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portées fe trouvent plus lâches, moins tendues | que les autres, ce qu'il eft difficile d'éviter, même en changeant fréquemment la crémaillère du plot; on les foutient en interpofant entr'elles & l'enfouple, des bandes de papier qui augmentent d'autant la tenfion de ces portées.

Approche-t-on de la fin de la chaîne, on voit (Pl. XXX, fig. 1 & 2), comment, paffée à un crochet & prolongée avec les cordes, elle eft également tenue tendue en tout fens jufqu'au bout, où, defacrochée, on l'arrête fur l'enfouple comme on voit fig. 4.

Il en eft du pliage comme de l'ourdiffage par rapport aux chaînes rayées; on commence toujours à ourdir une rayure par la partie qui touche à la lifière; ainfi on place vers l'extrémité des rateaux, les parties qui ont été ourdies d'abord, puis de proche en proche, de manière que la chaîne offre aux yeux les rayures de l'étoffe, comme fi elle étoit fabriquée. Autrefois on plioit les chaînes en les levant de deffus l'ourdiffoir: on le pratique encore en quelques endroits ; il n'est question que de mettre le plot à la hauteur convenable; de faire paffer la chaîne entière entre fes deux poulies droites & fes deux tringles où a paffé la braffe; de placer en face, à quelque diftance, l'enfouple fur les cabres, & d'agir comme en toute autre circonstance, en retenant l'ourdiffeir pour que la chaîne refte toujours tendue ; mais il eft fi difficile de la tenir conftamment également tendue par cette méthode, que c'eft avec raifon qu'on préfère

les autres.

Dans les manufactures de peu de conféquence, non par la nature, mais par la quantité & le nombre des objets, le fabricant fait ou fait faire chez lui toutes les opérations qui y tiennent ou qui en dépendent; mais dans les lieux de grandes fabriques, il fe trouve des perfonnes confacrées à chacune de ces opérations principales; les unes dévident, les autres doublent, tordent; celles-ci ourdiffent, celles-là plient, &c. &c., & tout en eft mieux.

§. I I I.

Du métier & des uftenfiles pour la fabrication des taffetas, &c.

On comprend fous le mot de taffetas, toutes les étoffes de foie à pas fimple, comme il a été dit ; ainfi, indépendamment de celles qui confervent ce nom avec une épithète qui indique leur largeur ou leur nombre de fils en chaîne, celui du moins qu'elles eurent ou qu'on leur fixa dans le principe, tel que de Florence, d'Angleterre, de Lyon, &c., unis ou rayés, en noir à mantelets, à la bonne femme, fans pareils, &c.; de Nimes, d'Avignon, de Tours, qu'on appelle petit gros de Tours, &c.; que la chaîne en foit ourdie en fimple, double, triple ou quadruple, & paffée dans le peigne à deux ou quatre fils en dent; que la trame foit plus ou moins groffe, plus ou moins torfe,

organfinée comme celle de la chaîne, ou plate comme il eft ordinaire; qu'elle foit employée, fimple, double, triple, quadruple, &c., jusqu'à trente brins réunis, comme il arrive par degrés fuivant le genre d'étoffe; ou que la trame foit une filofelle, comme il arrive aux papelines, à certaines moires, au raz-de-Saint-Cyr, au raz-deSaint-Maur, &c.: les gros-de-Tours, les gros-deFlorence, les gros-de-Naples, les gourgourans, les pous de-foie, les Pekins, les moires unies fur foie & fur fil, les bourres du Levant, les papelines, & toutes les étoffes du même genre, ne font que des taffetas, & n'ont de différence entre elles que par le nom, & un peu plus de foie à la chaîne ou à la trame, ou à l'une & à l'autre.

A toutes, toujours à la fois, la moitié de tous les fils, pris alternativement, lève ou baiffe auffi alternativement, c'est-à-dire qu'à chaque pas la chaîne eft partagée en deux parties égales, que chaque coup de trame tient l'une en-deffus, l'autre en-deffous, & que la duite fuivante ramène endeffus la partie qui étoit en-deffous, & rejette en-, deffous celle qui étoit en-dessus.

Je m'abftiendrai ici de parler, & des largeurs chaîne fur telle largeur, & du denier & de la qua qui varient fans ceffe, & du nombre de fils en lité de la foie, toutes chofes dont il est aflez, & peut-être trop fait mention à l'explication des planches toutes chofes auxquelles l'ignorance impérieufe voulant donner des loix & fixer des bornes, a d'autant découragé le talent, émoulé le génie & retardé les progrès de l'art. En effet, les arts n'ont fleuri parmi nous que lorsqu'on y a fu rougir de cette barbarie; & fi nous tenons encore par quelques coins à une auffi bizarre ma nie, malgré le fuccès denos voifins, fondés fur le mépris qu'ils ont pour elle, c'eft que la gentilleffe d'une nation & toute la gloire qu'elle lui vaut, ne fuffifent pas toujours pour la rendre fage.

Les métiers qui fervent à la fabrication des taffetas, font les mêmes que ceux dont on fe fert pour fabriquer les ferges & les fatins. Ceux qu'on emploie pour les étoffes façonnées à la marche, à la tire, grande & petite, & pour les velours, font les mêmes quant à la carcaffe, & ne différent que par des uftenfiles particuliers à chaque espèce d'étoffe, & à l'arrangement qu'il convient de leur donner. On trouvera à la fuite des détails fuccints de fabrication dans lefquels nous allons entrer, la defcription de ces métiers, où feront indiquées leurs différences, leurs rapports, & les effets qui en résultent.

Le métier conftruit, affemblé carrément, folidement établi en beau jour; la première opération de fabrication confifte à y placer l'enfouple qui eft garnie de la chaîne, & l'une de ces opérations les plus effentielles eft de maintenir cette chaîne également tendue fur toutes les parties développées de fa longueur à tous les inftans qu'on la travaille.

On opère cette tenfion de différentes manières; à la cheville, à la roulette, au rochet denté, à la bafcule, au valet avec des contre-poids à frottement, ou contre-poids montans, enfin, avec des roulettes angloifes. Aux unes, il faut que l'ouvrier y mette la main, & pour cela, qu'il fe déplace au moins chaque fois qu'il eft question d'enrouler de l'étoffe fabriquée, de dérouler & d'amener en avant une même longueur de chaîne, dont la tenfion eft fujette à varier; elle augmente continuellement, à raifon de la groffeur de la trame, & qu'on rapproche plus les duites les unes des au tres; car la chaîne s'éloignant plus & plus fréquemment de fa direction, elle perd fur fa longueur ce qu'elle emploie en finuofités.

Il y a d'ailleurs, dans tous les cas, deux inconvéniens contraires également nuifibles, celui de tendre trop la chaîne, & celui de la tendre trop peu. Trop tendue elle ne permet pas à la trame de la pénétrer affez, de s'y loger auffi avant qu'il conviendroit; & fa trop grande élafticité rechaffe encore la duite d'une manière fenfible; ce qui arrive vers la fin de chaque pliée ou faffure, toujours à raifon de la longueur de la trame, & qu'il entre plus de duites dans une longueur donnée, lors même que la tenfion a été convenable au commencement: nouvelle obligation pour l'ouvrier de fe déplacer fréquemment & de faire de tres-courtes failures, s'il veut éviter une infériorité à chaque fois progreffive & continuellement renouvellée.

Un autre inconvénient réfulte de cette trop grande tenfion, néceffairement augmentée par la preffion des marches & l'écartement, ou l'ouver ture de la chaîne à laquelle cette preffion donne lieu; il fe caffe beaucoup de fils alors. On ne fauroit en aucun cas, dans la foierie du moins, confeiller l'ufage de la cheville ni celui du rochet denté, quoique l'une & l'autre foient en ufage dans plufieurs fabriques; mais on invite à leur préférer la bafcule qui, bien qu'elle taffe éprouver plus de frottemens aux fils par le mouvement d'aller & de retour de l'enfouple chaque fois que l'ouvrier marche & démarche, ne leur préjudicie pas, à beaucoup près, comme l'extenfion forcée qu'ils éprouvent dans le travail, lorfqu'à chaque faffure l'enfouple de la chaîne ou de derrière eft invaria-blement fixée & rendue immobile, comme il convient que le foit toujours l'enfouple de travail ou de devant: fin à laquelle la roulette dentée & fon chien font on ne peut plus propres. On a tellement fenti l'importance de donner du jeu aux fils de foie, de faciliter & d'adoucir leurs mouvemens, que la longueur du mérier n'a que ce but; la difpofition de toutes fes parties tend en outre à le favorifer.

En confeillant l'ufage des bafcules pour tendre les chaînes de foie, j'obferverai que celle qu'on fixe au bas du métier, & que fa forme rend un levier du troisième genre, eft préférable par la

facilité de donner plus ou moins d'intensité au poids, en l'avançant ou le reculant deffus le levier, car le degré de tenfion, variable fuivant l'état de l'atmosphère, & qui doit varier fuivant le genre d'étoffe, eft toujours moindre à raifon de la grofseur de la trame à employer; il eft plus important à faifir que facile à déterminer.

Il eft inutile d'obferver la néceffité de contenir le levier dans fa fituation, lorfqu'on en fait prendre une nouvelle au poids, qu'on le déplace enfin; on voit également qu'il faut autant de bafcules qu'il y a d'enfouples, & qu'on doit être at tentif à la difpofition refpective des unes & des autres pour le moindre frottement des chaînes dans le mouvement commun des lames; & pour que les poids de chacun des leviers ne fe gênent ni ne fe heurtent.

Le valet n'eft autre qu'un levier à crémaillère, adapté à l'enfouple, en-deflus ou en deffous, droit ou renversé, en-dehors ou en-dedans du métier : lorfqu'il eft en dehors, il eft droit, c'est-à-dire, que les crans font en-deflus, & le poids y eft fufpendu, plus ou moins rapproché de l'enfouple; lorfqu'il eft en-dedans il eft renverfé, ou les crans font en-deffous; la corde de fufpenfion du poids va paffer fur une poulie attachée au plancher, & revient s'accrocher à la crémaillière. On tend encore les chaînes au moyen de contre-poids flottans & de contre-poids montans: dans le premier cas, on fixe une corde à chaque montant de derrière du métier ; cette corde, feule de part & d'autre, s'enroule fur l'enfouple en nombre de tours déterminé par l'état des cordes, & la charge qu'elles ont à contenir: puis, chacune eft attachée à un poids de même maffe, & qui refle fufpendu à même hauteur; ainfi toute la réfiftance à vaincre pour faire perdre l'équilibre qu'elle rétablit, confifte dans le frottement de ces cordes; mais ce frottement, à tel ou tel degré, dépend de tant de circonftances dont chacune le rend fi variable, que nous n'adopterions pas cette méthode. Dans le fecond cas, très-préférable, malgré l'affujettiffement de rabailler les poids, les cordes de fufpenfion s'enroulent immédiatement fur l'enfouple où elles font fixées par l'un des bouts: quelquefois ces cordes font doubles: les poids n'y font point attachés; elles paffent feulement fous une poulie qui tient chacun de ces poids, pour s'aller fixer à une barre placée en arrière au-deffus de l'enfouple; alors les poids font moins fréquemment à rebaiffer, mais il les faut fi lourds, que l'inconvénient eft pis.

Pour toutes ces méthodes de tendre les chaînes, ainfi que pour celles aux roulettes Angloifes, que les leviers mus par une corde & un balancier ayant le pied ou la main pour premier moteur, méthode vantée avec raison, fur-tout pour les groffes étoffes, celles à trois & quatre chaînes, telles que les dro guets fatinés, les droguets luftrinés, les moires à double fond, &c. voyez le texte immenfe & les nombreutes figures de M. Paulet.

Après avoir indiqué les moyens d'agir & les inconvéniens de l'excès, nous ne devons pas omettre d'observer qu'il eft tout autrement nuisible de pécher par défaut, je veux dire, de ne pas donner aux chaînes une tenfion fuffifante. Outre leur racourciffement, d'où réfulte une moindre longueur d'étoffe, l'excédent de longueur ebu par la trame, forme fur le tiffu des rugofités qui en décèlent la défectuofité & en terniffent l'éclat.

Quant à la partie du devant du métier qui concourt à l'extension, l'enfouple de travail ou le porte-étoffe, long-tems on n'a fu en avoir qu'une; on la baiffoit à mesure qu'elle fe chargeoit trop; d'abord, foutenue fur un grand nombre de coufins, de tems en tems on en ôtoit un de chaque côté; puis on imagina de foutenir cette enfouple au moyen de vis & d'écrous, & l'on y trouva plus de facilité de la baiffer, & à la fois de la contenir; enfin, l'on a imaginé de placer en-deffous une feconde enfouple fur laquelle on enroule l'étoffe,& qui en a pris le nom de déchargeoir. Cet ufage introduit depuis long-tems dans l'une & l'autre draperie, dans la toilerie même, n'a gagné, on ne fait pourquoi, que bien lentement dans la foierie, & il s'en faut qu'il y foit général; cependant toute autre méthode eft défectueuse à nombre d'égards. Dès que la chaîne perd fon niveau, elle foulève ou abaiffe la maille des liffes, ou elle perd fa direction, ce qui contraint l'une & l'autre; alors il faut tout remuer pour ratraper le niveau. L'ouvrier eft plus gêné; il voit fon métier fe déranger fouvent fans s'imaginer d'où cela provient, ni comment y remédier. Au contraire, lorfque l'étoffe ne fait que paffer fur la première enfouple, elle fe maintient également tendue & ferme dans toutes fes parties; toujours l'ouvrier a la même facilité, & par-tout fon travail eft le même.

Je ne parle ni de la longueur, ni du diamètre des enfouples; on fent affez que ces dimenfions dépendent de celles du métier & du genre d'étoffes" qu'on fabrique; à l'égard du bois, celui qui eft le plus fufceptible d'un beau poli, & le moins fujet aux vers, eft à préférer; on fent de quelle conféquence il eft que les fils ne s'y accrochent point; & il n'eft pas fans exemple que des vers rongeant le bois, aient paffé dans une chaîne de fils de laine reftée long-tems fur le métier, & l'aient mis hors d'état de fervir. Dans ce cas, un vernis de réfine fur un bois de fapin met l'enfouple de la chaîne à l'abri d'un pareil inconvénient.

Paffons , pour en faire fentir l'ufage, aux autres parties du métier, que nous décrirons enfuite. Le battant eft commun à tous également, dans la toi lerie, dans la draperie & dans la foierie; il n'y a que la paffementerie dans quelques-unes de fes parties, & la tapifferie dans toutes, qui puiffent fe fabriquer fans cer inftrument, dont le nom indique l'ufage, fa forme & fa fufpenfion, L'objet du battant eft de rapprocher avec le peigne contenu entre la cape & le fommier, chaque duite, & de les fer

rer toutes les unes contre les autres; comme il faut que le plus grand effet néceffaire foit produit par un mouvement très-réglé, l'impulfion doit être toujours douce; ainfi la variété de l'effet, fondée fur celle de l'objet, doit être déterminée bien moins par l'action de l'ouvrier, que par les difpofitions de fes uftenfiles. On donnera donc toujours du poids au battant, mais on proportionnera ce poids à ce qu'exige de force l'étoffe qu'on a à fabriquer: force qui ne pourroit être que très-inégalement acquife, & au grand préjudice de la foie ou de tous autres fils de la chaîne, fi l'ouvrier cherchoit à la tirer de celle de fon bras, toujours très inégalement appliquée. On placera ce poids dans le fommier au plus bas du battant, où on le diftribuera en moindre volume, & le plus également poffible; par conféquent on y coulera du plomb fondu, ce qui de tous les moyens de donner du poids à un battant eft le meilleur. Pour donner beaucoup d'élafticité à ce battant, on lui donnera beaucoup de hauteur, celle du métier fur laquelle il fera fupporté de la manière la plus mobile; & pour en placer le peigne dans une telle difpofition que les fils qui le traversent ne foient jamais dans le cas de frotter ni fous la cape, ni fur le fommier, les montans, lames ou epéee du battant ou chasse, feront armés de crémaillères pour le foutenir, élever ou baiffer, en le rapprochant ou l'éloignant de fa barre de fufpenfion; ou cette variation s'opère au moyen de doubles cordes qu'on tord plus ou moins avec de petits leviers.

Cherchant enfin à rendre plus doux le jeu de toutes les parties, on donnera aux rainures qui doivent recevoir le peigne, toute la profondeur néceffaire pour que les jumelles du peigne y entrent en entier, & que les fils de la chaîne, quels qu'ils foient ne puiffent y toucher; on leur donnera plus de largeur qu'il ne femble néceffaire pour les contenir; on les arrondira même, afin que le peigne fe balançant un peu dans l'arc que le battant lui fait décrire, facilite d'autant la foie à le traverfer. D'où il eft fenfible que la cape ou poignée ne devant jamais preffer le peigne, tout fon appui eft rejeté à fes extrémités, fur des vis, des chevilles, dans les lames, vers les extrémités du fommier.* A mortaises & à couliffes, fur les épées, la poignée fe lève & s'arrête à volonté, pour ôter & remettre le peigne, ou lui en fubftituer un autre de plus ou de moins de hauteur.

La barre de fufpenfion ou porte-battant carré, hexagone, octogone, & toujours mieux cylindrique, eft terminé par des roulettes ou par des lames, prolongées ou implantées les unes ou les autres pour fa plus grande mobilité, ayant leur appui fur les accocats, fuite d'entailles, en forme de fcie ou autrement, qui donne la facilité de pla cer le battant, fuivant le befoin, plus en avant ou en arrière. Je n'oublierai pas d'observer que le bandage du battant, négligé par beaucoup d'ouvriers, n'eft pas d'auffi peu de conféquence qu'ils

l'imaginent: on ne fauroit, en donnant à cette pièce ou plutôt à ce compofé, la mobilité la plus facile & la plus douce, lui impofer trop de fermeté; à quoi le bandage eft très-propre.

Nous avons parlé en fon lieu de la fabrication des liffes voyez ce mot). Nous allons jeter un coup d'oeil fur les parties du métier qui fervent à les faire mouvoir, & qui font connues fous les noms de chappes, carrettes, chatelets, arbalétes, marches, tire-liffe, ailerons, carquerons, valets, lifferons & porte-liffes.

Les chappes font propres à la fabrication des taffetas, des raz-de-Saint-Cyr, des raz-de-SaintMaur, & de toutes les étoffes dont la chaîne fe divife par moitié lors du paffage des fils de la trame. Quelques ouvriers n'emploient qu'une chappe pour deux liffes; cette méthode eft abufive; on a beau la placer au centre, les liffes font toujours tiraillées; leur mouvement ne fauroit être ni égal, ni uniforme; il vaut mieux deux chappes au moins, qui dirigent la fufpenfion des liffes vers leurs extrémités; & moitié autant de poulies parallèles à chacune de ces chappes, qu'elles ont de liffes à fupporter. Ces chappes font fufpendues au porte-liffes; le porte-liffes eft foutenu par les bouts fur les eftafes du métier; & le valet fert à le pouffer, à le ranger, à le mettre d'équerre avec ces mêmes eftafes. Le nombre des liffes cependant n'eft pas toujours déterminé par celui des chappes; car on fait quelquefois partir deux & trois cordes de la feule qui paffe fur une poulie, & l'on attache une liffe à chacune de ces cordes divergentes, ce qui n'eft affurément pas le mieux. Il eft bien déterminé par le genre de travail; on ne fauroit diminuer celui que la nature du tiflu requiert; mais en tout autre cas, on l'augmente par la feule raifon de divifer davantage un plus grand nombre de fils de la chaîne, dont le frottement dans ce travail eft d'autant moindre, qu'ils font paffès dans un plus grand nombre de liffes. Ainfi, pour le taffetas, qu'on peut abfolument travailler à deux liffes, à proportion que fa chaîne eft plus fournie de fils, on porte le nombre de ces liffes jufqu'à huit.

Les liffes font montées fur les lifferons, fufpendues, attirées par eux du haut & du bas. Quard l'étoffe a demi-aune & plus de largeur, les points de fufpenfion font pris entre les liffes mêmes; lorfque fa largeur eft moindre, les points de fufpenfion font pris par-delà fur les extrémités du lifferon, qui, à cet effet, excède les liffes de part & d'autre d'environ trois pouces. Il en eft de même pour les points où s'attachent en-deffus les cordes qui attirear le lifferon en en bas. Trop d'écartement des chappes ou des cordes de fufpenfion comme de celles de l'arcade en-deffous, donneroit lieu aux lifferons de fléchir; on ne fauroit prefcrire la forme, les dimenfions, le poids des lifferons, qu'en indiquant l'étendue, la forme & l'ufage des liffes qu'ils doivent porter & faire agir. Quelquefois rendus lourds à deffein par leur forme, ils le deviennent

encore par l'addition de quelques poids ou platines qui tiennent lieu de contrepoids pour les liffes. Il n'eft de mouvement d'aucune partie accessoire ou de l'armure du métier qui ne lui foit communiqué par les marches, lefquelles feules les reçoivent directement du pied de l'ouvrier. Tous métiers ayant au moins des liffes pour le paffage & le jeu des fils de la chaîne, tous ont des marches pour opérer ce jeu plus ou moins directement. Tantôt ces marches ont leur appui, le talon fous le fiège de l'ouvrier; la puiffance vient enfuite, & le poids eft à l'autre bout; c'eft un levier du troisième genre; il eft d'ufage dans l'une & l'autre draperie & dans la paffementerie : tantôt le talon des marches eft à l'autre bout, le poids eft au milieu, & la puiffance, qui eft le pied de l'ouvrier, eft du tout opposée à la réfiftance ou à l'appui ; c'eft un levier du fecond genre, d'un grand ufage dans la toile, & le feul dans la foierie. Dans les tiffus très-fimples dont la chaîne eft peu chargée de fils, & dont la fabrication he nécefite qu'un petit nombre de liffes, la communication eft directe des marches aux lifferons dans tout autre cas, on lui interpofe des carquerons ou contre-marches, qu'on intercale de tire-liffes. Ces nouvelles pièces établiffent une correfpondance de mouvemens qui les varient beaucoup & les adouciffent fingulièrement.

Les contre-marches & les tire-liffes font des leviers, un peu moins forts, femblables d'ailleurs aux marches; ils forment un angle droit avec celles-ci; leur talon eft toujours du côté gauche, & fouvent leur axe eft commun. Les contre-marches traverfent le métier, &, tirées en-deffous par les marches, du bout opppofé à leur talon, elles tirent les cordes toujours fur la droite, pour donner du haut, le jeu aux liffes, au moyen des aîlerons ou bricotaux. Quelquefois ces contre-marches ne font point fixées; elles ne font que fufpendues de part & d'autre pour opérer des deux côtés; alors il y a des bricoteaux de chaque côté du métier. En même tems & de la même manière, les tire-liffes, également attirés en-deffous par les marches, n'ont que la longueur néceffaire pour, de l'un & de l'autre point, attirer à eux le plus verticalement, & par une arcade, les liffes autres que celles qui font élevées en même tems par la preffion de la même marche.

Ceux qui n'emploient pas de tire-liffes aux armures des métiers, font forcés d'attacher des cftrivières aux lifferons, ou à quelque corde qui s'y joint en forme d'arbalètre: ces eftrivières y répondent directement des marches, en paffant entre les contre-marches; mais l'ecartement des marches ne permettant pas à ces cordes de tirer perpendicu lairement, lorfque l'ouvrier enfonce une marche, la liffe qu'elle fait defcendre prend une direction divergente qui fait vaciller le pied; la liffe tire plus d'un côté que de l'autre ; la chaine s'ouvre inégalement; fes fils font inégalement tendus; il s'en caffe, la courfe de la navette n'eft plus fi directe, ni

fi uniforme; il y a retardement & mauvaife exécution dans le travail. Les tire-lifles au contraire, tous de longueur fuffifante pour porter leur point de fufpenfion aux trois quarts de la longueur d'une liffe, en partant de leur point d'appui, peuvent communiquer de tel point du tirant de la liffe, que celle-ci defcende toujours perpendiculairement : en forte que fi l'on a quatre, fix ou huit liffes à faire rabattre, on met autant de tire-liffes, & tous les tirans font fur une même ligne; de façon que tous étant attachés au milieu des lifferons inférieurs ou au milieu des arbalètes, on est affuré que les tireliffès, qui font invariables à caufe de leur point d'appui, ne fauroient defcendre fans tirer en droite ligne, fauf la courbe qu'ils décrivent, & qui eft encore adoucie par le foin qu'on a de fixer les tireliffes au moins à deux pouces plus haut par ce bout que par le point d'appui; en forte que paffant du fort au foible, quand ils font au plus bas de leurdefcente, ils n'ont pas perdu deux lignes de leur direction perpendiculaire; on a de plus, la liberté de faire venir en droite ligne les eftrivières, qui répondent des tire-liffes aux marches qui les font mouvoir; alors les marchés n'éprouvent plus de balancemeut, non plus que les liffes, & conféquemment plus de dérangement pour la courfe de

la navette.

On pouvoit admettre l'ufage des tire-liffes dans prefque toutes les armures, particulièrement à celles où les liffes font fufpendues avec des chappes, en fuppofant qu'on ne fit que de courtes faffures; car les contre-marches ne permettent pas qu'on faffe de faffures au-delà de deux ou trois pouces de longueur; mais dès qu'on voudra fe borner là, on emploiera les porte-liffes avec fuccès.

Suivant le befoin on allonge, on multiplie les bricoteaux, on leur donne plus de poids. Plus une étoffe eft fournie en chaîne, plus la longueur du levier devient néceffaire pour vaincre la réfiftance du frottement des fils & des liffes, & opérer leur divifion leur nombre eft toujours déterminé par celui des liffes; à l'égard du poids en avant ou en arrière, en tête ou en queue, c'eft quelquefois le genre de travail qui le néceffite; mais plus fouvent l'imagination, l'opinion ou la fantaifie qui l'admet.

S'ils font inclinés en-dedans, car ils ne doivent jamais être en équilibre, ils font appuyés fur le chevalet intérieur, & fur le chevalet extérieur, s'ils font inclinés en-dehors, le chevalet oppofé à celui de l'appui, fert à les arrêter tous, & toujours au même point, lorsqu'ils font la bafcule.

L'inftrument fur lequel fe balancent les bricoteaux, tous enfilés sur un même rateau, & par une même broche, eft quelquefois double; & fouvent très-diversement conftruit; telle forme lui a fait donner le nom de châtelet, telle autre celui de carette, enfin telle autre a fait réunir ces noms l'un à l'autre. Quels qu'ils foient, ils occupent toute la traverse du deffus du métier; & toutes leurs parties concourent toujours à la même fin. Seulement

on multiplie les moyens, quelquefois on les fimplifie, d'autres fois on les complique: chacun les voit comme il eft affecté, & en ufe, comme de tout, fuivant fon habitude, fes préjugés ou fon difcernement. Lorsqu'il y a deux batteries de bricoteaux, il y a quatre chevalets.

Soit nouveauté, foit prétendue perfection, on a pouffé le renversement des idées, jufqu'à le faire partager aux carettes; d'où ils ont pris le nom de carettes volans. Au lieu de laiffer leur brancard polé fur les eftafes du métier, on l'a attaché au plar cher, & la difpofition de toutes les parties pour opérer moins bien, n'a de mérite que celui d'un ordre renversé je dis pour opérer moins bien, car l'immobilité du chevalet ôte toujours la faculté de redonner aux cordes & à tous les mouvemens la direction dont ils s'écartent en diverfes circonf

tances.

On a des carettes à batillons, nom qui leur vient de la forme du poids des bricoteaux: poids placé en-dehors pour tenir toujours hautes, ou ra mener à leur hauteur celles des liffes qu'on fait mouvoir fans contre-marches, les tenir toujours tendues, & éviter que le rebouclement des mailles ne fe mêle avec la foie,

Les carettes à poulies, fimples ou doubles, ainfi que les carettes à poulies pour ramener les marches, leur ufage, la préférence à leur donner en certain cas, &c. font dans l'art des étoffes de foie très-lons guement décrits, & représentés avec beaucoup de figures, ainfi que la fufpenfion des liffes & des marches en employant les carettes & châtelets, la fufpenfion des liffes aux carettes à poulies, &. &c.: les cordes, leur pofition, leur direction, leur longueur, leur groffeur, les différens noeuds & boucles d'ufage pour toutes ces fufpenfions, &c. : les contre-poids, les lifferons plombés, les platines de bois plombées, les contre-poids de plomb, & jufqu'à la manière de faire les moules de papier & de les y couler dans la cendre; tout enfin ce qui a rapport à quelque chofe que ce foit, dont l'objet eft de fufpendre ou faire mouvoir les lifles & les marches; je renvoie à cet art; j'y renvoie pour tous les objets qui vont fuivre, & que je ne ferai qu'ébaucher.

Après avoir parcouru rapidement au moment où on le monte, un métier quelconque, où l'on puisse à la marche exécuter une étoffe quelle qu'elle foit & pris une idée des différentes parties qui le compofent, de leur pofition, de leur correfpondance, de leur rapport & de leur ufage, appliquons-leur l'objet pour lequel & fur lequel elles font exercées. Dans l'état des chofes, le remettage eft l'opération qui fe préfente la première: vient enfuite le paffage du peigne, Plufieurs des arts publiés par l'académie l'art des étoffes de foie, l'art de la draperie, & celui des étoffes rafes, &c.) donnent la description & les figures de ces opérations auxquelles ni la nature de la matière, ni l'efpèce de tiffu qui en doit réfulter, n'apportent aucun changement; nous nous

contenterons

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