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même temps qu'elles s'occupent d'autres objets, on commence par devider deux fils plats fur un feul peloton; ce fil ainfi doublé s'attache au fufeau, s'y arrête par une boucle, l'ouvrière tourne & jette le fufeau, & fournit à mesure du fil du peloton; lorfque les tours du fufeau ont affez tordu le fil, elle reprend le fuseau, maintient très-tendue la portion de fil tors, l'hume&te de falive en la paffant fur fes lèvres, la paffe encore très - ferme fur fon genou, & la renvide fur le fufeau, de la manière accoutumée.

On retord auffi au fufeau, en faifant paffer les fils de deux pelotons ou plus, mis d'abord dans un vaiffeau rempli d'eau, dans un piton ou un crochet placé au plancher du lieu où l'on travaille; les fils, toujours maintenus dans leur réunion par le crochet, font attachés au fuseau qu'on fait tourner pour retordre, & auquel on en fournit fucceffivement fans gêne & fans embarras.

Ces divers procédés lents, & impraticables dans le commerce par cette raifon, depuis l'invention de moyens expéditifs, ne devoient pas pour cela être paffés fous filence, ils font toujours ceux du grand nombre de perfonnes qui travaillent pour leur ufage, ils n'entraînent aucun frais, & ils ont certainement précédé tous les autres.

On retord auffi le fil fur le rouet du paffementier; on commence conftamment par doubler les fils & mettre les pelotons dans de l'eau ; le fil mouillé a moins de reffort, fes brins fe couchent & fe prêtent mieux à l'opération du retordage: le vafe qui le contient placé près du rouet, on en tire les fils dont on attache le bout au crochet d'une des molettes, on les étend, les conduit à la plus grande diftance qu'il eft poffible, les foutenant par des fupports d'efpace en efpace, on les tourne autour d'un bâton de chaife ou autre chofe femblable, on les ramène au crochet d'une feconde molette; on retourne les paffer comme à la première, & on revient à une troisième molette, afin de retordre quatre longueurs à la fois; une femme fe tient à l'extrémité oppofée du rouet, paffant fes doigts dans les fils au lieu où elle les avoit tournés fur un bâton de chaife, &, tandis qu'elle les maintient, une autre ouvrière tourne la manivelle du rouet; les fils fe tordent, fe raccourciffent en proportion, celle qui les tient fe rapproche d'autant, & quand ils font affez tors, ce qui fe reconnoît très-bien, lorfque abandonné à lui-même, le fil fe roule fur foi, on le met en écheveaux pour le laiffer fécher.

Les cordes ouvertes ou croifées déterminent la direction du tord, qu'on donne toujours de manière qu'il foit oppofé au fens de la filature. Nous ne décrirons pas ici le rouet dont on peut voir la figure & la defcription à l'article du paffementier. Cette méthode eft déjà beaucoup plus expéditive que les précédentes, mais elle n'eft pas à comparer, non plus qu'elles, à l'emploi des moulins à Tetordre, pour la célérité de l'opération; avant

d'expofer le mécanisme de celle-ci, qui doit être accompagné de la defcription des moulins, nous obferverons que précédemment à l'ufage du moulin, il faut toujours devider & doubler les fils à retordre.

§. II.

Manière de devider & doubler les fils ordinaires & ceux à dentelles, pour les préparer au retordage du moulin.

Le fil à coudre eft communément en écheveaux de grandeur arbitraire, on en prend deux qu'on place chacun fur des aîles de devidoir portées par un même pied ou fur deux pieds différens, il n'importe; feulement dans le dernier cas, on les rapproche. On prend le bout des deux fils qu'on arrête fur la bobine d'un rouet fimple, appellė charriot par quelques-uns, & qu'on tourne foit avec une manivelle, foit à la main qu'on appuie fur l'un des rayons; on devide ensemble les deux fils, ayant l'attention de les conduire de la main, pour qu'ils fe joignent fans fe mêler en paquet, & l'on en charge la bobine autant qu'elle peut en contenir. Cette bobine, buhot ou buiffiaux, n'eft qu'un petit cylindre en bois léger, un peu refferré au milieu, fans rebords à chaque extrémité, & creux de manière qu'il puiffe être enfilé tour à tour, par la broche du rouet & par celle du moulin où il doit être tranfporté.

Ce doublage n'a rien de particulier. Il n'en eft pas de même des fils très-fins, fervant à la dentelle.

On a vu à la filature (fect. II, §. 3.), que ces fils étoient ourdis ou devidés lorfqu'ils entroient dans le commerce à la première main, en huit brins, ordinairement par écheveaux de quinze aunes faifant douze portées & demie ; ils le font auffi quelquefois en écheveaux de douze aunes par portées de dix brins. On eft donc obligé de commencer par féparer ces brins en autant d'écheveaux particuliers, & de procéder enfuite au doublage. Peut-être épargneroit-on le temps & le travail fi l'on formoit d'abord les écheveaux en deux brins; le fil fembleroit devoir y gagner en raison de fon extrême fineffe, qui l'expofe davantage aux frot temens. Mais d'un autre côté, une telle divifion des fils rendroit plus difficile l'évaluation de leur fineffe, & le rapprochement des écheveaux femblables, pour en faire une portée, demanderoit plus de temps & de foins; d'ailleurs les écheveaux en deux brins fe démêleroient avec plus de perte s'il arrivoit qu'il fe fuffent mêlés dans les tranfports. Enfin l'ufage eft établi, les réglemens même exigent qu'il foit fuivi, & l'habitude feroit encore le plus grand obftacle à vaincre pour un changement, en fuppofant que les avantages de celui-ci ne feroient balancés par aucun inconvénient.

La manière dont on défourdit les écheveaux de fils à dentelles pour les préparer au retordage, eft

la même que pour défourdir ceux du fil à baptifte ou linon, pour en former des trames. On fe fert d'un devidoir qui reffemble, en petit, à un ourdiffoir rond; les proportions en doivent être finon égales, du moins relatives à celles de l'ourdiffoir fur lequel ont été formés les écheveaux; la cage ronde, tournant fur fon axe, eft munie haut & bas d'un encroix ou fourchette, la distance de l'une à l'autre doit être telle qu'elle contienne jufte l'écheveau à devider (Voyez Pl. I, fig. 1, de la vignette). L'ouvrier prenant un quart de fil, l'enverge à la fourchette d'en haut, fait tourner le devidoir autour duquel s'enroule en hélice le quart de fil, jufqu'à ce qu'il foit arrivé à l'encroix d'en bas où il s'enverge par demi-portées. Alors on dénoue les liens qui maintenoient la féparation des portées, on prend fur l'encroix d'en bas les huit fils de la dernière demi-portée, & on les porte fur l'afpe ou tourelle horizontale, appellée auffi lanterne & moulinet d'un démétoir placé à distance convenable: mais cet afpe eft précédé, du côté du devidoir, par une tringle de bois garnie de petites fiches verticales, portant chacune un annelet de fil de fer; cette tringle eft quelquefois adaptée au chaffis de l'afpe, comme on le voit dans la figure indiquée, & plus fouvent encore elle eft à part fur fon pied. (Voyez le bas de la planche, fig. 8.)

Ayant donc féparé les huit fils, on les fait paffer chacun dans un annelet, & on les arrête enfuite fur l'afpe ou tourelle qu'on met en mouvement & qui fe charge à mefure des fils, lefquels forment ainfi fur elle, vis-à-vis chaque annelet, autant de petits écheveaux. Il faut placer la tourelle & le devidoir respectivement, de manière que les fils éprouvent le moins de tiraillement, & l'ouvrier doit aider la féparation de ceux-ci en les écartant doucement avec les doigts au faifceau qu'ils forment, avant d'entrer dans les annelets. Les dimenfions de la tourelle ou moulinet font proportionnées à la groffeur du fil qu'elle doit recevoir; elle eft ordinairement de deux pouces de diamètre pour le fil le plus fin, & en bois de fapin pour plus de légèreté; fon axe n'eft alors qu'un fort fil de fer, recourbé à l'une de fes extrémités, en forme de manivelle, on peut l'ôter librement de deffus le chaffis où elle eft repréfentée dans la fig. 6, comme on le fait communément pour la mettre dans une fituation verticale à portée de l'ouvrier qui doit doubler les fils; c'eft ce que nous verrons dans un inftant. Mais il eft important d'obferver encore, pour la première opération, que le mouvement doit être imprimé avec beaucoup de douceur & de ménagement, que l'ouvrier doit en diminuer la rapidité dès qu'il s'apperçoit de la moindre réfiftance; cependant, malgré ces précautions, il arrive affez fouvent que les fils caffent, leur extrême finesse rend cet inconvénient prefque inévitable; alors il faut arrêter le mouvement, chercher l'un des bouts fur le petit écheveau auquel I appartient, prendre également l'autre bout dans

le faisceau des brins fortant du devidoir, paffer l'un & l'autre bout dans fon annelet, réunir les deux par le croisement d'abord, & par un tortillement léger entre les doigts. On ne doit pas trop charger la tourelle, de peur que le fil des écheveaux ne s'éboule & fe mêle. La plus grande attention eft néceffaire dans le devidage, le moindre effort feroit fuffifant pour caffer les fils, ce qu'il importe d'éviter, autant qu'il eft poffible.

La tourelle ou lanterne, chargée convenablement, se transporte à quelque diftance du rouet fimple; là, retirant fon axe, on la place verticalement fur un pied femblable à celui du devidoir ordinaire, elle y eft maintenue par une noix vers le haut, & elle y tourne facilement à raison de fa fituation & de fon extrême légèreté; la tringle de bois portant fes fiches & annelets, eft placée fur fon pied entre le rouet & la tourelle. On prend alors deux fils des écheveaux les plus prochains, on les fait paffer dans les annelets qui leur répon dent, on les arrête par quelques tours fur la bobine, & tournant doucement la roue du rouet on les devide en un feul brin; on rapproche & rejoint les brins, comme nous l'avons indiqué, lorsqu'ils fe caffent les bobines ou buhots fucceffivement chargées & toujours modérément, à caufe de la fineffe, font mifes de côté dans un panier pour être portées au moulin.

:

§. III.

Des moulins à retordre les fils de chanvre & de lin; & du retordage fur ces moulins.

La mécanique à retordre, ou le retordoir qu'on a auffi nommé moulin, eft très-varié dans fes formes; on en a conftruit de quarrés, de ronds, d'ovales; on a diversement adapté le mouvement, la difpofition ou l'engrenage des roues. Quelquesunes de ces différences fubfiftent conftamment entre ceux des moulins dont les uns font réfervés aux fils de chanvre & de lin, les autres à ceux de laine ou de coton; cependant on a généralement rejetté le moulin quarré, à caufe du peur de jufteffe de fes mouvemens, & dans tous les moulins qui nous reftent, la construction tient à un même principe; c'est toujours une courroie, qui paffant d'un tambour ou d'une roue fur le bas des bobines, qu'elle preffe, & circulant continuellement, fait tourner ces dernières par le mouvement que lui communique le tambour & qu'on imprime à celuici à l'aide de quelques roues diversement engrenées. Tel eft l'agent de la double action par laquelle les fils s'échappent de deffus les bobines pour fe tourner fur un afpe, & fe tordent en allant des unes aux autres. Le moulin rond fert aux fils ordinaires, l'ovale eft employé pour les fils à dentelles, ou autres, approchant de leur fineffe; nous parlerons à la fuite, en traitant du retordage de la laine & du coton, des moulins qui y font spécialement appropriés.

Il faut donc fe repréfenter, pour le premier, plufieurs cercles maintenus fermement par des montans & un chaffis très-folide. Le cercle inférieur, qui eft le principal, eft chargé de quarante-huit broches ou verges de fer repofant chacune dans une crapaudine de cuivre encaftrée dans le cercle; ces broches vont en diminuant vers le haut, & font garnies par le bas d'une petite poulie fixe, fur laquelle frotte une courroie ou lanière, dont le mouvement fait tourner ces poulies avec les broches qui les portent.

Le fil étant devidé en double, ou en trois (à volonté, & fuivant fa deftination, fa force) fur les bobines ou buhots, on enforce ces bobines dans les broches avec un peu d'effort, pour qu'elles y foient fixées & qu'elles foient emportées par le mouvement commun; on recouvre les bobines d'un petit chapeau de plomb, percé de forme conique, qu'on fait enfiler par la broche: ce plomb eft accompagné de deux brins de fil d'archal, l'un qui aboutit en crochet fur le côté de la bobine vers le milieu, à un pouce de distance; l'autre verticalement à quatre pouces au-deffus de la bobine chacun de ces deux brins eft terminé par une forte d'anneau. Le poids du plomb eft proportionné à la groffeur du fil. Un afpe horizontal, un peu moins grand que le diamètre du cercle, s'élève & eft foutenu dans le chaffis de la mécanique.

Les fils, au fortir de la bobine, paffent dans l'anneau ou crochet de fil de fer du côté du plomb; de là, à celui qui furmonte ce plomb, puis il eft monté & paffé dans des anneaux de verre fixés à un cercle fupérieur, d'où ils font renvoyés fur l'afpe où on les arrête à des chevilles également efpacées. Le mouvement une fois imprimé au rouage adapté à ce moulin, la courroie tourne fur les poulies qui tiennent aux broches & qu'elle fait tourner; par confequent les bobines tournent auffi : le fil qui s'en échappe & que maintiennent les anneaux de fil de fer, fe tord par ce mouvement & s'enroule à mefure fur l'afpe, qui a fon mouvement particulier, quoique déterminé par le même agent, & fur lequel il forme autant d'écheveaux qu'il y a de bobines. Un bâton dont un des bouts eft fixé vers le haut à l'axe du tambour, & l'autre paffe dans une planche au-deffous de ce tambour, mû par un enfant, fait aller le moulin. Le diamètre du tambour étant à celui des bobines, comme 87 pouces à 6 lignes, les bobines font 54 tours, tandis que le tambour en fait un, & celui-ci en fait douze lorfque l'afpe n'en fait qu'un, plus ou moins cependant, felon le degré de tord qu'on veut donner aux fils, & le nombre de fufeaux de la lanterne qu'on choifit en conféquence.

L'afpe a quatre traverfes principales fur lesquelles fe devide l'écheveau, une d'elles, à l'aide de petites traverfes qui les maintiennent toutes, en entrant dans des mortaifes, peut fe rapprocher de l'axe à volonté, en diminuer d'autant le contour, ainfi

que celui des écheveaux, & faciliter de retirer ceux ci. Dans le temps que l'afpe fait un tour, les bobines font 648 révolutions, qu'on peut réduire à 600, à caufe des tours perdus de la courroie, qui ne fait quelquefois que gliffer fur les bobines. Il faut en général, à raison du diamètre de la bobine chargée, dix tours de fil fur celle-ci pour en faire un fur l'afpe dont le diamètre eft de dix-neuf pouces, d'où il réfulte que l'écheveau est d'une aune jufte.

On juge du nombre de tours de l'écheveau, par une espèce d'horloge adaptée au rouage du moulin; on règle ce nombre arbitrairement lorsque le fil fe tord pour la première fois, parce qu'alors il doit être encore devidé, bobiné, &c., on le détermine à la dernière fuivant l'ufage reçu, qui eft communément de faire les écheveaux de quarante - huit tours. L'horloge n'est autre qu'une roue de douze dents, placée à l'un des montans au-deffus de l'axe de l'afpe; à cet axe eft fixée une cheville qui fait à chacun de fes tours paffer une dent de la roue, de manière que quatre tours complets de celle-ci, font le résultat de 48 de l'afpe. Ces quatre révolutions font marquées par un poids fufpendu à une corde attachée à l'axe particulier de la roue, lequel traverse le montant & porte en-dehors cette corde, dont la longueur eft telle, qu'elle fe trouve toute enroulée fur l'axe, auquel touche par conféquent le petit poids, après les quatre révolutions. Alors l'ouvrier qui fait aller la machine, arrête le mouvement, avertit le fecond ouvrier occupé à veiller les bobines, pour voir fi elles tournent toutes, pour rejoindre les fils qui caffent, l'un & l'autre entrent dans le moulin, arrêtent les écheveaux, placent une petite baguette fur ceux des extrémités pour les mieux féparer, & recommencent jusqu'à ce que l'afpe foit affez chargé. S'il l'étoit trop, les derniers écheveaux auroient plus de tours que les premiers, & c'eft un inconvénient qu'on a foin d'éviter.

&

L'idée générale de ce mécanisme eft applicable à tous les moulins: nous ne donnerons point la figure de celui-ci; on trouvera tous les autres aux planches, & leur examen joint aux détails que nous venons de donner du premier, fuffira pour faire juger de ce qui lui eft particulier.

Nous paffons au moulin employé pour les fils à dentelles & autres fils fins (Voyez Pl. II, fig. 1).

Ce moulin eft de forme ovale; toutes les pièces en font plus délicates que celles du précédent, la fabrication en eft plus foignée; d'où il résulte plus de douceur, d'uniformité dans les mouvemens, & de perfection dans les effets,

Le premier cercle épais & large de trois pouces, d'environ dix pieds de diamètre, eft maintenu par huit pieds d'à-peu-près huit pouces de haut; un fecond cercle de même largeur, mais feulement de trois lignes d'épaiffeur, s'élève à fix pouces au-deffus du premier où il est foutenu dans les échancrures de fix montans placés au-dedans du métier, fixés en terre d'une part & réunis à

l'extrémité fupérieure par un troifième cercle qui les enveloppe. C'eft fur le premier cercle, que font placées cinquante crapaudines de fer, espacées de fept pouces, plus ou moins en nombre, à plus ou moins de diftance, felon la grandeur du moulin, le degré de fineffe des fils, &c. Les verges rondes & de quatre lignes de circonférence, repofent fur ces crapaudines & traversent le fecond cercle, percé en conféquence d'autant de trous correfpondans; la pointe des verges excédente le fecond cercle, reçoit la bobine & le plomb. Le fil paffé dans la bobine, dans les anneaux de fil d'archal du plomb, ainfi que nous l'avons indiqué au moulin ordinaire, eft enfuite porté fur de petites poulies attachées autour du troisième cercle; il coule doucement fur ces poulies, d'où il eft conduit dans les anneaux de verre portés par une traverse élevée au haut des montans qui la portent, & placée précisément au-deffus de l'axe du devidoir fur lequel le fil eft renvoyé des anneaux, mais au côté oppofé à celui des bobines auxquelles il appartient; de manière que les écheveaux font alternés par le fens dans lequel ils fe forment.

Quatre tringles de bois, longues de fept à huit pieds, portées par d'autres petites tringles qui les joignent d'un côté, & qui de l'autre font enchaffées à tenons & mortaifes dans un axe horizontal foutenu par deux montans oppofés, forment l'afpe ou devidoir.

Le rouage placé près de l'un des montans du moulin, eft compofè, 1°. d'une roue de champ de trente dents, portée entre deux petits montans, par un axe placé à fon centre & auquel eft adaptée une manivelle, qui fert à imprimer tout le mouvement. Les dents de cette roue s'engrènent dans celles, en nombre égal, d'une roue horizontale (appellée tambour & qui peut avoir dix-huit pouces de diamètre), placée au bas de la première traversée d'un axe repofant d'une part fur une crapaudine de fer, & affuré vers le haut par un collet de fer; fur cette roue ou tambour eft pratiquée une gorge qui reçoit une forte courroie ou lanière de cuir, laquelle, après avoir croifé près du moulin, enveloppe & preffe entre les deux premiers cercles les verges, qu'elle fait tourner quand elle eft mise en mouvement; voilà pour celui des bobines..

Quant au mouvement du devidoir, on peut remarquer que l'axe du tambour porte encore, à fa partie inférieure, une lanterne de huit faisceaux qu'il entraîne dans fes rotations, & qui s'engrène dans une roue de champ de feize dents, dont l'axe, d'environ trois pieds de longueur, porte auffi à son extrémité, dans l'intérieur du moulin, une feconde roue de champ de huit dents; certe dernière s'engrène dans une lanterne, dont l'axe vertical, haut de trois pieds, eft couronné d'une autre lanterne, qu'on change à volonté, & qui s'engrène à son tour dans une roue de champ de vingt dents, adaptée à l'axe du devidoir. L'infpection de la figure doit

maintenant faire entendre parfaitement l'effet de ces combinaisons.

On a retranché dans le deffin plufieurs montans dont le nombre eft indiqué, afin que cette diminution laiffât plus de clarté dans la figure, donnât plus de facilité d'en faifir la difpofition. Il fera également aifé de juger le mécanisme de la petite horloge un bras adapté à l'axe du devidoir, fait à chaque tour de celui-ci avancer d'une dent la petite roue de champ, à fix dents, qui la furmonte; l'axe de celle-ci, terminé en manivelle, après avoir traversé le montant, fait tourner une autre roue de champ à huit dents, dont l'axe avancé forme auffi la manivelle & frappe à chacun de fes tours fur un petit timbre, de manière que celui-ci refonne après que le devidoir a fait quarante-huit tours. Ce n'eft pas, quant aux fils à dentelles, qui fe vendent à la livre, que la détermination du nombre des tours foit néceffaire; mais l'ouvrier les remarque toujours & les fixe à volonté.

On accélère le mouvement de l'afpe ou devidoir, en mettant la dernière lanterne d'un plus grand nombre de fufées. Plus ce mouvement eft accéléré, la courroie ne faifant toujours qu'un nombre égal de tours, dans le même efpace de temps, moins le fil eft tors. Le degré de tord doit être proportionné à la groffeur, à la qualité du fil, à fa deftination; les fils à dentelles font ceux qu'on tord davantage, parce qu'ils rendent toujours un peu de tord fur les fufeaux avec lesquels on fabrique les dentelles.

Dans le moulin, dit à la Hollandoife, qui diffère de celui-ci plutôt par les dimenfions qu'autrement, le fil, à raison de ces dimenfions ordinaires, prend environ 2000 tours de tord par 39 pouces de longueur. Mais, comme nous venons d'observer, on l'augmente volontairement par le changement de fufée, même dans tous les moulins. Le mouvement imprimé par l'ouvrier qui tourne la manivelle, doit l'être avec ménagement; trop de rapidité cafferoit les fils.

Après que les fils ont reçu un premier tord, on en met tremper les écheveaux dans l'eau, ils fe raccoureiffent beaucoup; on les retire du baquet quand ils ont affez trempé pour être bien imbibés; on les met égoutter en les paffant fur une cheville fixée dans un poteau, puis on les étend, on les fecoue en les paffant fur les mains, & on les place à mesure fur un bâton où l'on puiffe les prendre pour les bobiner de nouveau.

Cette opération fe fait à l'ordinaire fur les ailes du petit devidoir à pied, avec le rouet fimple nommé charriot; voyez la fig. 2 de la vignette, pl. I. On reporte les bobines au moulin, on donne au fil le fecond & dernier tord. C'eft alors qu'on veille à faire les écheveaux de fil à coudre exactement de la grandeur déterminée par l'usage; & quoique ceux du fil à dentelle ne foient pas aftreints à une règle auffi précife, cependant on les fixe ordinairement à une portion commune qui le plus

fouvent eft de 20700 tours de trente pouces de longueur. Lorfque l'afpe eft chargé, qu'on a coupé les fils qui tenoient un écheveau à l'autre, que chacun de ceux-ci eft arrêté par quelques tours des deux bouts du fil qu'on noue & qui forment ce qu'on appelle la centaine, on décharge l'afpe & on réunit plufieurs écheveaux pour former des pièces. La coutume de chaque filatier détermine, d'après l'espèce & la groffeur du fil, le nombre des écheveaux à la pièce; par exemple, la pièce de fil à trois fixains, aura vingt écheveaux; celle de fil à trois fixains & demi en aura vingt-deux, celle de fil à quatre fixains aura vingt-quatre écheveaux ainfi du refte. Les pièces de fil à dentelle ainfi formées, le filatier met à chacune une marque arbitraire qui défigne la qualité du fil; on paffe les pièces fur une perche, & quand elles y ont bien féché, on les retire, on les tord pour éviter qu'elles fe mêlent, on les plie en double, on en fait des paquets, ordinairement de cinquante pièces, pour les envoyer au blanchiffeur qui les reçoit en même temps au poids, parce que le blanchiffage fe paie à la livre & au nombre, pour vérifier plus promptement les quantités après le blanchiffage; celui-ci faifant perdre au fil environ un tiers de fon poids, ne permet plus de juger par le premier moyen. Voyez au mot BLANCHIR, BLANCHISSAGE, &c. ce qui concerne les fils.

§. IV.

Dernières préparations du fil après le blanchiffage.

Nous avons donné au mot FILATURE, fil, à la fuite de cette première préparation, l'énumération des diverfes espèces de fil, de leurs dénominations, des caractères qui les diftinguent; il convenoit de faire trouver ces renseignemens fous le mot propre de la chose: mais les derniers foins que demandent les fils à coudre & à dentelles, avant de pouvoir être mis dans le commerce, leur étant donnés avec le retordage, ou du moins immédiatement après cette opération, & par le même ouvrier, nous devions les réunir. Ces foins n'ont pas l'importance des travaux qui les précèdent, mais ils font néceffaires & forment encore un travail,

Au retour du blanchiffage, le fil reconnu par la marque qu'il porte & auffi par le nombre de pièces, on paffe celles-ci fur deux traverfes de bois horizontales & mobiles fur deux montans élevés qui les foutiennent, formant un inftrument qu'on nomme partichoir: voyez Pl. 1, fig. 3.) l'ouvrier, appellé auffi particheur, divife les pièces par les écheveaux qui les compofent, prend chacun de ces derniers les uns après les autres, passe les mains dedans, tourne & fecoue pour faire tomber les petites ordures qui peuvent s'être attachées au fil, lequel d'ailleurs s'eft retiré & brouillé au blanchiffage; c'eft pourquoi il en fépare & démêle Jégérement les brins, puis avec un couteau il éplu

che les nœuds & autres imperfections ou faletės qui fe rencontrent. Comme chaque écheveau de fil à coudre doit être d'un nombre de tours déterminé, on vérifie ceux-ci en les comptant; s'il en manque, on les ajoute avec des fils de même efpèce, placés à portée fur une bobine. Lorfque chaque écheveau eft bien fecoué, battu, nettoyé, étendu, completté, on procède à mettre le fil en paquets pour la vente. Pour cet effet on commence, quant aux fils à coudre, qui font déjà en pièces d'un même nombre d'écheveaux & en écheveaux d'égale longueur, par féparer au poids les espèces. L'ouvrier muni de petites balances, met une pièce quelconque dans l'un des plateaux; cette pièce fert de comparaison pour toutes les autres qu'on met tour-à-tour dans l'autre plateau, ajoutant dans celui-ci, felon le befoin, de petits poids nommés fixains, dont chacun équivaut à la 64° partie d'une livre. Il est évident que plus il faut de poids du côté de la nouvelle pièce, plus le fil dont elle eft composée eft fin, on range tes pièces, réuniffant en tas celles de même poids, par une gradation établie fur la différence d'un fixain. Une quantité de fil ainfi balancée, on divife chacun des tas en demi-livres, féparant de la maffe une pièce en écheveaux pour faire l'appoint du poids; alors on enfile les demi-livres entre les barres du partichoir, les difpofant de manière qu'elles ne fe confondent pas; on prend un morceau de bois rond, long d'environ quinze pouces & d'un peu moins de trois pouces de diamètre, fendu dans fa longueur en quatre parties égales, réunies par une corde qui les entoure à deux pouces de l'une de fes extrémités, on ouvre cette machine appellée étrique en levant un des morceaux, on infère dans cette ouverture une portion de fil, puis preffant avec force l'étrique, qu'on a porté vers le haut, on tire fucceffivement de façon que les écheveaux faffent plufieurs tours dans l'étrique, cette opération ferre, rapproche le fil & le polit. On réunit les écheveaux de chaque demi-livre par une ligature commune; on compte le nombre des écheveaux qui la compofent & on y met une marque qui l'indique. Enfin ces paquets de demi-livre s'enveloppent avec propreté dans un papier blanc,

La diftinction en efpèces des fils à dentelle étant déjà faite, comme nous l'avons indiqué à la filature, diftinction qu'on aura eu foin de conferver au retordage, &c. on le père pour en faire des quarterons, après qu'on l'a paffé fur le partichoir, & qu'on a pris attentivement tous les foins que nous avons décrits pour nettoyer le fil au retour du blanchiffage. Chacun des quarterons pefant de fil fe divife à la vue en huit parties égales; on prend une de ces parties, on en réunit les écheveaux par une ligature commune faite du côté des centaines ou piannes; puis ouvrant uniformément l'ensemble de ces éche veaux qu'on appelle patin, on le paffe fur une cheville, tenant l'autre de la main gauche qui, pendant que la droite appuie fur le milieu de l'éche

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