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sion... Éloignez à jamais de vos peuples un fléau capable d'y renouveler la désolation et de consommer leur ruine. Quel avantage pourrait jamais résulter d'un dénombrement confié à des mains aussi intéressées! Jamais la justice n'eut de pareils ministres... La seule voie de parer à ces inconvénients est de confier l'exécution du cadastre aux cours supérieures... Leur équité inaltérable, leurs connaissances sur les propriétés et les facultés des peuples de leur ressort, la confiance que ces peuples ont en elles, vous répondent de l'exactitude de leurs opérations... (Remontrances du Parlement de Besançon, 31 août 1763).

Que l'exemple du passé, par rapport aux impositions du dixième et des vingtièmes, donnerait un juste sujet de craindre que, sous prétexte du dénombrement et de l'estimation ordonnés par l'édit, on ne vît bientôt paraître des légions de préposés armés contre la propriété des citoyens, excités à faire le mal par l'appât des récompenses et l'espoir de l'avancement, et dont les opérations aboutiraient à ruiner tout propriétaire qui, par une contribution prudente, mais ruineuse, offerte à leur rapacité, ne se serait pas rédimé de leurs injustices; que cette crainte répand déjà l'alarme dans les campagnes; que les biensfonds, dont les calamités publiques ont depuis quelques années diminué considérablement la valeur, vont être avilis de plus en plus ; que l'attachement à la propriété, principe actif de l'économie industrieuse des propriétaires, source des richesses les plus importantes du royaume, et le plus fort des liens par lesquels le citoyen tient à la patrie, ferait bientôt place à une funeste insensibilité, présage certain de ruine de tout État... (Objets des remontrances arrêtés par le Parlement de Rouen, 16 juillet 1763).

122.

Extrait des grandes remontrances de la Cour des aides de Paris, relatif 6 mai 1775.

aux vingtièmes.

(Mémoires pour servir à l'histoire du droit public en France, p. 673.)

lui

... On avait reconnu en 1763 que cet impôt, déjà si onéreux par même, l'était devenu encore davantage par l'inquisition qu'on exer. çait pour le lever, et, dans le temps d'un renouvellement, le Parlement de Paris y avait remédié par une clause qui ne fut point désapprouvée par le roi, et qui fut imitée par toutes les autres cours. L'objet du Parlement était de mettre un terme aux inquisitions, et pour cela on défendit d'augmenter les cotes de l'année 1763.

Mais cette clause, qui remédiait aux abus, déplut à ceux qui voulaient les conserver; aussi quand l'impôt a été rétabli en notre absence, la clause n'a été mise ni dans la loi même, ni dans l'enregistrement fait par ceux qui occupaient nos places.

Le peuple n'a pas tardé à ressentir les cruels effets de cet impôt rétabli sans la clause de 1763; car, dans l'instant même, presque tous les sujets de V. M. ont vu augmenter considérablement leurs cotes, sans qu'il leur fût donné aucune raison de cette augmentation subite, et on a annoncé dans tout le royaume de nouvelles recherches, et une rigueur dont il n'y avait pas encore eu d'exemples; comme si les administrateurs avaient voulu se venger de la contrainte où ils avaient été depuis 1763 jusqu'en 1771, oserons-nous dire, Sire, comme s'ils avaient voulu faire sentir au peuple tout ce qu'il avait perdu en perdant ses anciens magistrats1.

Les choses en sont venues au point qu'aujourd'hui la perpétuité même de l'impôt est peut-être moins accablante pour le peuple que le despotisme qu'il entraîne.

Nous représentons à V. M.: 1° qu'une imposition réelle dont la somme totale n'est pas fixée est une injustice commise envers la nation; 2° que ce genre d'imposition est vicieux en lui-même, parce qu'il entraîne nécessairement et les frais et l'arbitraire.

Nous osons dire à V. M. qu'un tel impôt est une injustice commise envers la nation, d'après le grand principe qu'un roi ne doit jamais imposer sur ses sujets ni plus ni moins que ce qu'exigent les besoins de l'État... Nous avons dit aussi que ce genre d'imposition entraîne nécessairement des frais et de l'arbitraire. Pour rendre cette vérité sensible, il faut faire connaître à V. M. les différentes formes de répartition employées dans les différentes provinces pour les impositions dont la somme est fixée... Il sera aisé de se convaincre que l'imposition du vingtième réunit tous les inconvénients, qu'elle occasionne plus de frais, plus de despotisme et plus d'injustices de tous les genres qu'aucune espèce de répartition, et que la clause de 1763 était un remède nécessaire à apporter à des abus qui ne pouvaient plus être supportés...

123.

23 janvier 1778.

Remontrances du Parlement de Paris contre les vingtièmes. (Flammermont, Remontrances du Parlement de Paris au XVIII' siècle, t. III, p. 398.)

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On n'en saurait douter, le dixième (de 1710) était un don gratuit: le Roi n'imposait pas, il demandait, expression naturelle et pourtant bien remarquable.

Le Roi ordonne (art. 11) que les propriétaires fourniront dans quinzaine des déclarations; que, faute d'en fournir, ils seront tenus de

1. En italiques dans l'original.

payer le double, et le quadruple en cas de fausse déclaration; mais cette clause était purement comminatoire; la preuve en est qu'on n'établit ni contrôleur pour vérifier ces déclarations, ni juge pour les punir; le prévôt des marchands pour Paris, les commissaires départis pour les provinces, entre les mains desquels devaient être fournies les déclarations, ne reçurent, à cet égard, aucun pouvoir...

Tout propriétaire a droit d'accorder les subsides ou par lui-même, ou par ses représentants; s'il n'use pas de ce droit en corps de nation, il faut bien y revenir individuellement; autrement il n'est plus maître de sa chose, il n'est plus tranquille propriétaire. La confiance aux déclarations personnelles est donc la seule indemnité du droit que la Nation n'a pas exercé, mais n'a pas pu perdre, d'accorder et de répartir elle-même les vingtièmes... Le seul moyen de rendre les impôts légitimes est d'écouter la Nation; au défaut de la Nation, le seul moyen de les rendre supportables est d'écouter les individus, en sorte que la déférence aux déclarations soit du moins une image, un vestige, un dédommagement conservatoire du droit national.

Ces maximes données par la raison, recueillies par les lois, consacrées par les faits, ont régné, Sire, pendant 60 années. Depuis 1771, on s'en écarte absolument... Toutes les élections sont ravagées par des hommes sans frein comme sans titres, qui sont, aux yeux de la justice, des concussionnaires... La maxime de la progression proportionnelle des vingtièmes est contraire non seulement aux édits, non seulement à la justice, mais encore à la sage politique d'une administration prévoyante... Les manoeuvres de ces hommes du fisc sont notoires; leur intérêt est de ne pas finir; ils multiplient les inquisitions; leurs talents vexatoires pour augmenter l'impôt sont animés par d'énormes salaires; ces salaires ne se montaient dans l'origine qu'à 260.000 1. ; maintenant ils sont plus que doublés. L'objet de leur nouveau travail n'est rien moins que la confection du papier terrier de toute la France, non une suite des anciennes déclarations. Cette confection, ouvrage d'un nouveau genre, inouï jusqu'à nos jours, est d'une forme plus compliquée que l'ancienne opération. Quel en sera le terme ? Sire, les calculs des contrôleurs, intéressés à faire mal, à traîner en longueur, animés par le lucre, enhardis par la provision, seront rarement définitifs et plus rarement justes... L'arrêt du 2 novembre parle de justice, et les seigneurs, les gentilshommes y sont comptés pour rien. Séparés de l'assemblée des notables 1 par la constitution de la monarchie, l'estimation de leurs propriétés, faite sans eux, sera-telle juste sera-t-elle obligatoire? Sans eux, quels seront les droits,

1. Le Parlement veut parler ici des propriétaires notables des paroisses que vise l'article 2 de l'arrêt du Conseil du 2 novembre 1777

l'influence, les lumières, peut-être, de ce conseil incomplet? Entendon que la justice ne soit pas due aux seigneurs? Prétend-on les livrer à la merci de leurs vassaux, des préposés1?...

8. Correspondance administrative.

124.

Lettre du gouverneur de Lyon au contrôleur général, sur la levée du dixième. 28 décembre 1710.

(Arch. nat., G7 235.)

... M. le maréchal de Villeroy, ayant été informé des intentions du roi sur la levée du dixième dans la ville de Lyon par une lettre que M. Desmaretz lui écrivit le 11 de ce mois, dépêcha un courrier au consulat avec les ordres, les mémoires et toutes les instructions nécessaires sur la conduite que les prévôts des marchands et échevins devaient tenir en cette occasion pour donner de nouvelles marques de leur bonne volonté et de leur zèle pour le service du roi.

Le consulat s'étant assemblé le 18 de ce mois, où se sont trouvés, avec le prévôt des marchands et les échevins actuellement en charge, les anciens prévôts des marchands et échevins qui avaient passé dans les mêmes charges depuis l'année 1685, il y a été délibéré sur les moyens les plus prompts et les plus convenables de donner au roi une finance proportionnée à celle que S. M. pouvait attendre de la levée du dixième.

Et, comme l'établissement de cette levée à l'égard des biens qui ne consistent pas en immeubles ne pouvait se faire dans la ville de Lyon

1. Le 29 avril 1788, Goislard de Montsabert dénonça au Parlement de Paris les recherches des contrôleurs des vingtièmes comme contraires à l'édit de septembre 1787: il soutint que le Parlement, en enregistrant cet édit, n'avait fait que proroger le second vingtième, étendu seulement aux domaines de la couronne, mais n'avait pas accordé de nouvel impôt, ce dont il avait proclamé n'avoir pas le droit; que le vœu de la compagnie avait toujours été l'égalité proportionnelle des impôts entre tous les contribuables, mais jamais l'extension de leur masse, et que la fixité des cotes individuelles, toujours soutenue par les parlements, s'y opposait absolument ; que, d'ailleurs, la foi aux déclarations était la seule indemnité du droit que la Nation n'avait pas exercé, mais n'avait pu perdre, d'accorder et de répartir ellemême les vingtièmes.

Le Parlement arrèta, en conséquence, que l'augmentation progressive des vingtièmes sur l'augmentation progressive des revenus serait destructive de la propriété des citoyens et de leur industrie, que ce principe était détruit sans retour par les remontrances de 1778, que l'édit de septembre ne l'avait pas autorisé, et il chargea les gens du roi d'informer de l'existence et de la conduite des contrôleurs du vingtième.

sans exposer le commerce, en quoi consiste la fortune et tous les biens de la plus grande partie de ses habitants, à une perte certaine, ce commerce, qui dépend ordinairement d'un grand secret, ne pouvant subsister après les déclarations exactes que les marchands et négociants auraient été obligés de donner de leurs facultés, il a été résolu dans l'assemblée que pour parvenir, sous le bon plaisir de S. M., à un abonnement qui pût tenir lieu de l'établissement et de la levée du dixième des biens qui ne consistent pas en maisons, rentes constituées ou autres immeubles, il serait incessamment procédé à la confection d'un rôle d'évaluation du dixième que chaque négociant ou autres personnes qui font profession de faire valoir leur argent doivent payer, et que, pour cet effet, on établirait six bureaux, dont le premier composé du consulat et les cinq autres des anciens échevins présidés dans chacun bureau par un ancien prévôt des marchands auxquels bureaux seraient distribués les 35 quartiers de la ville, pour travailler, sans perte de temps, dans les salles de l'hôtel de ville qui leur seraient indiquées, aux rôles pour fixer l'abonnement du dixième des biens qui ne consistent pas en immeubles, et que ces rôles seraient ensuite remis au prévôt des marchands en charge, pour être examinés et vérifiés dans une seconde assemblée...

125.

Lettres de Lamoignon de Courson, intendant de Bordeaux, au contrôleur général, sur la levée du dixième. 30 décembre 1710.

...

(Arch. Gironde, C 3057.)

Je commence à voir qu'on viendra à bout d'avoir des déclarations, qu'elles seront même assez justes; mais je crains qu'il n'y ait pas autant de facilité pour le paiement, que chacun voudra éloigner le plus qu'il pourra, par mauvaise volonté ou parce qu'effectivement l'espèce manque en ce pays-ci, et que ce recouvrement n'apporte pas des secours aussi prompts qu'on le pourrait souhaiter. Il m'est venu sur cela une idée qui pourrait faciliter ce recouvrement, si elle est de votre goût ce serait d'engager les principaux à s'abonner, en leur faisant quelque remise.

... Par exemple, une personne qui ferait sa déclaration de 10.000 1. de rente, au lieu de lui en demander 1.000, se contenter de 6 à 700 I., à condition qu'elle en paierait une partie comptant, et qu'elle prendrait des engagements dans l'année pour payer le reste... Je ne puis pas encore me promettre de réussir dans ce projet, mais j'y vois quelque apparence; si cette idée vous convenait, je pourrais travailler à faire en sorte que ceux qui sont sujets aux plus fortes taxes me le

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