point préparer à la royauté celui auquel on les faisait entendre.

Nous le savons, de telles maximes, propres à former le cœur d'un roi, à le soutenir dans les grandes épreuves, à le conserver pur et irréprochable, à le pénétrer du sentiment de ses devoirs, à lui faire de la bonté un précepte divin, n'embrassaient pas assurément toutes les situa

LOUIS XVI ET LA RÉVOLUTION.

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tions où pouvait se trouver un prince; mais est-il possible, dans l'éducation, de prévoir un double avenir, celui d'un roi et celui d'un peuple?

Au moins ne faut-il pas ignorer que l'éducation de Louis XVI avait été basée sur ces principes éminemment chrétiens, et que l'idée du pouvoir ne lui avait été présentée qu'avec celle du devoir.

Les faits que nous avons déjà rapportés prouvent que l'éducation religieuse de Louis XVI avait produit les résultats qu'on pouvait en attendre.

Certes, à mesure que la grande lutte s'approche, il est naturel de penser, à l'habileté qui semblerait pouvoir la prévenir. On voudrait que le prince qui se trouve à la `tête d'une nation, dont les épreuves seront si longues et si extraordinaires, pût les conjurer par son génie politique. Il arrive qu'on est d'autant plus exigeant pour lui qu'il était appelé à gouverner dans des circonstances plus difficiles et plus périlleuses.

Mais nous croyons qu'avant de se prononcer à cet égard, il faut d'abord bien connaître la situation qui s'offrit à Louis XVI, quand il devint roi, et surtout se rendre compte de la manière dont il lui était possible alors de la juger.

Il n'est pas, ce nous semble, de meilleure preuve de la difficulté d'une telle appréciation que les divisions qui éclatèrent, à cette époque même, entre des hommes, éminents par leur intelligence, si ardents à se combattre sur le terrain de la révolution, et celles qui, depuis plus d'un demi-siècle, nous séparent que fallait-il penser de l'ancien régime sous lequel on vivait, quelle part fallaitil faire aux réformes proposées? Fallait-il les adopter toutes, ou quelques-unes seulement? Quel en était l'es

prit? Convenait-il de l'accepter comme désormais la seule règle de la politique?

Pour résoudre ces différents points, qui sont l'histoire de cette époque et la nôtre même, nous continuerons le récit des faits les plus importants qui ont marqué le règne de Louis XVI.

CHAPITRE XIX

Comment Louis XVI choisit M. de Maurepas pour, ministre.
Économie politique du dix-huitième siècle.
Louis XV l'appelle son penseur.

mistes.
Turgot théoricien.

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Quesnay, chef des écono-
Turgot administrateur ct

Esprit de système de cette époque. de la nouvelle science suivant les économistes. cette science.

- Résultats

Ce que c'était que

On a vu que Louis XVI, en arrivant au pouvoir, avait le sentiment de son inexpérience et redoutait lui-même sa très-grande jeunesse. Il est évident qu'il chercha d'abord un conseiller sur lequel il pût s'appuyer, et que, dans ce premier choix, il fut guidé par un désir de popularité : il apportait, à l'exercice de la royauté, les sentiments qui l'animaient lorsqu'il était Dauphin.

1

Il hésita entre M. de Machault, auquel son père avait porté une grande estime, et M. de Maurepas, depuis longtemps condamné à l'exil pour avoir déplu à madame de Pompadour. Cet exil même fut une recommandation pour lui auprès du jeune roi, et les amis de M. de Maurepas, qui savaient que Louis XVI ne voulait ni les mœurs ni le gouvernement de son aïeul, lui vantèrent et le mérite de M. de Maurepas et l'éloignement où il avait vécu de la cour.

1 M. de Machault, nous l'avons déjà dit, avait été le meilleur ministre des finances du règne de Louis XV.

M. de Maurepas, déjà fort âgé, était un homme d'esprit, un homme d'expédients, qui pouvait faire illusion à une jeune imagination, mais non pas un homme d'État. Cherchant surtout à se maintenir au pouvoir, diplomate de cour, il avait cette habileté de surface qui se joue des questions sans les approfondir.

Assurément M. de Maurepas, malgré sa verve de salon et ses bons mots que l'on citait, ne comprenait pas, en 1774, la situation du roi, dont il était le ministre, et de la France qu'il venait gouverner; mais combien peu la comprenaient alors, ou, pour mieux dire, avaient l'intuition des dangers de la monarchie 1!

1 Il semble que pour les prévenir il fallait se placer à deux points de vue tout opposés à celui de la religion ou à celui de la philosophie; ainsi, au moment même de la naissance de Louis XVI en 1754, plusieurs évèques avaient exprimé dans leurs mandements les craintes que leur inspirait l'esprit du siècle. (Voir l'Histoire de Louis XVI, par M. de Falloux, p. 4.) On remarqua surtout un passage dans le mandement de l'évêque de Montauban, où il établissait un rapprochement entre la révolution d'Angleterre et l'état moral de la France, presque le jour de la naissance de Louis XVI: « L'esprit de parti et de faction, » disait l'évêque de Montauban, «domina en Angleterre. Rien ne demeura fixe dans les lois divines et humaines. On vit pour la première fois, des sujets révoltés saisir à main armée et traîner dans une honteuse prison, un roi dont le crime était d'avoir supporté avec trop de patience leur première sédition; un parlement secouant le joug de toute autorité supérieure, frapper d'une main les évêques et lever l'autre sur la tête du souverain, l'accuser sans bienséance, le calomnier sans pudeur, le condamner sans justice, le conduire sur un échafaud avec acharnement, et le peuple, étourdi de cet exécrable parricide, s'enivrer à longs traits du fanatisme de l'indépendance, courir en insensé après un fantôme de liberté, tandis qu'en esclave il rend à un tyran l'obéissance qu'il refuse au roi lé– gitime. Quelle suite effroyable de crimes! »

A côté de cette sorte de prophétie de l'évêque de Montauban, nous croyons devoir reproduire ici une citation que nous avons déjà faite

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