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de la falaise où il étoit affis, & où débouchoit dans la mer, la rivière de Va

renne.

Cette embouchure fe trouvant fouvent encombrée par les galets, que les vents avec le flux & reflux de la mer y amaffent, la néceffité de la vuider infpira l'induftrie: on imagina de pofer une digue ou barre, qu'on fermoit & qu'on ouvroit à volonté. Les eaux ainfi retenues étant lâchées, repontfoient & écartoient, par leur impétuofité, les galets & tout ce qui empêchoit les barques d'entrer ou fortir librement. Delà le nom de la Barre donné au fauxbourg où elle étoit placée.

Il en

eft des villes comme des hommes; elles font petites au berceau. Les huttes de ces pauvres pêcheurs, furent comme les premiers éléments de notre ville. Les malheurs de la France ne tardèrent pas à développer un germe qui promettoit fi peu. Dès le règne du petit-fils, les craintes de l'aïeul fe réalisèrent. Les Normands profitèrent de la négligence de notre marine, & des établiffements de sûreté : ils vinrent, fous Charles-le-Chauve, infefter de nouveau, les côtes de Neuftrie. Rien ne leur réfifta, pas même le Fort de Ber

theville. Le pays leur plut; plufieurs s'y fixèrent. Ceux-ci s'humanisèrent avec les pêcheurs qu'ils y trouvèrent établis, & qui devinrent leurs compagnons. Tous également brigands, ils pilloient indifféremment les Anglois, les François & autres qu'ils pouvoient dépouiller, & rapportoient, avec fidélité, le fruit de leur piraterie à une maffe commune, qui étoit enfuite dif tribuée entr'eux, avec impartialité; tant it eft vrai que l'homme, même coupable des plus grandes injuftices, ne peut fe foufiraire toujours à l'empire de l'é. quité, & que les excès de la déprava tion n'effacent jamais entièrement les principes de la vertu gravés dans fon

cœur.

La violence & l'ufurpation ne refpectent aucun titre : les nouveaux venus fubftituèrent au nom de Bertheville, celui de Dyppe, dont on a fait depuis Dieppe, qui fignifioit dans leur langue, bon mouillage.

Le brave Rollon une fois reconnu, par le traité de Saint-Clair-fur-Epte, pour le Souverain de toute la Neuftrie, fentit les avantages du pays dont il étoit le maître; il fit de Dieppe fon principal port, & ce fut delà, qu'en

912.

912. 913, il envoya en Angleterre, des secours aux Danois fes compatriotes, qui tentèrent en vain la conquête de cette Ifle.

Notre Ville naiffante s'augmentoit tous les jours, & le nombre de fes habitants croiffoit fenfiblement. Se trouvant encore trop éloignés du rivage de la mer, dont ils étoient en quelque forte les enfants, ils quittèrent les bords de la rivière, où ils s'étoient d'abord arrêtés, pour s'étendre entre les deux. falaifes qui forment la baie; &, dès 930, 930. ils s'établirent pour toujours, fur l'al luvion, toute compofée de galets, où la Ville eft encore affife aujourd'hui. Ils ne s'affujettirent à aucun Seigneur particulier leur terrein ne relevoit que du Prince; & la dépendance féodale qu'ils ne connoiffoient point, ne les a diftraits en aucun temps, ni de la fidélité dûe au Souverain, ni de la marine, à laquelle ils fe livrèrent uniquement.

Les grands fuccès éveillent la jaloufie & avertiffent la prudence de fe mettre en garde. Les Dieppois comprirent que leur profpérité leur attireroit des ennemis pour prévenir toute infulte, ils fe renfermèrent dans l'enceinte d'une forte paliffade & d'un large foffé. A

peine avoient-ils achevé ces ouvrages, que Lothaire, fils de Louis d'Outremer, envia cette bicoque, & voulut l'enlever au jeune Duc de Normandie. Il en forma le fiége; mais cette place, qui devoit être l'exemple de la fidélité, ne voulut point le reconnoître, comme l'avoient fait les autres villes de la province : elle lui oppofa une réfiftance à laquelle il ne s'attendoit pas; & elle fit une défenfe fi vigoureufe, que ce Prince prévit qu'il ne pourroit, fans ruiner fon armée à pure perte, continuer d'attaquer des hommes réfolus de mourir plutôt que de fe rendre ; & il fe retira, pour porter ailleurs fes armes.

930.

956.

CONSOLIDATION de l'Etabliffement, & conftruction d'une Eglife paroiffiale.

L'ÉTABLISSEME

'ÉTABLISSEMENT des Normands dans la Neuftrie, en avoit augmenté la population; il y falloit par conféquent plus de vivres qu'auparavant. Les moines avoient déjà commencé à défricher quelques portions de la forêt d'Arela

956. num. Les moiffons abondanres que pro

duifoient ces terreins neufs, avertirent les Normands de l'avantage qu'ils pouvoient fe promettre d'un pareil travail, & ils s'y livrerent.

Toute nation conquérante, qui n'a pas de loix pofitives, adepte toujours celles du pays conquis. Les Normands ne connoiffoient que le gouvernement militaire, le commandement des chefs, l'obéiffance des foldats: auffi les loix féodales furent-elles de leur goût. Chaque Officier Normand, établi & fixé dans les environs de cette vafte forêt , y fit défricher une étendue de terrein proportionné au nombre de fa troupe & de fes facultés: il s'en réferva la quantité qu'il jugea à propos, & en inféoda le refte à les gens. C'eft ainfi que la forêt d'Arelanum a été peu-àpeu défrichée en la plus grande partie, & s'eft trouvé changée en une des belles & fertiles campagnes de la province, qui fe nomme le Pays de Caux.

Dieppe, de fon côté, prenoit une confiftance d'ordre & de police, qui est le fruit ordinaire de toute affociation. La dureté des mœurs des premiers habitants difparoiffoit, & leurs enfants prenoient infenfiblement les mœurs

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