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1202. lippe, & enleva Arthur, qu'il fit conduire à Falaife, & de cette ville à Rouen, où il fit mourir ce jeune & dangereux concurrent.

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Une action fi lâche excita l'indignation de toute la France. Philippe profita de ces premières impreffions pour citer Jean à la Cour des Pairs, afin d'y rendre compte d'un crime fi atroce: ce Roi n'ofa y paroître, & fut condamné par Arrêt de 1202. Tous les domaines en France furent confifqués & déclarés réunis à la couronne, dont ils étoient mouvants. En exécution de ce jugement, Philippe-Augufte fe mit en poffeffion de la Normandie, qui avoit été érigée en principauté particulière en faveur de Rollon, trois-cents ans auparavant.

Les habitants de Dieppe prirent pour les Rois de France, les fentiments d'amour & de fidélité qu'ils avoient précédemment eus pour les Ducs de Normandie. La population de cette Ville augmentoit en raifon des' produits de fa navigation & de fon contmerce. En 1250, l'Eglife de Saint Remi 1250 ne fuffifoit déjà plus pour contenir la moitié des citoyens: il fallut donc conftruire une feconde paroiffe; on choifit

pour fon emplacement, le terrein adja- 1250. cent à l'ancienne chapelle de fainte Catherine, dont il ne reftoit plus que les débris. Cette nouvelle Eglife fat mise fous l'invocation de faint Jacques & de fainte Catherine. L'on peut juger par la grandeur & la magnificence de cet édifice, du nombre des habitants qui exiftoient dès-lors dans Dieppe, & de l'aifance dont ils jouiffoient.

La collation de cette Eglife fut accordée aux Bénédictins de fainte Catherine-lès-Rouen, foit comme curés primitifs de l'ancienne chapelle de fainte. Catherine, dont nous avons ci-deffus parlé, & de la paroiffe de Saint Remi exiftante, dont la nouvelle Eglife de Saint Jacques faifoit une divifion; foit comme Seigneurs du fief de Caudecôte, qui a quelques extenfions dans Dieppe.

Nous avons dit que la rivière de Varenne couloit dans la prairie le long & au-deffous du chemin de Dieppe à. Arques, & qu'elle débouchoit dans la mer à quelque diftance au-deffous de la falaife fur laquelle le Château eft fitué cette embouchure, formoit le. premier port de Dieppe, dit le port d'Queft.

1250.

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Les habitants, du côté du château, fe trouvoient coupés & féparés des autres par ce canal. On avoit, depuis: quelque temps, pratiqué un fecond. port à l'endroit oppofé, où débouchent les rivières d'Yaulne & de Béthune, & ce fecond port avoit été nommé le port d'Eft. Ces citoyens comprirent que ces deux ports féparés étoient moins profonds que ne le feroit un feul, qui réuniroit les eaux des trois rivières : le projet en fut exécuté; on fit la jonc254 tion de celle de la Varenne aux deux autres, un peu au-deffous d'Arques. L'ancien canal du port d'Oueft fut comblé, &, par ce changement, les rues & les maifons de la Ville furent contiguës, depuis la porte de la Barre jufqu'au port d'Eft, qui exifte aujour

d'hui.

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Pendant le refte du treizième fiècle, Dieppe étendit fa navigation & fon commerce. A la vérité, les guerres avec l'Angleterre nous privoient, pendant leur durée, de faire des échange's avec ceux de cette nation; mais, comme il n'y avoit alors ni marine royale, ni armements en guerre entre particuliers, nous nous dédommagions de ce vuide, en portant, fans obftacle, nos

poiffons falés, notre fel en maffe, & d'autres denrées de France, dans les Pays-Bas, en Ecoffe, en Espagne & fur les Côtes Françoifes.

En 1304, nous vîmes arriver dans notre port, Jean de Bailleul : nous primes la part que nous devions à la 1304. difgrace de ce compatriote. Bailleul, culbuté du trône d'Ecoffe, où l'ambition ni la fortune n'euffent pas dû le faire monter, fe retira dans fa terre de Bailleul, village fitué dans la vallée d'Yaulne, à cinq lieues de Dieppe. Le malheur le rendit fage: il comprit, quoique tard, qu'un Seigneur particulier, fans ambition, étoit plus heureux dans fa terre, que ne l'étoit un roi non foutenu fur fon trône par fes vertus & par l'amour de fes fujets. On voit encore la tombe de ce Roi malheureux dans l'églife de ce village; on y lit fa fortune & fon malheur, tracés en lettres gothiques.

Edouard III, Roi d'Angleterre, 1328. réclama la couronne de France au droit d'Ifabelle de France fa mère, fille de Philippe-le-Bel, &, en cette qualité, fœur de Louis X, de Philippe-le-Long & de Charles-le- Bel. De fon côté, Philippe de Valois fit valoir fes droits

1328. fur cette couronne, comme petit-fils de Philippe-le-Hardi, père de Philippele-Bel. A la vérité, Philippe de Valois étoit moins près parent des derniers Rois; mais la Loi Salique lui donnoit le trône, parce qu'il defcendoit de mâle en måle ; & qu'Edouard ne le prétendoit qu'au droit d'une fille de France: auffi le jugement des Pairs & de la nation fut-il favorable à Philippe. Ces deux Princes fe préparoient de part & d'autre à la guerre, lorfqu'un 1336. bâteau pêcheur de Dieppe, revenant de la pêche du hareng, fut affailli par la tempête, & contraint d'échouer fur la côte d'Angleterre, à peu de distance de Douvres. Les matelots pour alléger & fauver leur bâteau, déchargèrent à terre les barils de hareng falé qu'ils apportoient à Dieppe. Les Anglois les favorisèrent & les aidèrent dans leur travail. Nos gens, qui attribuoient ce fecours à un motif d'humanité, furent bientôt détrompés; car le calme étant rendu, & s'étant mis à rembarquer leurs barils de hareng, ils furent fürpris de voir les Anglois leur en enlever près de la moitié, fous le prétexte que, fans leur aide, ils n'en euffent pas fauvé davantage qu'ils ne leur en laiffoient.

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