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L'on demande excufe de cette digreffion, c'eft une effervefcence de zèle pour la gloire du pavillon François.

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Le père de Duquefne étoit trop grand marin, pour ne pas concevoir les plus grandes efpérances des progrès de fon fils aîné, foit dans le pilotage, foit dans la pratique de la manoeuvre & du fang-froid avec lequel il s'étoit comporté bravement fous fes ordres, à l'attaque de l'ifle de Sainte-Marguerite & à la défaite des vaiffeaux Espagnols, à la hauteur de. Gattari. Ce vieil capitaine quitta la mer dès qu'il eut mis fes trois fils en état de commander; & nous avons vu que ce ne fut qu'à Finftigation de fes concitoyens, qu'il confentit de commander une des deux efcadres qui donnèrent à Louis XIV, le fpectacle d'un combat naval, quand ce Prince, dans fa jeuneffe, vint à Dieppe.

Le père de Duquefne, qui connoiffoit le mérite & la fupériorité des talents de fon fils aîné pour la marine, defiroit, pour lui, les occafions & les moyens de les faire valoir: mais il étoit Calvinifte, & le Cardinal de Richelieu ne refpiroit que l'anéantiffement de cette religion, & ne confioit que,

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moins poffible, des commandements à ceux qui la profeffoient. Le père comprit combien cet obftacle étoit nuifible à fon fils: il l'engagea donc à paffer au fervice de la Suède, alors en guerre avec le Danemarck,

Le fils Duquesne, porteur de lettres de recommandation, arriva à Stockholm, dans le mois de Mai 1633. Il y fut bien accueilli par la jeune Reine Chrif tine, qui l'honora peu après, du titre de capitaine-major de les armées navales. Duquelne juftifia l'honneur que lui faifoit le choix de cette Princeffe, par l'intelligence & la bravoure avec lefquelles il le comporta en toutes rencontres, & fur-tout dans le combat où les Suédois détruifirent la Flotte Danoife.

Ayant donné la paix à fes ennemis vaincus, la Reine de Suède accorda au fils Duquefne, la permiffion de revenir en fa patrie: mais cette Princeffe, pour récompenfer les fervices qu'il lui avoit rendus, fit armer deux vaiffeaux de quarante canons, dont elle lui donna, le commandement, ainfi que la commiffion honorable de les préfenter au jeune Roi de France, à qui elle en faifoit préfent.

Deftiné par la Providence, pous faire l'honneur du pavillon François, le fils Duquefne arriva dans Dieppe, ainfi que nous l'avons dit, dans le temps où Louis XIV s'y trouvoit. Il préfenta à ce jeune Prince, & les deux vaiffeaux & la lettre de la Reine de Suède, qui prioit notre Monarque de reconnoître, pour elle, les fervices importants que ce jeune capitaine lui avoit rendus. Notre jeune Roi, qui dès-lors fe piquoit des procédés les plus nobles, accorda au fils Duquesne, un brevet de chef d'efcadre.

Ce jeune officier fut employé, à la fin même de cette année, à l'expédition de Naples. Le Duc de Guife y foutenoit fa fortune par la feule bravoure. Duquefne y commanda notre petite flotte, fous les ordres de M. le Duc de Richelieu, général des galères, & battit celle des Efpagnols.

En 1650, le Cardinal Mazarin donna ordre à Duquesne, d'affembler le plus grand nombre de vaiffeaux qu'il pourroit trouver dans les ports de l'Océan, pour fe rendre maître de l'embouchure de la Garonne. Duquesne fe trouva très-embarraffé. Le Cardinal Mazarin avoit entièrement négligé l'entretien

du peu de vaiffeaux pour la marine royale, que le Cardinal de Richelieu avoit fait conftruire. Ce chef d'efcadre n'en trouva que quatre en état de fervir & de tenir la mer. Il engagea les négociants de fon pays, à en faire armer dix des leurs. Ceux-ci furent charmés de trouver cette occafion de marquer leur zèle à leur jeune Roi, & l'eftime qu'ils avoient pour Duqueine, leur compatriote. Ce chef d'efcadre fortit de Dieppe, à la tête de ces quatorze vaiffeaux, & le rendit à l'embouchure de la Garonne, où il trouva les vaiffeaux Efpagnols & Bordelois, qui en gardoient l entrée. Notre habile marin faifit le deffus du vent, & malgré quelques bordées de canon, qu'il rendit, il parvint, par l'habileté de fa manœuvre, à entrer dans la Garonne, dont il ferma l'entrée, à son tour, aux vaifleaux ennemis. Par ce coup de maître, Duquefne facilita la prife de l'ifle Saint Georges, ainfi que la prife de Bor

deaux.

Nous ennuierions nos lecteurs, fi, pour la plus grande gloire de notre compatriote, nous le fuivions, pas-àpas, dans toutes fes expéditions, qui

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lui méritèrent le brevet de Lieutenant

général des armées navales.

une

Grand dans toutes les vues, & fecondé du génie de Colbert, Louis XIV, avoit créé en peu de temps, Marine Royale refpe&table. Meffine, révoltée contre les Efpagnols, implora: la protection de ce Monarque. Sur la prière des habitants de cette ville bloquée par n.er, ce Prince envoya à leur fecours, une flotte commandée par M. le Duc de Vivone: mais Duquefne en faifoit la principale force; il attaqua l'armée navale d'Efpagne, la battit le 9 Fèvrier 1675, & M. le Duc de Vivone entra victorieux dans le port de Meffine.

Les Espagnols vaincus, afin de pouvoir domter les rebelles de cette ville, déposèrent leur orgueil, & franchirent la honte de recourir à d'autres rebelles, mais plus heureux. Fiers de voir leurs anciens maîtres mendier leur fecours, les Hollandois envoyèrent, dans la Méditerranée, trente vaiffeaux deligne, commandés par le fameux Ruyter. Ce grand homme de mer n'avoit pas appris l'habileté & les grandes actions de Duquesne, fans envie de fe mesurer avec lui; & ce dernier brûloit du defir

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