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de Château-Renault, le marquis de Martel, le chevalier de Valbel, une glorieuse réunion de marins qui élevèrent si haut la grandeur de la France, sous un règne où, pour parler comme Colbert dans une lettre en date de l'année 1671, la France ne pouvait admettre la prétendue souveraineté des Anglais, non-seulement dans la Méditerranée, mais encore dans l'Océan 1.

Il ne faut pas oublier que si Colbert, l'auteur de cette mémorable ordonnance de 1681, qui fut un véritable code de la marine militaire et marchande, suivi bientôt par toutes les nations, donne une puissante flotte à la France, cette flotte, avec la mission de soutenir en Europe l'influence du pays, avait celle toute spéciale de défendre le commerce français, et pour Colbert, comme on l'a dit avec raison, « les deux marines, » militaire et marchande, « n'en faisaient qu'une2. »

Ainsi, à côté du mouvement ascensionnel de la bourgcoisie sous Louis XIV, de sa grande et notoire influence sur l'administration du pays, de l'accès qui lui est ouvert dans la noblesse, nous voyons cette noblesse, toujours belliqueuse, jouer un grand rôle dans une diplomatie et

1 Lettre de Colbert à son frère, ambassadeur à Londres, citée par M. Pierre Clément dans son Histoire de Colbert, p. 376.

2 M. Louis Blanc, Histoire de la Révolution, Ier volume, p. 235. M. L. Blanc ajoute : « L'ambition navale de Louis XIV avait besoin de matelots les navires marchands lui en fournirent. La marine marchande avait besoin de protection et de sécurité : les vaisseaux de guerre lui servirent d'escorte et la mer fut nettoyée de pirates. Établissant l'indestructible solidarité des deux marines, Colbert ordonna que les gens de mer passeraient alternativement de l'une à l'autre, et changeraient de service tous les deux ans; admirable conception qui substituait l'inscription maritime au barbare régime de la presse des matelots. >>

une marine mêlées si activement à tous les intérêts généraux du pays, à la grandeur même de l'industrie et du commerce, comme à la prépondérance de la politique française en Europe, et prendre ainsi une importance qu'il est impossible de ne pas reconnaître.

Nous ne parlons pas des guerres que se reprocha Louis XIV, mais dont la trop longue durée n'était point faite pour effacer les traditions de courage et d'esprit militaire qui appartenaient à nos anciennes familles, sous les Turenne, les Condé et les Villars; guerres qui, après d'extrêmes périls, sans doute, noblement courus, ont fixé le territoire national', grande tâche dont la noblesse de France a eu naturellement sa part, dans un règne qui, malgré les malheurs de ses dernières années, s'est terininé par une mémorable victoire.

1 « Les résultats ont mis le fait en évidence. La France d'aujourd'hui est encore, à beaucoup d'égards, telle que les guerres de Louis XIV l'ont faite. Les provinces qu'il a conquises, la FrancheComté, la Flandre, l'Alsace, sont restées incorporées à la France. » (M. Guizot, Cours d'histoire moderne, ou Histoire générale de la civilisation en Europe, XIV" leçon, pages 21 et 22.)

2 Le marquis de Villars, qui, lieutenant de Catinat, avait été proclamé maréchal de France, par les soldats sur le champ de bataille de Fredlingen, où il avait défait les Impériaux, le 12 octobre 1702, remporta la célèbre victoire de Denain, le 14 juillet 1712, trois ans seulement avant la mort de Louis XIV.

CHAPITRE XV

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- Ce qu'il faut L'Université, le

Tableau de la société civile, de Louis le Gros à Louis XIV. penser de cette société civile. Philippe le Bel. Parlement, le gallicanisme. Influence du règne de Louis XIV sur l'état religieux du pays. Le catholicisme et l'empire qu'il exerce. Littérature du dix-septième siècle. Résultat de la longue influence du christianisme. L'Église et l'Université. — L'éducation. Lutte de l'Université contre les ordres religieux. Richelieu et Louis XIV ne songent pas à s'emparer, par l'Université, du monopole de l'enseignement. Comment l'Église avait répondu au protestantisme. - A la suite de quel mouvement religieux parut le siècle de Louis XIV. -.Déclaration de 1682. Louis XIV recule devant l'excès de l'autorité civile. État de la religion sous le règne de Louis XIV, Lettre adressée par Bossuet à Fleury en 1701. Grotius.

Le jansénisme. Seconde période de l'insurrection commencée par LuLa maladie n'est pas la crise. Éléments religieux de la société française.

ther.

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Nous avons voulu offrir, de Louis le Gros à Louis XIV, le tableau le plus exact qu'il nous a été possible de la société civile et du gouvernement de la France. Royauté, noblesse, bourgeoisie, nous avons passé en revue les principaux éléments de cette société et de ce gouvernement. Nous les avons étudiés d'une manière toute spéciale pour montrer le caractère qui leur a été propre.

Certes, nous ne prétendons pas que cette société civile ait toujours été irréprochable à l'égard de la société religieuse, dont elle était sortie; mais nous rappelons Philippe le Bel, l'Université, le Parlement, le gallicanisme, cet effort pour faire prédominer l'autorité royale sur

l'autorité religieuse, le civil sur le spirituel; mais, malgré ce malheureux antagonisme, auquel Louis XIV se laissa entraîner, son règne, indépendamment du prince, et par son initiative même, a exercé une heureuse influence, qu'il est impossible de méconnaître, sur l'état religieux du pays.

Ce qu'il y a d'admirable dans le catholicisme, c'est qu'il a fondé une société dont l'existence a des conditions supérieures à toutes les sociétés humaines; c'est qu'il vit et fait vivre cette société par lui-même. Jusqu'à lui on n'avait rien vu de pareil. Le paganisme était mêlé à l'organisation de l'État, il en faisait partie; c'est à quoi est revenu le protestantisme, qui est aussi de main d'homme. Les princes peuvent, sans doute, montrer leur dévouément à la vérité religieuse, la servir, mais mille preuves éclatantes démontrent qu'elle existe en dehors d'eux.

Il y a un fait qui frappe dès qu'on entre dans le dixseptième siècle, sa langue même, sa littérature. Cette langue, cette littérature sont chrétiennes; l'impression qu'on ressent, au milieu de tant de génies et de chefsd'œuvre chrétiens, est d'autant plus forte que le siècle suivant oppose un contraste plus tranché à cette unanimité des grandes intelligences du dix-septième siècle, à ce concert d'une même foi qui inspire Corneille et Racine comme Bossuet lui-même : le dix-septième siècle, avec ses religieuses harmonies, et la chaire de Bossuet, qui domine toutes ses grandeurs, est comme la cathédrale antique où le front s'incline; le dix-huitième siècle, malgré ses prétentions philosophiques, est le vain théâtre où l'oreille n'entend que des rires moqueurs.

Après cette longue influence que le christianisme avait exercée parmi nous sur les idées, un siècle vint où la

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langue s'étant élevée à une haute perfection, devait rendre solennel hommage à la religion, non-seulement dans la chaire, mais sur le théâtre même, par la sublimité de la forme et de la pensée. Est-il, en effet, dans l'antiquité ou dans les temps modernes, une autre langue, une autre époque, qui réunisse les oraisons funèbres de Bossuet et l'Athalie de Racine? On ne peut, si l'on réfléchit au caractère d'une telle littérature, oublier l'éducation toujours donnée par l'Église à la société française, même depuis et malgré la fondation de l'Université de Paris.

Sans entrer ici dans l'histoire d'une corporation, qui se montra plus d'une fois infidèle au souverain pontife, ⚫ qui l'avait instituée, et au roi, qui la protégeait, qui voulut s'emparer du monopole de l'enseignement et substituer l'immobilité de ses méthodes aux progrès que toutes les sciences durent aux ordres religieux, des Dominicains et des Franciscains, aux Jésuites et aux Oraloriens, à côté des prétentions universitaires, on vit se manifester la grande initiative de l'Église, représentée par ces ordres monastiques; ce furent eux qui, avec l'appui du Saint-Siége, maintinrent la liberté de l'enseignement pour les maîtres ecclésiastiques, pour tout le monde, eux qui forcèrent l'Université, par la concurrence seule, à améliorer son système d'enseignement.

Cette science que l'Église avait sauvée de la barbaric, dont son esprit, par tant de fondations pieuses, avait multiplié la gratuité, elle ne pouvait permettre qu'une institution quelconque la confisquât à son profit.

On le voit bien, sous le règne qui nous occupe en ce moment, l'influence traditionnelle de la religion sur l'enseignement est telle qu'on ne songe pas alors, malgré tout le développement de l'administration qui tend à

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