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contenterons à ce fujet de quelques obfervations, renvoyant pour l'exemple au texte & aux figures des arts dont on vient de parler. A l'égard des armures, quoique nous en ayions traité d'une manière affez détaillée dans l'art des étoffes rafes, &c.; comme celles de ce genre appartiennent plus particulièrement à l'art des étoffes de foie, & qu'elles en font la partie vraiment effentielle & la plus curieufe, nous remettrons fous les yeux du lecteur la fuite des exemples choifis & gravés dans l'Encyclopédie.

Obfervations relatives au remettage & au paffage du peigne.

Ordinairement dans la toilerie, & fouvent dans l'une & l'autre draperie, l'action de remettre eft une fuite des opérations, ou plutôt l'une des premières opérations de l'ouvrier même qui fabrique: en géné ral il en eft autrement dans la foierie; c'eft un art à part, & cet art demande une attention fifcrupuleufe, & s'exerce avec une telle célérité, qu'il exige & prouve en même tems que l'ouvrier qui s'en occupe, ne s'occupe de rien autre ; ce qu'on fentira bien en apprenant qu'un remetteur, remet dans un jour une chaîne pour taffetas d'Angleterre, compofée de 6400 fils, & pique le peigne de ce même taffetas, tandis qu'un ouvrier tiffeur ou autre n'en viendroit pas à bout en trois jours. Ceci dit pour le taffetas d'un genre courant & connu; car s'il eft queftion d'un deffin de nouvelle invention qui exige une manière particulière de remettre, le remetteur a besoin d'être guidé par l'auteur du deffin, lequel lui-même, quelquefois occupé de l'embarras de fe faire comprendre, & fouvent de l'intention qu'on ne le comprenne pas, remet le métier.

Chaque pays a fa manière de remettre toutes Le rapportent & produifent le même effet: généralement ce font des hommes; à Lyon ce font des femmes; en toilerie, en draperie, une perfonne fuffit pour cette opération: en foierie, où les fils font plus fins, en beaucoup plus grand nombre, plus faciles à fe brouiller, où ils fe débrouillent plus difficilement, où par conféquent on eft plus fujet au doublage, aux feulères ou furelles, il faut deux perfonnes; le remetteur proprement dit, eft celui qui fépare & tient chaque fil dans l'ordre convenable, & qui de fa fonction de les préfenter eft appelé porgeur. On fent que ces deux ouvriers doivent être féparés par le remiffe, c'est-à-dire, avoir entre eux la maffe, le compofé, ou la réunion de toutes les liffes, le porgeur étant du côté de la chaîne plié, & le remetteur du côté du battant.

Que les mailles des liffes foient à crochet, à nœuds ou à couliffes; que toutes les liffes qui compofent le remiffe foient à la même hauteur & de niveau, ce qui convient dans le premier cas, ou qu'elles foient difpofées en glacis de l'arrière à l'avant comme elles doivent l'être dans le fecond cas pour que les mailles ne foient pas dire fement visà-vis les unes des autres, le remetteur doit touManufactures & Arts. Tome II, Prem. Partig.

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jours commencer par la liffe la plus éloignée de lui, continuer fucceffivement jufqu'à la première, celle auprès de laquelle il eft affis, retourner à la dernière, & ainfi de fuite. Le remiffe entre-ouvert, la maille tenue, le fil présenté & paflè, le remetteur arrête celui-ci à un valet ou autrement; & lorsqu'il en a ainfi une certaine quantité, il les noue, ou en fait un paquet qu'il lie, pour décharger & charger de nouveau fon valet.

Lorfque la chaîne eft remife, on la paffe dans le peigne; cette opération eft une fuite du remettage, place, & toujours vérifiant fi le remettage eft bien & appartient au remetteur, qui, fans quitter fa fait, préfente à fon tour les fils au porgeur qui s'eft venu placer à côté de lui, & à qui la fonction actuelle de piquer en peigne, ou paffer le peigne, fait donner le nom de piqueur, comme le remetteur prend celui de donneur. Ce paffage des fils dans le peigne ne s'exécute pas comme dans la toilerie, & dans la draperie, le peigne en place dans le battant, mais en le tenant de la main gauche, les dents dans une fituation horisontale, en infinuant de la main droite, & de haut en bas, la paffette entre les dents, & la retirant lorfque le donneur y a accroché le fil, ou le nombre de fils à paffer entre chaque dent. A mesure que le piqueur tire ainfi les fils, il les couche fur le peigne du côté du pouce gauche qui les faifit & les contient. La paffette n'eft qu'une lame très-mince de cuivre ou de fer-blanc, dentée à crochet; celles d'os ou d'ivoire plus fujettes à fe caffer, font à préférer cependant, comme ne fe courbant point. Après un certain nombre de fils paffés, ce qui étoit compris dans un paquet, fous un noeud, un berlin enfin, le donneur prend le peigne, il vergette les bouts de foie qui font endeffus; il vérifie par ce moyen fi toutes les dents font garnies, ou fi elles le font convenablement ; cela fait, il tord & noue le berlin, où il le divife en deux ou trois parties en formant une ganfe: & ainfi de l'un à l'autre berlin, jufqu'à la fin du paffage du peigne.

Alors l'ouvrier défait tous les nœuds; il tend & égalife la foie avec la vergette; il la rediftribue par de nouveaux petits paquets autant égaux, & qu'il noue autant égal qu'il eft poffible; il divife les fils de chaque paquet en deux parties, encore autant égales qu'il peut; il y paffe une verge, & c'est fur cette verge qu'avec des cordes, avec des mailles en forme de lacet, on va pafler fur une autre baguette ou fur l'enfouple même, ou fur les crochets d'une verge, ou de quelque autre manière enfin, pour faire tirant, qu'on étend la chaîne pour en mettre en œuvre le commencement, avec le moins de perte de foie, jufqu'à ce qu'il y ait une longueur d'étoffe faite pour mettre en taque ou entaquer, c'est-à-dire, placer l'étoffe fur l'enfouple de devant, & de l'y arrêter pour tenir tendue la chaine, qui ne peut l'être jufques-là qu'en arrêrant dans la rainure, avec les baguettes, le gouffet de la corde à encorder, & la roulant avec la plus grande égalité

I

des deux parties ou de toutes les parties des ar

mures.

Il ne refte, lorfque la chaîne eft divifée, nouée, arrêtée & tendue, pour completter le montage du métier, qu'à l'armer. On appelle armer le métier, que les armures foient à chappes, ou qu'elles foient faites au carrette ou plutôt au châtelet; qu'elles aient des tire-liffes ou qu'elles n'en aient pas; attacher les ficelles aux lifferons, les appareiller, enfiler les marches, les contre-marches, diftribuer tous leurs mouvemens, établir leur correfpondance, faire lever ou baiffer les liffes, partager & ouvrir la chaîne, de manière que l'ouvrier en faisant le tiffu avec fa navette, forme le pas fimple, croifé ou fatiné, uni ou figuré.

C'eft la fuite de toutes ces opérations, à commencer par le compofé du remiffe, par l'ordre de remettre la chaîne, & de piquer le peigne, & continuant par l'armer & le marcher, opérations toutes variables en chaque & pour chaque circonftance: c'eft d'elles toutes, conçues & appliquées avec ordre, c'eft leur compofé qu'on nomme l'armure du métier, ou plutôt l'armure de tel ou tel genre d'étoffe; armure dont il eft facile d'indiquer toutes les parties, & de rendre leur effet fenfible, fans que leur difpofition en indique rien, même à ceux qui exécutent, s'ils n'ont profondément réfléchi fur l'état & la difpofition de chaque pièce, leur jeu particulier & leur correfpondance mutuelle.

D'où il arrive, toutes les pièces néceffaires fuppofées, qu'un homme intelligent non-feulement les comprendra au coup-d'oeil, tant fur le papier que fur le métier, mais qu'il les tranfportera de l'un à l'autre pour le rendre fenfible fur le premier, & exécutable fur le fecond, & qu'il en variera les pièces de l'une & de l'autre manière, en diminuant ou en augmentant le nombre fuivant le befoin, par une armure de tout autre genre d'étoffe ; tandis que l'ouvrier qui n'a que l'intelligence de fon armure, ne fauroit même travailler d'après un autre ; ainfi, le plus fouvent, celui-ci ne fait faire que des fatins, celui-là que des ferges, un autre que des taffetas, &c. Les arts n'ont de bornes que celles de l'imagination, c'est-à-dire, qu'ils n'en ont point, qui nous - foient connues du moins; on ne parloit donc pas exactement en difant, après avoir, dans l'Encyclopédie, indiqué vingt-huit fortes d'armures, « ces » vingt-huit armures fuffifent pour fixer la nature » de toutes les étoffes de foie, de quelque nature » qu'elles puiffent être, &c. ». Cela n'eft ni vrai ni vraisemblable; car il eft des armures auffi différentes de celles-ci, qui en peuvent être auffi diftinguées, que celles-ci le font entre elles ; cependant, comme ces rapports font très-fenfibles, que la connoiffance des unes facilite fingulièrement celle des autres; que d'ailleurs elle peut donner lieu à une infinité de combinaifons nouvelles, je vais donner la lifte de celles qui y font défignées, & dont on trouvera les gravures, du moins pour

la plupart, au recueil des planches, &, ci-après, leurs explications.

1. Armure d'un fatin à cinq liffes: 2o. d'un fatin à huit liffes, dont une prife & deux laiffées: 3*. d'un fatin façonné & courant, pour le fatin & le liage de 5 le 6: 4°. d'un fatin façonné broché, pour le fatin & le liage de 9 le 10:5°. armure d'une LUSTRINE Courante à une feule navette: 6o. d'une luftrine à deux navettes feulement, c'eft-à-dire, rebordée & liférée & brochée: 8°. d'une luftrine à poils: 9. armure d'une LUQUOISE ou VALOISE, d'un double fond courant, à une navette pour le poil feulement : 10°. armure du DAMAS courant ordinaire: 11°. du damas ordinaire broché feulement: 12°. du damas liféré & broché: 13°. armure d'une SERGE à fix liffes: 14°. armure des RAZ-DESAINT-MAUR: 15. de SAINT-CYR: 16°. de Sicile: 17. armure d'un TAFFETAS: 18°. armure d'un GROS-DE-TOURS broché ordinaire : 19. armure d'un CANNELÉ: 20°. armure d'un CARRELÉ: 21°. BROCARD armure d'un fond d'or à huit liffes de fatin, & à quatre de poil: 22°. d'un fond d'or à cinq liffes de fond & à cinq liffes de poil: 23. d'un fond d'or à cinq liffes de fatin & quatre de poil : 24. d'un brocard dont la dorure eft relevée fans liage ou liée par la corde: 25°. d'un brocard dont la dorure eft relevée, & tous les lacs liés, excepté celui de la dorure relevée qui ne l'eft jamais: 26°. VELOURS armure d'un tiffu de couleur, l'endroit deffus: 27°. du velours à fix liffes: 28°. armure de toile d'or.

Je fais qu'on auroit pu placer ce tableau au mot ARMURE; mais outre que je n'aime point à multiplier les articles, & de couper mon travail, je le trouve mieux ici. Je fais encore qu'on ne comprendra pas aifémentt l'armure des étoffes à la tire, que ce métier ne foit expliqué; mais comme fon explication fait partie de ce traité, les objets font affez rapprochés pour qu'on ait pu, dans le même tableau, renfermer toutes les espèces d'armures.

Reprenons l'ordre que nous avons ci-devant établi, le plus conforme à la marche des idées, le plus propre du moins aux progrès de l'art, celui du fimple au compofé. Commençons par quelques remarques fur le tiffage.

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l'ordre prefcrit, & à toujours tout réparer au moment de l'accident, pour bien fabriquer, il convient que le pied & la main de l'ouvrier foient réglés, qu'il ne foule pas plus fort une marche qu'une autre, ni une fois qu'une autre, jamais brufquement, mais avec douceur du pied en plein, & jamais l'une, que l'autre ne foit relevée. Que le fogue ou ouverture de la chaîne foit toujours le même, pour que les fils ne foient ni plus forcés, ni plus diftendus; que la navette porte en arrière du même tems: que la force qui lui eft imprimée le coup de fouet, ou envoi à main morte, foit égal de part & d'autre à chaque fois, pour que la duite foit également tendue, qu'elle ne tire pas plus, & qu'elle tire autant l'une & l'autre lifière: que le battant, rendu lourd à proportion de ce que la force de l'étoffe l'exige, pouffe & tiré à poignet pliant, & non à poignet roide, frappe toujours également; que ce battant foit toujours fufpendu de manière à le rapprocher de la main plutôt que s'il tomboit naturellement fur le travail: que pour les étoffes légères, on fe contente de frapper un coup, & que ce coup foit toujours à pas ouvert : que lorfque la force de l'étoffe exige d'être frappée à coups redoublés, le premier foit à pas ouvert, & le fuivant à pas clos; la duitte s'étend mieux, s'enfonce mieux; l'étoffe en eft plus unie que le tempia foit changé au plus tard à chaque quinze lignes d'étoffe fabriquée, & placée le plus près des dernières duittes, pourvu que le battant ne frappe point contre, que le battant foit reculé d'une coche aux accocats, & les liffes à mesure qu'on avance l'ouvrage, & à proportion de ce qu'on a fabriqué d'étoffe : que l'ouvrier ne faffe pas de trop longues faffures, ni par conféquent de trop courtes muées, qui lui feroient à chaque coup, pouffer le battant contre le remiffe: enfin qu'il làche le métier: qu'il pincette fa faffure : qu'il ramène le battant fur les premières encoches des accocats: qu'il faififfe les valets pour rapprocher le porte-liffe: qu'il roule la faffure & retende la chaîne.

Approche-t-il de la fin? il encorde fa chaîne pour terminer la pièce à-peu-près comme il l'a encordée pour la commencer, mais dans le fens contraire; il fait un entrebat en queue comme en tête pour avoir deux chefs à fa piece; il la coupe, la pincette d'un bout à l'autre ; elle eft enfuite pliée, preffée, expédiée ou rangée en magasin.

En tout ceci, nous fommes toujours partis de la fuppofition, que fi les lifières n'avoient pas été ourdies avec la chaîne, elles l'auroient été à part, & qu'elles y feroient joiates au moyen des roftins ou roffignols fur lefquels on les roule de même que les cordelines qui font ordinairement de foie à coudre qui fervent à foutenir les lifières, qui font elles-mêmes de fecondes lifières qu'on donne aux ouvriers en écheveaux, qu'ils ourdiffent & relèvent eux-mêmes fur des roftins, & qu'ils remettent comme il fuit pour faire une belle lifière dans un tafferas ou gros-de-Tour, il faut passer une code

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line fur la première life, & une fur la feconde, ainfi des autres, s'il y en a fix ou huit. Si l'étoffe exigeoit qu'il y eût un liféré paffé fous une liffe levée feulement, pour lors on pafferoit chaque cordeline fur deux liffes, favoir, une fur la première & la troisième, & une fur la feconde & la quatrième, ainfi des autres; parce que fans cette précaution, il arriveroit que les cordelines n'étant paffées que fur la première & la feconde, quand on feroit obligé de faire lever la troisième & la quatrième feules, & qu'elles n'auroient point de cordelines dans leurs mailles, il n'en leveroit aucune pour paffer la navette de liféré; conféquemment la trame ne feroit point arrêtée.

A l'égard des fatius à huit liffes, s'ils font fabriqués avec deux navettes, foit fatins pleins ou unis, foit fatins façonnés, il faut que la première cordeline prife du drap, foit paffée fur la deuxième, troifième, fixième & feptième liffes; la feconde fur la première, quatrième, cinquième & huitième liffes, ainfi des autres; de façon que la fixième ou huitième cordeline foit la première hors du drap du côté droit, ou des deux navettes, quand on commence la courfe ou à travailler. A l'égard du côté gauche, il faut commencer dans un fens contraire, c'est-à-dire, que la première du côté du drap foit paffée fur la première, quatrième, cinquième & huitième; la feconde, fur la deuxième, troisième, fixième & feptième, & ainfi des autres. Au moyen de cette façon de paffer la cordeline, il arrive que les deux premiers coups de navette fe trouvent précisément fous les mêmes cordelines levées; les deux feconds fous celles qui étoient demeuré baiffées, ainfi des autres, jufqu'à la fin du coup; quoiqu'à chaque coup de navette il lève une life différente fuivant l'armure ordinaire d'une prife & deux laiffées.

Cette façon de paffer les cordelines renferme deux objets également effentiels pour la perfection de la lifière. Le premier eft que les deux coups de navette fe trouvent régulièrement de chaque côté entre les trois ou quatre mêmes cordelines, autant deffus que deffous, & produifent un effet bien différent fi elles croifoient à chaque coup; parce que que pour lors le fatin ne croifant pas comme la lifière, & la trame y entrant dedans avec plus de facilité, la lifière avanceroit plus que l'étoffe par rapport à la croifure continuelle, ce qui la rendroit défectueufe, & feroit que l'étoffe étant déroulée, la lifière feroit ce qu'on appelle en fabrique le ventre de veau, tandis que l'étoffe paroîtroit également tendue; ce qui arrive néanmoins très-fouvent, & fait paroitre l'étoffe défectueufe, principalement quand il s'agit de coudre lifière contre lifière quand elle eft coupée pour faire des robes

ou autres ornemens.

Le fecond objet eft, que cette façon de paffer les cordelines, fait que dans celles qui lèvent du côté où on paffe la navette, celle de la rive, ou la plus éloignée du drap, ne peut manquer de lever, &

fucceffivement les autres, une prife & une laiffée, afin que la trame fe trouve retenue par celle qui lève, & que la lifière foit plate à fon extrémité; ce qui s'appelle en terme de fabrique, faire le ruban; cela n'arriveroit pas fi la feconde levoit; parce qu'alors, le coup de navette précédent faifant que la trame fe feroit trouvée deffous la cordeline de la rive qui auroit levé, cette cordeline fe trouveroit baiffée quand il faudroit repaffer les deux coups. L'ouvrier en étendant fa trame pour la coucher, les cordelines qui ne lèvent pas étant très-lâches, attendu que celles qui lèvent fupportent tout le poids deffiné à leur extenfion, il arrive que la trame tire la cordeline qui n'eft pas tendue, & la fait ranger fous la feconde qui l'eft beaucoup, à caufe de la levée, & forme une lifère carrée au lieu de former le ruban, ou d'être plate comme elle doit êtic.

Cette précaution, quoique très-importante, eft tellement ignorée des fabricans de Lyon, ajoutet-on dans l'Encyclopédie, que prefque toutes les étoffes pèchent par la lifière, & que ceux qui ne connoiffent pas la fabrique, attribuent ce défaut à la qualité de la matière dont la cordeline eft compofte, quoiqu'il n'y en ait pas d'autre que celui que l'on vient de citer.

il eft donc d'une néceffité indifpenfable de paffer les cordelines d'une façon, foit aux taffetas ou gros-de-Tours, foit aux fatins, que celle qui eft à la rive de l'étoffe fcit toujours difpofée à être levée du côté où l'ouvrier lance la navette, parce que pour lors il fe trouvera qu'elle aura baiffe au coup précédent: cette obfervation concerne toutes les étoffes de la fabrique en général.

Dans une étoffé, telle qu'une luftrine liférée, la façon de paffer la cordeline eft différente pour qu'elle foit parfaite, parce que pour lors la première navette paffe régulièrement deux fois, quand celle du liféré n'en paffe qu'une; ce qui fait qu'au retour de la première, la cordeline doit croifer pour arrêter la trame, ce qui n'arrive pas dans celle que l'on vient de citer: de façon que dans celle-ci les deux coups de trame & celui du liféré doivent fe trouver fous un même pas, pour que la lifière ne faffe pas le ventre de veau.

Les cordelines dans celle-ci doivent donc être paffées, favoir, du côté droit, la première & la plus proche du drap, fur la troifième, quatrième, feptième & huitième liffes; la feconde, fur la première, deuxième, cinquième & fixième, ainfi des autres, foit qu'il y en ait fix ou huit, de façon que celle de la rive fe trouve toujours pafiée fur les mêmes liffes de la feconde; par conféquent elle lève du côté où la navette eft lancée. Les cordelines du côté gauche doivent être paffées en fens contraire, c'cft-à-dire, la première plus près du drap fur la première, deuxième, cinquième & fixième, la feconde, fur la troifième, quatrième, feptième & huitième; ce qui fait qu'au moyen de l'arme du fatin, celle de la rive, au fecond coup

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Il n'eft pas poffible de paffer la cordeline dans le damas, ni dans tous les fatins à cinq liffes; de façon que celle de la rive lève régulièrement du côté où la navette eft lancée; attendu le nombre impair des liffes, qui fait que quand la courfe des cinq liffes eft finie, la navette fe trouve à gauche dans le premier, & à droite dans le fecond; il y a cependant une façon de les paffer, pour que la lifière foit belle, différente des autres genres d'étoffe la première cordeline du côté du drap doit être paffée fur la première liffe du côté du corps, la quatrième & là cinquième; la quatrième fur la première, la feconde & la troifième; la cinquième fur la troifième, quatrième & la cinquième; la fixième fur la première & feconde; en commençant à la droite, la iifière du côté gauche doit être paffée de même que celle du côté droit. Il y a encore une autre façon de paffer la cordeline; favoir, la première du côté du drap fur la première & la feconde; la feconde fur la quatrième & la cinquième; la troifième fur la feconde & la troifième; la quatrième fur la première & la cinquième; la cinquième fur la troisième & la quatrième; la fixième fur la première & la feconde, où il faut obferver que la liffe du milicu, ou la troifième par laquelle finit la feconde courfe, ou le dixième coup, ne doit jamais faire lever les mêmes cordelines qui font fur la première liffe, parce que pour lors la courfe finiffant par celle du milien, les mêmes cordelines leveroient, & la trame ne feroit point liée.

§. V.

De l'opération de tordre les chaines, ou de fubflituer D'une à l'autre au moyen du tordage.

Le remettage eft une opération longue & minutieufe; auffi ne l'emploie-t-on guère que lorsqu'on a un remiffe nouveau, ou qu'on continue de fe fervir du même pour une chaîne d'un remettage autre que le précédent. Dans le cas d'une parfaite fimilitude, on conferve, tout remis, un reste des fils de la chaîne fabriquée pour les nouer ou les tordre chacun à chacun avec les fils de la chaîne à fabriquer. Ce refte de chaine ainfi paffé, s'apelle penne, ou piénée, ou peigne. Le nouage eft encore une opération qui a paru longue, & qui l'eft en effet, comparé au tordage qu'on y a fubftitué dans prefque toutes les fabriques, qui eft représenté dans l'art du drapier, & étonnamment détaillé dans l'art des étoffes de foie.

Pour opérer le tordage, le tordeur prend d'une main un fil d'une chaîne, & de l'autre main le fil correfpondant de l'autre chaîne ; il les unit, en abaiffant ou relevant leur bout fur environ uË pouce de hauteur, à angles à-peu-près droits, avec

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baiffent plus ici alternativement un à un, mais qu'ils fe croifent un par deux, un par trois, un par quatre, deux par deux, deux par trois, deux par quatre, trois par trois, ou trois par quatre, &c., non jamais tous les mêmes fils, mais en reculant d'un, de deux, des premiers, & en enjambant d'autant fur les fuivans, ce qui, continué trèsrégulièrement, forme des côtes obliques, prolon gées d'une lifière à l'autre, ou plus ou moins arrêtées, coupées, chevronnées, à carreaux, lofanges, grains-d'orge, zig-zags, ou bâtons-rompus, traits de Jupiter, &c. &c.; fuivant que les lilles, le remettage, les riarches, ou le marcher y apportent de changement.

leur direction horisontale il les tord entre le pouce & l'index de la main droite puis il couche ce toid fur la partie qui y tient, du fil de la nouvelle chaine, fur lequel & avec lequel & de la même main, il le tord de nouveau, jufqu'à ce que la première torfure fe corde en entier, ce qui s'exécute par un feul mouvement du pouce & de l'index qui roulent le tout à la fois. (Voyez Pl. CX.) Dans bien des circonftances on fait le retordage dans une eau légère d'empoi de farine bouillie: on fe fert plus ordinairement de gomme pour la foie, il faut que les torfures tiennent tous les fils également tendus, & qu'elles foient toutes faites à autant de chaînes ou poils qu'on a, autant qu'il eft poffible, vis-à-vis les uns des autres, pour qu'elles paffent, toutes à la fois dans le remiffe. Si l'on a une chaine & plufieurs poils, il les faut retordre tous féparément, & non à la fois : on s'y brouilleroit infailliblement fi l'on agiffoit ainfi; & encore faut il les relever chacune à mesure fur l'enfouple qu'on tranfporte vers le remiffe jufqu'a ce que les chaînes, étant toutes tordues, on reporte toutes les enfouples à leur place. Alors on tourne l'enfouple tout doucement; l'ouvrier foulève les lifferons; il facilite, autant qu'il peut par de petits mouvemens, & des unes aux autres destible d'une infinité de variétés; c'est ce qui lui a liffes, le paffage des torfures, qu'on conduit ainfi avec beaucoup de ménagement jufqu'auprès du peigne, qu'on leur fait paffer tout de fuite par un mouvement doux du battant; puis avec les tirelles néceffaires, comme après le remettage, il approche les torfures de l'enfouple; il y paffe quelques duittes pour les tenir, & il trame de l'étoffe jufqu'à ce qu'il en ait fufifammeut de fabriquée pour §. V I.

la mettre en taque.

De la ferge, &c.

D'où que foit venu le mot de ferge, toujours eft-il qu'il défigne la forme du tiflu & non la nature de la matière; on fait des toiles fergees qui, dans nos provinces méridionales, portent le nom de toiles de Corda; des ferges en foie, telles que le raz-de-Saint-Cyr, le raz-de-Saint-Maur, &c.; des ferges en coton, qu'on appelle cofés, & unc infinité de fortes de ferges en laine. (Voyez l'art. des étoffes rafes, &c.) La toile, le camelot, le taffetas font à pas fimple, comme on l'a obfervé ; la chaine lève & haiffe toujours par moitié, les fils pris alternativement un à un ; & l'effet qui en résulte est une fuite de petits carreaux ou petits grains en forme d'échiquier, qui difparoiffent prefqu'entièrement, & ne laiffent qu'une furface liffe, lorfque les fils de part & d'autre font très fins.

La ferge diffère du taffetas, non toujours par le remiffe, ni par le remettage, non par la quantité des fils baiffes & des levés à chaque pas, qui eft toujours moitié de la chaîne de part & d'autre dans les ferges fans envers, qui fe croifent en nombre égal de fils, mais parce que ces fils ne lèvent &

Ces côtes ou figures quelconques, en élévation ou faillie d'une part, fouvent font répétées de l'autre part de l'étoffe, non à l'oppofite des premières, mais de leurs intervalles, de manière que ce qui eft endroit d'un côté, eft envers de l'autre, ou que l'étoffe eft à deux endroits ou à deux envers, & fe retourne par conféquent: mais ce qui n'eft point, quand on a déterminé de faire un envers à l'étoffe, l'un de fes côtés pouvant paroître fabriqué à la marche fimple, & l'autre à pas croisés. On voit, d'après cela, que la ferge eft fufcep

valu tant de forte de noms pour les diftinguer, & ce qui en fait tous les jours employer de nouveaux. Ainfi, les raz-de-Saint-Cyr, les raz-de-Saint-Maur, les Batavias, toutes les efpèces de Hollandoifes, &c. &c., font des ferges; les croifés à cinq liffes font des ferges. On fait des ferges fatinées; on en fait à 6, à 7 & à 8 liffes; on fait des ferges doubles fatinées, qui font de vrais draps, de la même couleur ou de couleurs differentes en-deffus & endeffous; des étoffes croifées d'un côté & cannelées de l'autre; des fergées & fatinées, &c. &c. On varie toutes ces ferges à l'infini; on en fait depuis trois jufqu'à douze liffes. Le deffin des armures & l'explication des planches concourront à éclaircir §. VII.

tout ceci.

Du fatin, &c.

Nous varions bien les différentes espèces d'étoffes connues; nous inventons des noms à raison de ces variations; mais nous n'en créons pas plus que des nouveaux ordres d'architecture: & comme de ces ordres, qu'on fait toujours le mieux de fuivre dans leur pureté, tout notre clinquant, tout notre barbouillage qui plaît, qui excite & nourrit la vanité, n'eft que ce que, par abus des termes, nous nom mons ornement; le fond de l'étoffe, comme celui de l'architecture, en eft indépendant; & le bon goût comme le bon fens, nous y ramène tôt ou tard. Ceci n'est point contradictoire avec notre obfervation au fujer des armures, lefquelles font deftinées a varier l'effet d'un tiffu, bien plus qu'à en changer le caractère.

Les ferges, les fatins, les étoffes figurées &

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