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TRAVAIL DES IDÉES DE NÉGATION.

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Le célèbre Grotius, qui, las de douter, allait se faire catholique lorsqu'il mourut, avait représenté en Hollande, vers cette même époque, toutes les variations auxquelles le protestantisme livrait ses sectateurs et qui en étaient la conséquence logique.

Enfin, une grande partie du règne de Louis XIV ne s'était-il point passé à repousser le Jansénisme, ce protestantisme intérieur qui semblait vouloir travailler à la ruine de l'Église dans l'Église même, et greffer l'erreur sur la vérité, parlant toujours de sa soumission et toujours en révolte?

Que signifiait tout ce travail des idées protestantes sous une forme ou sous une autre, ce besoin de raisonner même la corruption du grand monde, qui se manifestait déjà, nous l'avons vu, à la cour de Louis XIV? Qu'une grande lutte était ouverte, et que l'insurrection, commencée par Luther contre l'autorité et la foi religieuse, allait offrir sa seconde et dernière période.

Ce n'est certes point le règne de Louis XIV qui avait créé un tel mouvement; sans doute il aurait dû lui opposer des courtisans plus purs, une haute société moins accessible à des idées qui justifiaient ses vices en supprimant ses croyances; il a pu ouvrir, il a ouvert une issue à la liberté de penser, comme on appelait alors l'incrédulité, à ce courant qui, sorti du protestantisme,

oratorien, auteur d'une Version du Nouveau Testament, où se trouvait plus d'une erreur du rationalisme moderne. (Voir la Vie de Bossuet, par M. de Bausset, liv. XII, p. 645.) Bossuet reprochait surtout à Richard Simon, dont il avait réfuté l'ouvrage, de tendre au socinianisme, qui était la porte précisément par laquelle on sortait alors de la religion.

effrayait Bossuet en Angleterre, en Hollande et en France; mais peut-on méconnaître aussi les éléments religieux qui existaient alors dans la société, cette littérature 1, cette éducation, cet esprit de réforme ecclésiastique; cette conversion du roi, qui certes n'était pas isolée, car la vie religieuse, puissante alors, même en présence des scandales officiels, attirait à elle les héros de bien des romans de cour? En un mot, si cette corruption des mœurs sous Louis XIV, corruption que le roi encouragea par de funestes exemples, offrit comme un premier centre à l'incrédulité, cependant rien, au dix-septième siècle, n'est tranché d'une manière absolue; si, vers la fin de ce siècle et au commencement du dix-huitième, les symptômes d'une opposition antichrétienne viennent à se montrer dans les hautes régions de la société de Paris, où les mauvaises mœurs sont la première liberté que l'on réclame, si Paris, nous l'avons déjà dit, attaque ainsi Versailles dans les salons incrédules d'anciens courtisans corrompus, ce n'est là que la préface du dixhuitième siècle; on commence à éclairer le théâtre, mais la toile n'est pas levée, et il est impossible de soutenir qu'il n'y ait point de remèdes à une telle situation : la maladie qui commence n'est point la crise.

Avons-nous besoin d'ajouter que s'il y avait un ordre de la noblesse en France sous Louis XIV, il y avait aussi un ordre du clergé, ayant ses assemblées générales,

Nous savons qu'il y a bien des critiques à faire du théâtre de Molière en particulier, au point de vue des mœurs; mais il n'en est pas moins vrai que la littérature du siècle est sous l'influence directe de la foi chrétienne, que cette foi y règne comme dans l'éducation.

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votant, sous forme de don gratuit, l'impôt qu'il payait à l'État, propriétaire, jouissant d'une indépendance naturelle, malgré son dévouement au roi, et occupant dans le pays une place qu'un prince, même comme Louis XIV, n'aurait pu amoindrir.

CHAPITRE XVI

Opposition

Le Parlement de Paris casse le testament de Louis XIV.
du Parlement au système de Law.
qu'à son rétablissement sous Louis XVI.
qu'elle était à l'avénement de ce prince.

Le Parlement sous Louis XV jus-
L'administration. Ce

Ce n'est pas sans raison que nous avons cherché à faire apprécier ce qu'il y eut de personnel dans le pouvoir de Louis XIV, dans le pouvoir qui était propre à sa volonté et à son génie, dans ce qu'on a appelé son despotisme, quoique l'état même de la société, les nécessités du gouvernement et le bon sens de ce prince missent à cette autorité des bornes que nous croyons avoir indiquées. Nous venons de voir qu'il y avait une puissance religieuse, une règle souveraine de la société en dehors de Louis XIV, un clergé propriétaire, une éducation dont le roi ne disposait pas; nous aurons l'occasion de compléter cette étude en nous occupant de l'ancien régime; nous allons trouver maintenant un contrôle civil et légal d'un de ses actes assurément les plus solennels, et du pouvoir même qu'il laissait après lui, en même temps la preuve manifeste que l'absorption dans ce règne et dans la royauté elle-même de toute la puissance sociale et politique du pays, n'a jamais existé. Louis XIV meurt le 1er septembre 1715; le lendemain le parlement de Paris casse le testament de ce prince et rentre officiellement en

LE TESTAMENT DE LOUIS XIV.

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possession du contrôle politique qu'il exerce depuis Louis XII.

Il est remarquable que le régent d'Orléans n'hésite pas plus à soumettre au Parlement le testament de Louis XIV que le Parlement, redevenu cour souveraine ', titre que ce prince lui avait interdit, à déclarer un acte direct, émané de l'autorité royale, nul et sans effet, de sorte que si Louis XIV avait imposé au parlement de Paris un silence politique de quarante-deux ans, ce parlement venait à son tour biffer les volontés suprêmes de ce prince, et montrer qu'un si grand pouvoir finissait avec celui qui en avait été revêtu 2.

1 II У avait quatre cours souveraines à Paris, le Parlement, la chambre des comptes, la cour des aides. Ces deux dernières exerçant leur contrôle sur les finances, l'une par la vérification des comptes fournis par les receveurs, l'autre par le grand conseil, tribunal supérieur dont la juridiction embrassait, dans toute la France, les conflits entre les lieutenants criminels, juges d'instruction des bailliages, les procès concernant les archevêchés, évêchés, abbayes, etc. Les parlements de province étaient aussi cours souveraines.

L'une, la chambre des comptes, vérifiait les comptes des receveurs; l'autre, la cour des aides, jugeait les procès sur l'assiette de l'impôt, et par conséquent, la contrôlait comme toutes les causes civiles et criminelles dont l'impôt pouvait être l'occasion.

2 Le Parlement de Paris, sans compter les princes du sang, quarante pairs de France (six ecclésiastiques et trente-huit laïques), qu siégeaient dans de graves occasions, et les maîtres des requêtes qui en faisaient partie de droit, mais ne pouvaient siéger à la fois qu'au nombre de quatre, était composé de cent soixante magistrats, huit conseillers d'honneur et vingt greffiers, à savoir : un premier président, neuf présidents à mortier, huit présidents des enquêtes et requêtes, cent vingt-deux conseillers (dont vingt conseillers clercs, c'est-à-dire prêtres), un procureur général, trois avocats généraux, seize substituts.

Le nombre des présidents et conseillers honoraires s'élevait à plus de quarante. Quatre notaires secrétaires de la cour, trois cent trente

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