Page images
PDF
EPUB

nifmes, qui appartenoient originairement au tour à bobines, M. Villard les a adoptées au tour à guindre; mais le point effentiel eft que des bobines du premier tour où la foie se dépose, elle eft portée immédiatement au moulin fans paffer par les mains des devideuses. Il eft encore à obferver que M. Villard fait purger la foie fur le tour même. La tourneufe eft chargée de faire enlever, à mesure qu'elles fe préfentent, toutes les défectuofités, & de renouer les fils lorfqu'ils fe caffent ; ce qui s'exécute avec facilité fur ce tour, à caufe de la petitesse & de la convexité des bobines, qui rendent très-apparens tous les défauts que la croifure n'arrête pas. La difficulté d'appercevoir ces défauts fur le tour ordinaire, & celle d'y nouer les fils, ne permet pas d'y purger la foie comme fur le tour à bobines: feulement dans l'intervalle des battues où la tourneufe eft défœuvrée, elle épluche les écheveaux en ôtant avec fes doigts les défectuofités les plus apparentes.

De cette manière de nettoyer la foie, le plus fouvent il réfulte des ruptures de fils, foit de ceux qui font chargés des bouchons ou ordures que la tourneuse en veut retirer, foit des fils qui en font le plus proches.

Il est trop indifférent à ceux qui font tirer la foie pour la vendre grèze, qu'il y ait un grand nombre de fils caffés; ces fils fe cachent dans l'épaiffeur de l'écheveau qui n'en a pas moins d'apparence; c'eft au devidage que ce défaut, & tous ceux qui réfultent de la méthode ordinaire du tirage, fe manifeftent & occafionnent de grands déchets.

Le tour à bobines de M. Villard a encore l'avantage que la tourneufe éprouve moins de fatigues qu'aux tours à guindres, où l'air oppofe une réfiftance confidérable aux ailes du guindre.

coronels fur un moulin, leur fuppreffion ne laiffe pas d'abréger & de faciliter le travail du moulinier; mais un plus grand avantage, c'eft que les fils n'étant point fatigués par les poids & la tenfion qui en refulte, caffent beaucoup moins fur les moulins.

au

La foie tirée au nouveau tour à bobines, est, fortir du moulin de filage ou premier apprêt, remise de fuite à la doubleufe: on épargne par-là les frais du brevage, opération ufitée dans la méthode ordinaire, & qui confifte à expofer les roquelles, chargées de foie tordue au moulin, à ia vapeur d'une leffive compofée d'eau, d'huile & de favon. Son objet eft d'affouplir la foie pour en faciliter le doublage, en empêchant les fils de fe fri fer, de fe tordre enfemble. Quelques perfonnes croient qu'elle nuit quelquefois au brillant de la foie, même après la teinture.

On double la foie de deux manières, à la main, ou à la machine. On fe fert pour doubler à la main de l'inftrument appelé efconladou, que la doubleufe tient fur fes genoux; elle place à la portée deux, trois ou quatre roquelles, felon qu'elle veut doubler à deux, trois ou quatre bouts; elle reçoit les fils entre les doigs de la main gauche ; & de la droite frappant obliquement fur la broche de l'ef couladou, elle lui imprime un mouvement de rotation très-rapide. Les fils doublés font arrêtés fur une bobine enfilée à la broche de l'efcouladou, & s'y dépofent. La doubleufe doit avoir foin de les difperfer convenablement, & d'éviter qu'il fe forme fur la bobine des cercles de foie parallèles. Il faut auffi qu'elle purge la foie des défectuofités qui lui font indiquées par le tact, lorfqu'elle dirige les fils réunis, en les ferrant légèrement.

Le doublage à eau, ou moulin à doubler, eft M. Villard a imaginé de peindre fon tour en d'une conftruction affez compliquée (1). Il y a un noir, pour faciliter à la tourneufe de voir diftinc-grand nombre de bobines mobiles qui reçoivent tement les fils de foie.

la foie doublec; un nombre double, triple, ou Ainfi la foie, deftinée pour organfin, tirée au quadruple qui la fourniffent; beaucoup de roues, tour à bobines de M. Villard, fe trouve toute de- rouets & lanternes pour communiquer le mouve vidée fur des bobines à une aîle, qui font placées ment. La machine eft mue ordinairement par un fur les fufeaux du moulin de filage ou premier courant ou une chûte d'eau; son travail eft furapprêt: cette foie s'y tord fans qu'il foit néceffaire veillé par une ou plufieurs ouvrières : on conçoit d'armer le haut de ces fufeaux de petits inftrumens qu'il ne peut être auffi exact que celui qui fe fait appelés coronels, qui fervent, dans la méthode à la main; il n'eft guère poffible d'y purger la ordinaire, à donner aux fils une tenfion uniforme foie il a encore d'autres inconvéniens. Le dou& fuffifante pour les empêcher de fe frifer par blage à la main n'eft pas non plus fans défaut; il l'effet du tors. L'ufage des coronels fe trouve fup- en eft un fur-tout bien confidérable, celui de la pléé, avec avantage, par la légère adhérence, effet difperfion irrégulière de la foie doublée fur la bonaturel de la gomme dont la foie eft revêtue, que bine, le mouvement de la main de la doublenfe conferve fur les bobines la foie venant du tour de étant toujours inégal fur le moulin, lorsqu'il ar M. Villard. Cette adhérence a encore un avantage, rive qu'un des deux, trois ou quatre fils réunis fe c'est que fi quelques petites défectuofités échap-rompt; avant de fe rompre auffi, les autres conpent à la tournenfe durant l'opération du tirage, elles fe collent aflez fur la bobine pour faire caffer le fil de foie fur le moulin à l'endroit où elles fe trouvent, ce qui contribue à nettoyer parfaitement la foie.

tinuent quelque tems de monter; il en résulte un défaut appelé défilage; c'eft une longueur d'or

On conçoit qu'à raison de la multiplicité des riques & de toutes celles d'ufage dans les travaux des

(1) Pour un plus grand éclairciffement de ces méca foies & foieries, voyez nos planches & les explications. ganfia

ganfin qui n'a pas le nombre de fils qu'il devroit avoir. Si le moulinier l'enlève de deffus le guindre, comme il doit le faire, c'eft autant de foie perdue. Souvent il a beaucoup de peine à retrouver, fur la bobine doublée à la main, l'endroit où les fils rompus doivent fe réunir pour monter enfemble; quelquefois même il n'y parvient qu'après avoir devidé sur sa main un grand nombre de tonrs de foie qui tombe également en déchet.

Dans la vue d'éviter ces inconvéniens, M. Villard a imaginé, pour doubler à la main, un petit rouet auquel il adapte un va-&-vient qui, operant de foi-même une difperfion régulière de la foie fur la bobine, difpenfe la doubleufe d'y veiller. L'effet du va-&-vient étant de faire croiser les fils continuellement les uns fur les autres, fur la bobine qui les reçoit; fi un fil fimple fe rompt, bientôt les autres arrêtés fous lui, fe rompent à leur tour, ce qui évite une partie des défilages. Le même croisement des fils fur la bobine, facilite fingulièrement au moulinier l'appareillement des fils rompus féparément.

Au fortir du moulin de torfe ou fecond apprêt, l'organfin eft achevé.

Les opérations néceffaires pour fabriquer la trame ordinaire, & qui, fuivant la méthode de M. Villard, font le tirage, le doublage & le tord, s'exécutent de la même manière que pour l'organfin; ainfi nous ne nous y arrêterons pas ; mais nous dirons un mot de la qualité de foie que M. Villard appelle mi-organfin, où trame à deux bouts adhérens, fuivant qu'elle reçoit un apprêt plus ou moins fort. Cette foie eft doublée fur le tour à bobines durant le tirage; &, comme elle en fort toute devidée, il ne reffe qu'à la tordre fur le moulin. On voit que la fabrication en eft fort simple; cependant il a été reconnu dans les épreuves publiques faites à Lyon, en 1765, & dont nous avons des verbaux fous les yeux, que cette qualité de foie employée en trame de diverfes efpèces d'étoffes, réuffiffoit trèsbien. M. Villard penfe qu'en lui donnant un ap prêt un peu fort, elle pourroit être employée avec fuccès pour chaîne de petites étoffes ou de rubans; il fonde fon opinion fur ce que l'adhérence des deux fils dont cette espèce de foie eft compofée, & leur parfaite égalité de tension, fuite néceffaire de cette adhérence, donnent à cette foie un nerf & une réfiftance que ne peut avoir la trame ordinaire, dont les deux fils souvent inégalement tendus, leurs efforts n'étant pas communs, ou leur action n'étant pas exercée au même moment, il n'y a pas concours pour leur résistance, qui alors eft néceffairement moindre.

Le tour où la foie fe dépofe fur les bobines, néceffite en quelque forte la continuation du tirage durant l'année entière: dans une manufa&ure confidérable, fi le tirage étoit interrompu, il faudroit un trop grand nombre de bobines pour fournir affez de foie à des moulins qui travailleroient continuellement. D'ailleurs la foie qui refteroit longManufactures & Arts. Tome II. Prem. Partie.

tems fur ces bobines, pourroit s'y deffécher, & durcir au point de mettre obftacle à fon développement. Dans le fyftème indiqué & avec les mécaniques propofées, les opérations doivent aller de front; & il convient que, fortant des tours, ou très-peu après qu'elle en eft fortie, la foie paffe fur les moulins.

Si l'obligation de tirer la foie toute l'année a fes avantages, elle a auffi fes inconvéniens: nous allons expofer les uns & les autres.

1o. En tirant la foie durant l'année entière, le nombre des tours & la grandeur de l'emplacement qu'ils occupent, feront moindres pour une même quantité de foie qu'ils ne doivent l'être fuivant la méthode actuelle, laquelle ne permet le tirage que dans la belle faison.

2°. Les ouvrières, en plus petit nombre, feront plus aifées à choisir & à furveiller, exigeront de moindres falaires à raifon de la continuité du travail, & par cela même deviendront plus habiles.

3°. Les frais du tirage, au lieu d'être déboursés à l'avance par le manufacturier, feront répartis sur toute l'année, ce qui lui fera moins onéreux.

4°. Il aura la facilité de fournir à mesure les qualités de foie qui feront les plus demandées.

Voici les inconvéniens qu'on entrevoit dans cette prolongation du tirage.

1°. La garde des cocons expofera à des risques, ou du moins entraînera des frais par les précautions qu'il faudra prendre pour leur confervation, & pour les garantir des rats & des infectes qui les at:aquent.

[ocr errors]

2o. Pendant l'hiver, pour obtenir une égale quantité d'ouvrage que dans les grands jours, il faudra augmenter le nombre des tours ou travailler à la lumière: l'un & l'autre de ces moyens augmenteront les frais, & il eft douteux qu'en fuivant le dernier, le travail foit auffi bon que de jour.

Dans la méthode du tirage propofé, le feul inconvénient, qui, fuivant MM. les commiffaires de l'académie des fciences, paroiffe mériter qu'on s'y arrête, eft l'augmentation de durée de cette opération, fur laquelle cependant ils n'ont pas cru pouvoir rien déterminer. Nous tâcherons de mettre à portée d'apprécier cette objection, après avoir dit un mot du changement que M. Villard a fait dans la forme des fuseaux des moulins à foie ; changement, quoique fort fimple, qui produit un trèsgrand effet.

Il confifte à fupprimer la panfe ménagée à la tige des fufeaux ordinaires dans l'endroit où ils reçoivent l'impulfion de la fangle ou courroie qui leur imprime le mouvement, & à leur donner une forme cylindrique & un diamètre moindre de moitié que celui de la panfe des fufeaux ordinaires.

De ce changement il réfulte qu'en tems égal & apprêt le même, un moulin fait autant d'ouvrage qu'en font deux moulins garnis de fufeaux à panfe: le fait eft conftaté par le rapport de l'académie déjà cité,

X

On dit que le fieur Gamonet a introduit à Tours l'ufage des fufeaux amincis, & qu'ils y ont été adoptés avec empreffement. Si le fait eft exact, il prouve l'utilité de cette rectification, dont la première idée appartient à M. Villard, puifque les moulins de la manufacture de Salon étoient garnis de fuseaux amincis en 1765, comme le prouve un verbal dreffé à cette époque, par M. de la Tour, intendant de Provence.

Malgré les irrégularités de mouvement des moulins de Piémont, M. Villard en a adopté la forme ronde & le mécanifme, parce que les organfins qui en réfulrent font les plus beaux que l'on con noiffe, & que la chaîne de M. Vaucanfon, adaptée aux moulins d'Aubenas, en ralentit beaucoup le mouvement, ce qui oblige de multiplier les machines & d'augmenter les frais. D'ailleurs, l'ufage de cette chaîne n'eft pas fans difficultés. Sa conftruction eft au-deffus de la portée des ouvriers de province; elle est à la vérité rendue aisée les mapar chines que l'inventeur a fait conftruire à cet effet, mais ces moyens d'expédition font concentrés dans la capitale; & il n'eft pas peu embarraffant ni peu coûteux de s'adreffer à Paris pour l'établiffement & les réparations des moulins fitués dans les provinces méridionales; fans doute il eft curieux d'obtenir un organfin qui, dans des longueurs égales, contient un nombre égal d'hélices; mais il eft utile à l'état & aux particuliers de fabriquer des foieries à des prix modérés qui ne dégoûtent pas les étrangers de ce genre de luxe; toujours & en tout, le bon ufuel fera préférable au parfait en spéculation.

Pour fixer l'opinion fur la préférence à donner à la méthode propofée pour les grandes manufactures, nous allons réfumer les calculs par lesquels fon auteur prétend réfuter l'objection du ralentiffement de l'opération du tirage caufée par les interruptions néceffaires pour purger la foie fur le tour. D'abord & avec raifon, M. Villard obferve qu'un tour de manivelle de fon tour à bobines, embraffe plus de longueur de foie qu'un tour de manivelle du tour à guindre ; il ajoute que l'imparité des tours de croifure fur le premier, évitant beaucoup de fractures des fils de foie, & par conféquent d'interruptions, ces moyens d'accélération compenfent le tems employé à purger la foie. Il va plus loin; & admettant que ce retard', dont il ne convient pas, foit effectivement réel, & même confidérable, il prétend prouver que l'économie qui réfulte de fa méthode laifferoit malgré cela un bénéfice important.

Il fuppofe le travail de fon tour à bobines, comparé à celui du tour à guindre, dans le rapport de onze à treize; c'eft-à-dire, que la journée du tour à guindre produifant treize onces de foie fine, la journée de fon tour à bobines n'en produiroit que

onze onces.

Une livre de foie fine, continue-t-il, tant pour le falaire de la tireuse & de la tourneufe, que pour le bois ou le charbon, coûte quarante fols de ti

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

Si à ces trente-deux fols, on ajoute, 1o. l'épargne d'environ la moitié des frais du moulinage, à raifon de l'accélération du tournement des fu feaux; 2°. celle des frais de brévage; 3°. la plus value des organfins ainfi fabriqués, laquelle conftamment a été d'environ 3 liv. par livre au-defius des organfins ordinaires de pays, il réfultera de l'addition de ces divers articles en faveur des entrepreneurs des manufactures de foie, un bénéfice d'environ 5 liv. par livre d'organfin fabriqué fui vant cette méthode.

Ce bénéfice feroit moins confidérable pour les petits tirages qui fe ferviroient du tour à guindre ainfi perfectionné; cependant, à raifon de leur plus grande perfection, les foies tirées à ce tour fe vene droient plus cher que celles provenant du tour or

[blocks in formation]

bfervé MM. les commiffaires de l'Académie, il exige une chûte où un courant d'eau qu'on n'a pas

toujours.

Au furplus, fans déterminer précisément l'avantage que la méthode propofée procureroit aux entrepreneurs de manufactures, la fuppreffion du devidage & du brevage, l'accélération des apprêts fur les moulins, & la plus value des foies ouvrées fuivant cette méthode, offrent une économie affez confidérable pour ne pouvoir jamais être abforbée par l'augmentation de durée du tirage, en fuppofant celle-ci réelle.

M. Villard évalue fon tour à bobines à 170 liv. ou environ: ce prix paroit haut; mais, à raifon de la continuité du travail pendant toute l'année, un moindre nombre de tours fuffit pour produire une même quantité de foie; dans l'une & l'autre méthode, la dépenfe des tours eft donc à-peu-près la

même.

Réfumons ce que nous venons de dire: il en réfultera la parallèle de ces deux méthodes. M. Vaucanfon, le premier, a réformé le tour ordinaire : il y a ajouté une lunette pour former la croifure, & un engrénage différent de celui des tours à la Piémontoife , pour régler la distribution des écheveaux fur le guindre.

M. Villard a ajouté la précifion qui manquoit à la manière de croifer de M. Vaucanfon: il a donné une proportion plus folide au rouage qui conduit le va-&-vient, & en a diminué la réfiftance. Il a en outre remédié à un défaut qui avoit échappé à M. Vaucanfon, celui de la disjonction des brins de cocons divergens entre la filière & l'eau de la baffine, dans l'intervalle des battues.

M. Vaucanfon, à la manufacture d'Aubenas, a perfectionné le devidage à la machine.

M. Villard a fupprimé cette opération, au moyen de fon tour à bobines, dont l'ufage rend le brevage également inutile: il a perfectionné le doublage à la main, & il y a adapté un va-&-vient.

M. Vaucanfon s'eft appliqué à donner aux apprêts des foies une précision rigoureufe; il y eft parvenu, mais par des moyens compliqués & difpendieux.

M. Villard, à l'exemple des Piémontois, a facrifié cette extrême précifion à une plus grande expédition dans le travail : il a préféré l'intérêt des entrepreneurs de manufactures aux louanges des mécaniciens. Au refte, rien n'empêche à des chefs d'établiffemens, jaloux d'arriver au plus haut point de perfection, fi l'économie des uns peut compenfer la dépenfe des autres, d'adopter les tours à bobines de M. Villard, & les moulins à chaîne de M. Vaucanfon; fans doute cette réunion produira des organfins parfaits.

Une expérience en grand de plufieurs années à Aubenas en Vivarais, & à Salon en Provence, a dû mettre fuffisamment à même d'apprécier l'une & l'autre méthode.

Depuis peu M. Villard a fait conftruire à Paris, pour le tirage des foies, le modèle d'un fourneau économique, qu'il doit joindre à ceux de fes autres inventions. Suivant lui, ce fourneau confomme moins de moitié de matière combuftible que n'en confomme un fourneau ordinaire. Ce fourneau de nouvelle invention peut s'appliquer à d'autres ufages, comme à faire éclore la graine de vers-à-foie, à échauffer les magnagnières, &c. Si ces avantages font confirmés par l'expérience, ils ajouteront à l'utilité des inventions du même auteur pour la fabrication des foies, & ils augmenteront le defir qu'on doit avoir pour l'intérêt public, & celui des entrepreneurs de manufactures & de tirage de foie, que ces inventions fe répandent promptement dans le royaume. Pénétré des avantages qui en réfulteroient pour la nation en l'affranchiffant d'une partie du tribut qu'elle paie aux Piémontois pour l'achat de leurs beaux organfins, M. Villard avoit donné plus d'étendue à fes vues: il avoit imaginé qu'il feroit poffible de conferver dans le royaume tout le bénéfice de la main-d'oeuvre néceffaire pour la fabrication des foies qui s'y confomment, en tirant de pays éloignés & négligés des cocons en

nature.

D'après cette idée, il fit, en 1765, des effais qui promettoient beaucoup, mais dont les fuites ne furent pas heureufes : difons pourquoi & comment; car le mal comme le bien, les pertes comme les fuccès, tout fert à inftruire : l'année d'après celle de fes premiers effais, il donna en Morée des commiffions confidérables de cocons; mais ces commiffiorfs furent fi mal remplies; le choix des cocons fut fi mal fait; ils fe trouvèrent d'une fi mauvaise qualité, que la perte fut prefque égale aux frais de l'entreprife: cependant, l'année fuivante, il envoya à Corron un homme inftruit, dont il efpéroit beaucoup, mais il n'en fut pas mieux fervi; le feul fruit qu'il retira de toutes fes tentatives, fut d'être inftruit de la négligence des correfpondans chargés des achats & de l'expédition des cocons, & de la friponnerie des agens Grecs ou Juifs qu'ils emploient.

A l'exemple de M. Villard, quelques fpéculateurs de Marfeille firent veuir auffi des cocons de diverses contrées du Levant; mais en 1768, il intervint un arrêt du confeil qui, fur un motif de crainte de la communication de la pefte, malgré la quarantaine à laquelle les cocons, ainfi que les laines, & toutes les marchandifes du Levant, étoient affujétis, en défendit l'importation. Vraisemblablement l'intérêt particulier furprit cette prohibition, en excitant des allarmes bien propres à la vérité, fi elles euffent été fondées, à éveiller l'attention de l'adminiftration. Des poffeffeurs de plantations confidérables de mûriers auroient vu avec peine s'établir un commerce, qui, en procurant une plus grande abondance de cocons dans le royaume, auroit diminué le revenu de ces plantations.

Quoi qu'il en foit, cette nouvelle branche de

commerce fut anéantie dès fa naiffance; par le [ jet, la réduction de trente-fix pédales & plus, à une gouvernement qui en auroit recueilli le fruit.

Il me reste à parler d'une invention, que j'ignorois également, lorfque j'ai entrepris ce grand tra vail, fur laquelle neanmoins je m'étendrai peu; premièrement, parce qu'elle a été publiée; fecon dement, parce que je n'ofe pas me flatter de l'entendre affez bien, pour en rendre les détails plus intelligibles que ne l'a fait fon auteur. Je m'en tiendrai donc à annoncer cette invention; & pour le faire avec le plus d'utilité que j'imagine, & à la plus grande fatisfaction de fon auteur même, le fieur Rivey, je tranfcrirai le titre qu'il a mis au bas de la grande gravure, dont il m'a fait remettre un exemplaire, & qui repréfente un métier vu de face & de profil, fes acceffoires, & tous les détails qui en dépendent, avec des lettres de renvoi pour leurs explications.

» Nouveau métier pour toutes les étoffes en foie, brochées & autres, dédié & présenté au Roi en 1783, par fon très - refpectueux & fidèle fujet, Claude Rivey, mécanicien & fourniffeur de la garde-robbe de S. M. & de L. A. R. Monfieur & de Monfeigneur le comte d'Artois.

» Ce métier réunit deux objets principaux : le premier objet, la fuppreffion des tireurs de cordes aux étoffes brochées & façonnées, ce qui évite à l'ouvrier le befoin d'un aide, des pertes de tems confidérables, & rend à l'agriculture des fujets qui perdroient leur fanté dans cet état : deuxième ob

feule; ce qui évite les défectuofités aux étoffes, & les incommodités aux ouvriers. Les acceffoires font, 1°. le décrochement, au lieu de dénouement des cordes de l'étoffe : 2o. le débouclage des famples & rames, pour le prompt changement de deffin: 3°. un caffin pour les varier à l'infini: 4. des rouleaux de verre, pour éviter aux cordes de tomber entre les poulies du caffin: 5°. un guide, pour indiquer à l'ouvrier les nuances dont il doit brocher fes fleurs: 6°. la folidité des métiers, fans ponteaux nì étaies, ce qui ne dégrade aucunement les maifons, comme ci-devant, & donne plus de brillant & de carte aux étoffes.

» Toutes ces découvertes importantes au commerce & à l'humanité, d'après le defir du gouver nement, ont été examinées par MM. les intendants du commerce, par l'académie royale des Sciences, MM. de la fociété libre d'Emulation, & le corps des fabricans de Paris, en 1779; & en 1781, pår MM. les prévôt des marchands, èchevins, fyndics du commerce, maîtres-gardes, fabricants & paffementiers à Lyon, ainfi que par l'académie, & la chambre du commerce de la même ville, qui les ont également examinés & approuvés.

Na. Ce métier, combiné, pour les étoffes les plus riches, fournit des objets de détails par lefquels chaque genre de métier pourra, felon fon befoin, recevoir des améliorations confidérables à peu de frais, foit pour le petit façonné, rubans, galons, & autres.

« PreviousContinue »