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DE LA MONARCHIE

SELON LA CHARTE.

PREMIÈRE PARTIE.

CHAPITRE PREMIER.

Exposé.

La France veut son roi légitime.

II

y a trois manières de vouloir le roi légitime : 1o Avec l'ancien régime;

2o Avec le despotisme;

3o Avec la Charte.

Avec l'ancien régime, il y a impossibilité : nous l'avons prouvé ailleurs 1.

Avec le despotisme, il faut avoir, comme Buonaparte, six cent mille soldats dévoués, un bras de fer, un esprit tourné vers la tyrannie je ne vois

'Cet ouvrage étant comme la suite des Réflexions politiques, partout où je me trouverai sur le chemin des mêmes vérités, pour m'épargner les répétitions, je citerai en notes les Réflexions. Par la même raison, je citerai aussi le Rapport fait au Roi à Gand, rapport qui découle également des principes posés dans les Réflexions politiques.

rien de tout cela. Je sais bien comment on établit le despotisme; je ne sais pas comment on feroit un despote dans la famille des Bourbons.

Reste donc la monarchie avec la Charte.

C'est la seule bonne aujourd'hui: c'est, d'ailleurs, la seule possible; cela tranche la question.

CHAPITRE II.

Suite de l'Exposé.

Partons donc de ce point que nous avons une Charte, que nous ne pouvons avoir autre chose que cette Charte.

Mais depuis que nous vivons sous l'empire de la Charte, nous en avons tellement méconnu l'esprit et le caractère, que c'est merveille.

A quoi cela tient-il? A ce qu'emportés par nos passions, nos intérêts, notre humeur, nous n'avons presque jamais voulu nous soumettre à la conséquence, tout en disant que nous adoptions le principe; à ce que nous prétendons maintenir des choses contradictoires et impossibles; à ce que nous résistons à la nature du gouvernement établi, au lieu d'en suivre le cours; à ce que, contrariés par des institutions encore nouvelles, nous n'avons pas le courage de braver de légers inconvénients, pour acquérir de grands avantages; en ce qu'ayant pris la liberté pour base de ces institutions, nous nous effrayons, et nous sommes tentés de reculer jusqu'à l'arbitraire, ne comprenant pas comment

un gouvernement peut être vigoureux sans cesser d'être constitutionnel.

Je vais essayer de poser quelques vérités d'un usage commun dans la pratique de la monarchie représentative. Je traiterai des principes : je tâcherai de démontrer ce qui manque à nos institutions, ce qu'il faut créer, ce qu'il faut détruire, ce qui est raisonnable, ce qui est absurde. Je parlerai ensuite des systèmes je dirai quels sont ceux que l'on a suivis jusqu'ici dans l'administration. J'indiquerai le mal; je finirai par offrir ce que je crois être le remède. Au reste, je ne m'écarterai pas des premières notions du sens commun. Mais il paroît que le sens commun est une chose plus rare que son nom ne semble l'indiquer : la révolution nous a fait oublier tant de choses! En politique comme en religion, nous en sommes au catéchisme.

CHAPITRE III.

Éléments de la monarchie représentative.

Qu'est-ce que le gouvernement représentatif? quelle est son origine? comment s'est-il formé en Europe? comment fut-il établi autrefois en France et en Angleterre ? comment se détruisit-il chez nos aïeux, et pourquoi subsista-t-il chez nos voisins? par quelles voies y sommes-nous revenus? Pour toutes ces questions, voyez les Réflexions politiques. Or, le gouvernement établi par la Charte se de quatre éléments: de la royauté ou de

compose

1

la prérogative royale, de la Chambre des pairs, de la Chambre des députés, du ministère. Cette machine, moins compliquée que l'organisation de l'ancienne monarchie avant Louis XIV, est cependant plus délicate, et doit être touchée avec plus d'adresse la violence la briseroit; l'inhabileté en arrêteroit le mouvement.

Voyons ce qui manque, et quels embarras se sont rencontrés jusqu'ici dans la nouvelle monarchie.

CHAPITRE IV.

De la prérogative royale. Principe fondamental.

La doctrine sur la prérogative royale constitutionnelle est : Que rien ne procède directement du roi dans les actes du gouvernement; que tout est l'œuvre du ministère, même la chose qui se fait au nom du roi et avec sa signature, projets de loi, ordonnances, choix des hommes.

Le roi, dans la monarchie représentative, est une divinité que rien ne peut atteindre : inviolable et sacrée, elle est encore infaillible; car, s'il y a erreur, cette erreur est du ministre et non du roi. Ainsi, on peut tout examiner sans blesser la majesté royale, car tout découle d'un ministère responsable.

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Quand donc les ministres alarment des sujets fidèles, quand ils emploient le nom du roi pour faire passer de fausses mesures, c'est qu'ils abusent de notre ignorance, ou qu'ils ignorent eux-mêmes la nature du gouvernement représentatif. Le plus franc royaliste, dans les Chambres, peut, sans témérité, écarter le bouclier sacré qu'on lui oppose, et aller droit au ministre; il ne s'agit que de ce dernier, jamais du roi.

Et tout cela est fondé en raison.

Car le roi étant environné de ministres responsables, tandis qu'il s'élève au dessus de toute responsabilité, il est évident qu'il doit les laisser agir d'après eux-mêmes, puisqu'on s'en prendra à eux seuls de l'événement. S'ils n'étoient que les exécuteurs de la volonté royale, il y auroit injustice à les poursuivre pour des desseins qui ne seroient par les leurs.

Que fait donc le roi dans son conseil? Il juge, mais il ne force point le ministre. Si le ministre obtempère à l'avis du roi, il est sûr de faire une chose excellente, et qui aura l'assentiment général; s'il s'en écarte, et que, pour maintenir sa propre opinion, il argumente de sa responsabilité, le roi n'insiste plus le ministre agit, fait une faute, tombe; et le roi change son ministre.

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