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vecœur, de Grandvilliers, &c. Ils font beaucoup
plus multipliés aux environs d'Oifemont en Vi
& au long de la vallée vers Gamaches.

meux,
Les
de la baffe-Picardie ne font guère
campagnes
d'autre commerce que celui des chanvres & des
lins ouvrés plus ou moins, & non ouvrés. Il arrive
fouvent que le laboureur fème, récolte, fait écou
cher, mailloter, filer, fabriquer, & porte vendre
fes toiles à Abbeville, aux foires & marchés de ces

cantons.

D'après ces confidérations, on croit pouvoir eftimer la quantité totale des toiles qui fe fabriquent & fe mettent dans le commerce annuellement en Picardie, de foixante à foixante-dix mille pièces, qui, eftimées de 50 à 60 liv., donnent une valeur de 4,000,000 à 4,200,000 livres. Comme les tifferands font en même tems cultivateurs, il eft des époques où les travaux champêtres fufpendent celui des toiles. Ainsi, les métiers ne travaillent guère que pendant huit à neuf mois de l'année ; ils ne peuvent fournir qu'environ quinze pièces par an, ce qui porte à quatre mille le nombre des métiers de toiles répandus dans la province.

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Toutes les toiles de cette province fe vendent en écru avec cinq pour cent de bénéfice, & les pouces, c'est-à-dire, vingt-une aunes pour vingt aunes, & le pouce par aune. Il n'y a que les toiles de Chaunes, connues fous ce nom, de ce qu'elles fe fabriquent aux environs de ce bourg en Santerre, toiles de ménage, de fept huitièmes de largeur, qui fe vendent à l'aune de Paris, également vingt-une aunes pour vingt aunes, & les pouces. Chaque marchand qui achète les autres, en fait enfuite, pour les revendre, la réduction fur l'aune de Paris,

§. I I I.

Des toiles & toileries de la généralité de Bretagne.

Quoique la Bretagne n'offre pas dans le genre des toileries des fabrications auffi variées que la Normandie, celles qui y font établies ne laiffent pas de fournir l'objet d'un commerce important.

Les fabriques de l'évêché de Rennes, qui comévêchés de Quimper, de Léon & de Saint-Malo, prend celles de Fougères & de Vitré, celles des fourniffent des espèces de toiles diverfes & particulières à chacun de ces cantons. Nous allons les

parcourir dans l'ordre ci-dessus..

Fabriques de l'évêché de Rennes.

On ne peut avoir moins de trois fileuses pour entretenir un métier ; elles font également détournées, foit par des travaux champêtres, foit par des foins domestiques: il faut préparer le chanvre ou le lin. Comme on emploie dans ces différentes maind'œuvres beaucoup d'enfans de l'un & l'autre fexe, on peut compter fix perfonnes à l'ufage de chaque métier; ce qui donnera vingt-quatre mille perfonnes employées à la fabrication des toiles en Picardie. Le nombre peut être augmenté d'environ dix mille perfonnes occupées en baffe - Picardie, foit à la préparation & à la filature des lins du pays autres que ceux qu'on y confomme, de ceux de l'Artois & de la Flandres, que tire enfuite la Nor-glemens du confeil, ces toiles font appelées noyales

mandie, pour alimenter fes immenfes manufactures de toiles & de toileries, foit pour la filature du coton, qui entretient à Abbeville environ deux mille quatre cents fileuses, & y répand une maind'œuvre de 240,000 livres, non compris la valeur primitive de la matière.

Si nous confidérons maintenant la quantité de matières premières employées à la fabrication des toiles dans la province, nous trouverons en partant de 50 livres de poids pour chaque pièce de toile, une confommation de 3,000,000 livres de matières préparées qui proviennent d'environ 4,500,000 livres de matières brutes. Cette quantité évaluée à 30 livres le cent, donne une valeur de 1,350,000 livres. Ainfi, le produit de la matière ouvragée, excède le double de fa valeur primitive, puifque nous avons vu qu'il s'élève à trois

millions.

Le commerce des toiles de Picardie fe fait dans la province fuivant l'aune de chaque lieu ou chefKeu; car ces aunes diffèrent les unes des autres, & plus encore de l'aune de Paris,

1o. Toiles à voiles. La fabrique des toiles à voiles eft très anciennement établie dans l'évêché de Rennes. Ces toiles y étoient autrefois connues fous le nom de caneveaux, nom qui fubfifte encore parmi les gens de la campagne. Dans les arrêts & ré

à un, à quatre & à fix fils, pour défigner leur qualité. Ce nom leur vient de la paroiffe de Noyal-furVilaine, à trois lieues de Rennes, où il s'eft tou jours fabriqué beaucoup de ces toiles. C'eft fous cette dernière dénomination que nous en parlerons.

L'objet annuel de cette fabrique fe réduifoit en 1750 à environ neuf mille pièces. Il s'eft confidérablement accru, puifqu'il s'élève aujourd'hui à quinze mille cent pièces de cent dix verges, qui, à 22 fols prix commun, donnent un produit de 1,827,100 livres.

Le chanvre, production du pays, eft l'unique matière employée à la fabrication des toiles dont il eft question. On en tire trois brins au peignage; le premier & le fecond font mêlés enfemble, & le troifième, appelé guinguette ou reparon, refte féparé. Il feroit mieux de ne tirer que deux brins; alors la guinguette refteroit avec le fecond brin, qui feroit plus propre à la fabrication des toiles dites brins

communs.

Un quintal de bon chanvre du pays donne 65 livres de premier brin, 15 livres du fecond, 6 livres de guinguette ou reparon, & 8 livres d'étoupes 3

ainfi le déchet eft d'environ 6 livres par cent. Les chanvres de médiocre qualité donnent moins de brins, & plus d'étoupes & de déchet.

Les chanvres font filés dans le pays; toutes les femmes filent dans les intervalles que leur laiffent les travaux champêtres, & les foins de leur ménage. Elles filent au rouet, & plus ou moins gros, fuivant leur habitude, ou la deftination de leurs fils. Les fileuses vendent leurs fils à des marchands qui courent les campagnes, ou elles les portent aux marchés les plus voifins, foit écrus, foit leffivés, ce qui eft indifférent, parce que le prix eft toujours en proportion. Mais, ce qui ne l'eft pas, c'eft de mêler en trop forte dofe, avec les cendres d'une première leffive, & afin d'en épargner une feconde, de la chaux, ou d'autres ingrédiens corrofifs, qui énervent les fils, & en rendent le travail fort difficile.

La chaîne & la trame des noyales de première qualité font l'une & l'autre en fils de premier brin du chanvre, & les pièces portent la marque de brin fur brin. Les deux extrêmes des nombres des fils en chaîne, prefcrits pour ces qualités, font de neuf à douze cents. Un bon ouvrier fait une de ces pièces, contenant cent verges, en douze ou treize jours, & on lui paie quatorze à quinze livres par pièce.

Le lieu principal de cette fabrique eft la petite ville de Château-Giron, à trois lieues de Rennes. Il s'y tient un marché de ces toiles tous les jeudis de chaque femaine. Les marchands du lieu, & ceux qui s'y rendent d'ailleurs y achètent les toiles qu'on y apporte des campagnes voifines. Il fe tient auff un marché de ces toiles tous les mardis dans la ville de la Guerche, à huit lieues de Rennes, mais il est très foible.

La fabrique des noyales occupe environ mille trois cents métiers, qui font répandus dans quarante-trois paroiffes de campagne. Voici l'énumèra-y tion de leurs diverfes qualités, & de la quanttié de

chacune..

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La chaîne des toiles ci-deffus, eft composée de fils du premier brin du chanvre, & la trame du fecond brin, quoique, fuivant les réglemens, elles duffent être en premier brin chaîne & trame. Le nombre de leurs fils de chaîne eft fixé, par les réglemens, depuis 600 pour les étroites, jufqu'à 1000 pour celles à quatre fils..

Un bon ouvrier fait une de ces pièees, contenant cent vingt verges de cinquante pouces, dans neuf à dix jours,, & on lui paie 9 à ro liv. par pièce.

Premières qualités.

200

100 4000

1200

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Les marchands qui ont acheté ces toiles les mefurent & les plient à la verge pour les payer; ils appliquent les marques qui défignent leurs qualités, & ils les font tranfporter à Rennes pour les vendre aux marchands de cette ville qui en font des envois par commiffion ou pour leur compte, dant tous les ports du royaume, fur-tout à Nantes, Saint-Malo, l'Orient, Bordeaux, la Rochelle, le Havre, Granville & Honfleur. Les fourniffeurs du Roi en font auffi acheter en tems de guerre, pour le service de Breft & de Rochefort.

Les toiles des fabriques rurales ne font pas auffi parfaites que celles des manufactures fermées & privilégiées établies à Rennes, à Angers, à Beaufort & autres lieux; mais elles ont un avantage réel, c'eft celui du bon marché. La différence de prix entre ces toiles de même qualité & largeur eft de vingt-cinq à trente pour cent. Et celle de qualité & de force eft au plus de quinze pour cent, ce qui provient de la grande économie des fabricans de la campagne.

D'après cela, on peut conclure que les noyales fabriquées dans les manufactures fermées des villes, doivent être préférées pour les voiles des vaiffeaux de ligne, & que celles des fabriques de campagne ne font propres qu'à un ufage moins important.

Plufieurs pensent qu'il conviendroit de fabriquer les noyales majeures ou de première qualité, fils fimples, ou à un fil, comme on le pratique en Hollande & en Angleterre, & cette opinion paroit fondée, car il n'eft guère poffible que dans celle à fix fils, par exemple, les trois fils paffés dans une même maille de liffe, confervent une tension parfaitement égale, & fe rangent bien au tiffage. Pour fabriquer de bonnes toiles à voiles à un fl, il ne s'agit que d'y employer des fils également gros en

chaîne & en trame.

Le défaut général qu'on reproche à ces toiles, eft que celles de la première qualité font fouvent 15100 compofées de fils trop fins, ce qui les rend minces & fans corps; mais elles font faites d'excel

lentes matières, bien fabriquées, très-ferrées, ce qui conftitue la bonté d'une toile à voile, dont la qualité la plus effentielle eft de retenir le vent & de réfifter à fon effort. Au furplus, la meilleure preuve de la bonté de ces toiles eft le grand débit qu'on en fait.

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font employées pour les grandes voiles, mifaines grandes voiles d'étai, petits focs des vaiffeaux qui portent depuis cinquante jufqu'à foixante-quatre canons. Celles à deux fils de la même espèce, fervent à faire les grandes voiles, mifaines, grandes voiles d'étai, petits focs des corvettes & pour les artimons, huniers & civadières des vaiffeaux du troifième rang.

La confommation de toutes ces toiles fe fait dans les ports de Roi, dans les ports marchands, dans nos Colonies de l'Inde & de l'Amérique. Il en paffe peu à l'étranger, quelques pièces feulement en Efpagne. Celles à quatre & à fix fils ne peuvent fervir que pour voiles, à caufe de leur roideur. Les noyales & rondelettes bien fabriquées fervent auffi pour les voiles des petits bâtimens, des chaloupes & des bateaux. Les médiocres noyales && rondelettes, & les courtes, groffes & menues, fervent à garnir les vieilles voiles, à prélats, à facs, & à faire des farreaux pour les foldats & les matelots.

Dans les lieux où le coton eft abondant, comme à Malte, on fabrique des voiles en tout ou en partie de cette matière: voici à ce fujet ce que j'ai remarqué dans cette île, & ce que j'en ai écrit. « Tous les cordages, toutes les voiles fe font » ici; ces dernières fe font fouvent, en tout où » en partie, en coton, matière qui réfifte beaucoup » mieux aux intempéries de l'air & aux manou»vres. Quelquefois la chaîne eft de fil & la trame » de coton. Le fil coûte moins, mais il foutient » moins l'humidité; & la plus grande dépenfe » occafionnée par l'emploi du coton, se retrouve » & au-delà fur fon plus grand ufage. On fait des » voiles de toiles plus ou moins fines, fuivant les » bâtimens. En mauvais tems on fe fert des plus » groffes. Ces toiles font très-étroites, de quinze à » dix-huit pouces : la force de la voile, toutes chofes » égales, eft augmentée en raifon de fes cou

» tures ».

On lit dans l'art de la voilure, par M. Romme, Paris 1781, (à la table, au mot toiles à voiles.): Les toiles employées dans les ports pour faire les voiles fortent des manufactures d'Angers, d'Agen, & quelquefois de Rennes. Elles font de différentes forces, & par conféquent de différentes espèces. Il y a des toiles à trois fils & à deux fils, qui font de la première espèce. Les premières fervent à faire les grandes voiles, les mifaines, les grandes voiles d'étai & les petits focs des vaiffeaux, qui portent depuis foixante-quatorze canons jusqu'à cent vingt.

Les toiles à deux fils de la même espèce, fervent à faire les grandes voiles, mifaines, grandes voiles d'étai & petits focs, deftinées pour des frégates & de groffes flûtes. Elles fervent auffi à faire les huniers, les artimons & civadières des vaiffeaux de guerre, depuis foixante-quatre jufqu'à ceux du premier rang.

Ces toiles ont vingt-un pouces de largeur. "Il y a des toiles de la deuxième efpèce, qui font & à trois fils & à deux fils, Celles à trois fils

Ces toiles ont auffi vingt-un pouces de largeur.,

» Il y a auffi des toiles, nommées melis doubles. qui fervent pour faire les voiles d'étai, d'artimon, des vaiffeaux de guerre, les artimons, huniers & civadières des frégates, ainfi que des flûtes ; & enfin les grandes voiles, mifaines, grandes voiles d'étai petits focs des bâtimens qui portent depuis douze jufqu'à dix-huit canons. Elles ont vingt-un pouces de largeur.

» D'autres toiles, nommées melis fimples, font de deux espèces: celles de la première fervent. pour les perroquets de fougue des vaiffeaux de guerre de tous les rangs, pour les focs des vaiffeaux de foixante-quatorze & des rangs fupérieurs, & enfin pour artimon, hunier & civadière des bâtimens de douze à dix-huit canons. Elles ont vingt-un pouces de largeur.

» Les toiles melis fimples de la deuxième efpèce, fervent pour les perroquets, voiles d'étai, de hune, bonnettes baffes, & huniers des vaiffeaux des deux premiers rangs, pour focs de corvettes, frégates & vaiffeaux du troisième rang, pour perroquets de fougues, voiles d'ėtai, artimon, bonnettes baffes de corvetes, frégates & flûtes. Elles ont vingt-quatre pouces de largeur.

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» D'autres toiles, nommées toiles de bonnettes fervent pour les voiles d'étai & bonnettes de perroquet des vaiffeaux de tous rangs, pour voiles d'étai de hune & bonnettes de hunier des corvet tes, frégates & flûtes. Elles ont vingt-quatre pouces. de largeur.

» Il y a enfin des toiles à doublage, qui fervent à doubler ou à renforcer les voiles dans les parties qui font les plus expofées à être déchirées, & qui doivent être fufceptibles d'une plus grande réfiltance. Elles ont vingt-un pouces de largeur.

» Comme chaque mât partiel porte une vergue, de même auffi chaque vergue foutient une voile. La voile qui eft lacée avec la grande vergue, eft nommée grande voile, & les voiles portées par les vergues plus élevées & par le grand mât, font nommées voiles de grand hunier & de grand perroquet; de forte que chaque voile, ainfi que chaque vergue, emprunte fon nom du mât auquel elle eft unie immédiatement.

» Le mât de mifaine porte auffi trois voiles principales ; le mât d'artimon en a deux ou trois, & le mât de beaupré, ainfi que for boute-hors, foutiennent ensemble & deux vergues & deux voiles. Ces deux dernières ne reçoivent pas leurs noms du mât auquel elles font attachées. La voile de beaupré

eft nommée civadière, & celle du boute-hors contrecivadière.

"

» Le nombre des voiles d'un vaiffeau ne se borne cependant pas à celui des voiles que nous venons de nommer; il en eft encore d'autres qui font établies entre les mâts, & dont le plan eit placé à peu-près dans le fens de la longueur du vaiffeau. » Dans un beau tems, un vailleau porte encore, outre les premières voiles, d'autres voiles tuppié mentaires que l'on nomme bonnettes. Enfin, on ajoute encore quelquefois à toutes ces voiles d autres petites voiles placées à la tête du grand mât & du mât de mifaine, au deffus des perroquets, & qui font nommées perroquets volans.

» La grande voile d'un vaiffeau a la forme d'un trapèze. Sa grande base, qui est la base intérieure, lorique fur un vaiffeau cette voile eft déployee, eft égale à la longueur totale de la grande vergue, en y comprenant celle des taquets. La petite bate, pa rallèle à la première, & auffi horizontale, eft égale à cette longueur, moins celle des raquets

"La grande voile d'un vaiffeau de guerre eft, comme on voit, d'une très-grande étendue, & on emploie pour la former une toile qui foit d un tiffu & d'une force proportionnées à cette etendue.

il

» Ces toiles ont vingt-un pouces de largeur, & c'eft par une fuite de bandes de toiles placées l'une à côté de l'autre, & réunies ensemble par des coutures, que l'on forme la furface entière de la grande voile d'un vaiffeau. Ces bandes de toile ou laizes ont une longueur égale à la chûte de la voile, & elles font placées parallèlement à cette même chûte. Lorfque le voilier travaille à coudre enfemble ces laizes préparées, il a foin de faire anticiper le bord de chaque bande fur le bord correfpondant de la laize voifine; & alors, par plufieurs fuites parallèles de points de couture, réunit folidement enfemble les bords de ces bandes. Cette étendue, dont une laize anticipe fur fa voisine, eft nommée proprement couture de la voile. La couture d'une voile a donc, fuivant les voiliers, une largeur, & cette largeur varie fuivant les voi les. Dans la grande yoile d'un vaiffeau de foixantequatorze canons, la largeur de la couture eft de trois pouces au haut de la voile, & enfuite diminuant par gradation depuis l'envergeure jufqu'à la bordure, elle n'a plus au bas de la yoile que l'étendue d'un pouce. C'eft par le moyen de cette diminution progreffive dans la largeur de la couture, qu'on réuffit à former toute la furface de la voile, par un nombre déterminé de laizes égales, & qu'on établit entre l'envergeure & la bordure une différence déjà défignée & néceffaire pour l'établiffement de cette voile déployée. Le nombre des laizes fuffifantes à la formation de la grande voile eft ainfi calculé, & d'après la grandeur de fon envergeure, & d'après la largeur de la toile, ainfi que celle de la couture. Quant à la longueur de ces mêmes laizes, il est à remarquer qu'elle n'eft pas la même dans chacune. La hauteur de cette

voile, mefurée au milieu, eft plus petite que la longueur de fes côtés; & cette différence dans les gros vaiffeaux eft de trois pieds ou trois pieds fix pouces. C'ett par cette raison que le côté inférieur de cette voile ou fa bordure n'a pas précisément la forme d'une ligne droite dans toute fon étendue. Cette difference de longueur dans les laizes ne commence qu'à celles qui correfpondent au tiers de la bordure de chaque côté du milieu de la voile; & c eft à compter de ces points qu'elle croît avec ménagement à chaque faize fuivante, jutqu'à devenir de trois pieds ou trois pieds fix pouces à chaque angle ou coin de la voile.

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Lorique les laizes qui compofent une voile font toutes coufues les unes aux autres, alors le voilier travaille à tortifier cet affemblage : il fait autour de la voile une espèce d'ourlet, en repliant le bord de la voile fur la voile même. Cet ourlet, qu'il nomme gaine, n'a pas la même largeur dans tout le contour de la voile, & cette largeur a plus d'étendue fur l'envergeure qu'autour du refte de la voile. On verra bientôt fur quoi eft fondée cette différence. Cette gaîne n'eft fixée fur la voile que par un fimple rang de points de couture.

» Le voilier place enfuite fur cette voile, paral lèlement à fa chûte, & auprès de la gaine laterale, une laize entière, qui a la longueur du côté de la voile, & toute la largeur de la toile. Cette laize, qui fert de renfort à la voile fur les côtés, eft coufue par un de fes bords au fond de la voile, & par l'autre bord à la gaîne,

» Parallèlement à l'envergeure, & à une diftance de cette envergeure, égale au quart de la chûte, le voilier coud une bande de toile, qui n'a de largeur que la moitié de celle de la toile, & cette bande prend le nom de bande de ris. Elle eft coufue, ainfi que le premier doublage, fur la face de la voile qui eft destinée à recevoir immédiate ment l'impulfion du vent.

» Le voilier applique auffi auprès de la bordure de la voile, & en fix endroits différens, des mor ceaux de toile, qui portent le nom de renforts, parce que réellement ils fervent à renforcer les parties de la voile qu'ils recouvrent. Chacun de ces renforts a une aune de hauteur, & le double de la largeur de la toile. Ils font distribués à égale diftance le long de la bordure. Ces doublages font deftinés à foutenir la voile contre les efforts des manœuvres qui, attachées aux points de la bor dure correfpondans à ces renforts, font employées à retrouffer & à plier la voile, &c.

L'auteur continue de décrire la construction de la grande voile; il paffe à la defcription des autres voiles du grand mât; puis à chacune de celles des autres mâts d'un vaiffeau de guerre; d'où il defcend aux autres efpèces de bâtimens, pour faire connoître ce que leur voilure a de commun avec celle du premier, & en quoi elle diffère. Enfin, M. Romme termine ainfi fon art méthodique, elair, précis, & très-intereffant,

On voit, dans cet expofé, que la voilure de toute forte de bâtimens reffemble en tout ou en partie à la voilure des vaiffeaux de ligne, qui a été décrite avec toute l'étendue convenable. La reffemblance de ces voiles, dans leur forme & leur deftination pour les mêmes ufages, doit maintenant faire juger qu'elles ne peuvent pas être grées différemment. Ainfi, tout confidéré, la defcription de la voilure d'un vaiffeau de ligne embraffe néceffairement celle de la voilure de tout autre bâtiment, & il n'eft prefque aucune manœuvre employée dans le gréement des petits bàtimens, qui ne faffe partie du gréement d'un vaiffeau de guerre. Je puis donc penfer que je n'ai rien à ajouter pour faire connoître l'art de la voilure en général. J'ai cru avoir choisi le meilleur parti en décrivant d'abord la voilure d'un vaiffeau de guerre, & en faifant connoître enfuite comment les diminutifs de cette voilure, ou des combinaifons variées des différentes parties de cette voilure, font employés pour compofer la voilure particulière de tout autre bâtiment: fi ce plan de travail eft jugé le meilleur de tous ceux qu'on pouvoit imaginer, & s'il eft le plus favorable au développement des objets nombreux qu'il embraffe dans fon étendue, il ne me refte plus à defirer que de l'avoir rempli d'une manière fatisfaifante ».

2°. Fabriques de fougères. De tout tems il s'eft fabriqué des toiles dans la ville de Fougères & fes environs; mais cette fabrique s'eft augmentée à mefure que les armemens pour la côte de Guinée & pour les îles de l'Amérique fe font multipliés dans les ports de Nantes, Saint-Malo & autres.

Voici les diverfes efpèces de toiles qui fe fabriquent à Fougères & environs: celles connues dans le commerce fous le nom de halles, qui vient de celui du lieu où on les vend. La chaîne de ces toiles eft de fil de brin; là trame, de fil de reparon de chanvre. Leur largeur, la plus ordinaire, eft de 37 pouces & demi; il

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Le furplus des toiles fabriquées dans la campagne, s'envoie & fe vend à Dinan, à Saint-Malo ou à Rennes.

La ville de Fougères contient cent quatre-vingtfix métiers, dont les ouvriers s'occupent continuellement de la fabrication des toiles. Il n'en eft pas de même dans les campagnes des environs. Les cultivateurs ne deviennent tifferands que lorfque les travaux des champs font fufpendus; auffi les deux cents métiers difperfés dans ces campagnes, fourniffent à peine le tiers de l'ouvrage de ceux de la ville.

La longueur de ces pièces eft de foixante-huit verges de cinquante pouces; le prix eft d'environ 20 fols; ainfi la valeur de neuf mille trois cents pièces ci-deffus qui donnent fix cent trente-deux mille quatre cents verges, eft de... 632400 liv.

Un bon ouvrier fait une pièce dans la femaine; & il gagne 4 liv. 10 fols & fa nourriture.

Toutes ces toiles fe vendent aux marchands de Fougères & des environs, qui en font des envois par commiffion ou pour leur compte, à Nantes Ï'Orient, Saint Malo, le Havre, Bordeaux &

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s'en fabrique chaque année environ. 3000 pièces. autres ports, d'où on les expédie en Amérique &

Les toiles dites emballages, tirent leur nom de l'ufage qu'on en fait. La chaîne eft de fil de reparon; la trame de fil d'étoupes de chanvre: elles ont 37 pouces & demi de large; il s'en fabrique

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Celles dites imitation de Saint-George, ainfi nommées de la paroiffe de SaintGeorge de Reinfembault, à 4 lieues de Fougères, font de fils de lin écrus. Elles ont auffi 37 pouces & demi de large; il s'en fabrique.

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2000

. 2500 La quantité de celles dites brins communs, en fils de chanvre, & de la même largeur ci-deffus, eft de ...

600 8100 pièces.

aux Indes. Elles y fervent à l'habillement des nègres, à faire des facs, à emballer diverfes marchandifes, & aux ufages domestiques.

Cette fabrique eft la principale ressource des ha bitans de Fougères, en même tems qu'elle procure aux payfans des environs la confommation du produit de leurs terres; elle n'est pas la feule de cette province qui fourniffe de ces toiles; il fe fait des halles & des emballages à Dinan; des emballages dans les environs de Montcontour.

Quoique la fabrique de ces toiles foit bien différente de celle des toiles à voiles, puifqu'elles font auffi légères en fils, & auffi claires que celles-ci font épaiffes & ferrées, on se sert néanmoins des mêmes métiers pour la fabrication des unes & des autres; & ces métiers font conftruits de la même manière que tous ceux qui fervent au tiffage des toiles, & n'ont rien de remarquable.

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