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ni les bourgeois n'étoient point athées, 1560. que par conféquent ils ne pouvoient ni ne devoient point vivre fans faire aucun exercice de religion.

Une pareille réponse devoit être fuivie de la punition la plus févère; & pour l'infliger, le Roi ordonna à M. de Briffac de marcher vers Dieppe avec cinq à fix compagnies d'hommes d'armes; mais la nouvelle que Sa Majefté reçut le lendemain, d'un remuement des Calviniftes dans les provinces méridionales, l'obligea de dépêcher un contr'ordre à M. de Briffac, afin qu'il s'y transportât avec fa troupe. Cependant, pour obvier à ce contre-temps, le Roi fit partir pour Dieppe, le Maréchal de la Viéville & le Duc de Bouillon, fecondés de trois-cents Arquebufiers. Le fieur des Forts craignant les fuites d'une rebellion à main- armée, fe retira du Château. Le Maréchal de la Viéville étant entré dans cette ville fit démolir la maifon où l'on avoit fait le prêche, & menaça les Calviniftes d'en faire autant des fortifications, s'ils continuoient l'exercice pu blic de leur religion:

Avant de quitter Dieppe, le Maré-chal de la Viéville y inftalla pour

G

1569. Capitaine-Commandant, à la place de des Forts, le fieur de Ricarville, gentilhomme Catholique des environs. Mais la punition, les menaces & la nomination d'un Commandant Catholique n'étoient pas fuffifants pour remédier ni même arrêter les progrès du mal; & le Maréchal dût lui-même s'en appercevoir; car pendant le temps de fon féjour, un jeune citoyen eut l'indifcrétion de brifer la ftatue d'un Saint placée dans l'Eglife de Saint Jacques. Ce fanatique fut pris fur le fait, & conduit au Préfidial de Caudebec, qui le condamna à mort; & deux autres Proteftants furent exécutés dans la place du marché, pour avoir profané les vafes facrés de l'Eglife d'Eftran. Loin que la punition de leurs affociés firent impreffion fur les autres Calviniftes, ces derniers les préconisèrent comme des Martyrs de la vérité comme fi la fauffe gloire du crime en fan&ifioit la punition. A peine le Maréchal de la Viéville & le Duc de Bouillon furent-ils fortis des murailles de Dieppe, que les Proteftants recommencèrent leurs prêches & les exercices publics de leur religion comme auparavant,

SUITE du Calvinisme dans Dieppe & feconde tentative de l'Etabliffement d'une Colonie dans la Floride, fous Charles IX.

FRAN

RANÇOISII avoit donné, avant
l'adminiftration du royaume

fa mort,

à la Reine Catherine de Médicis fa mère, pour le temps de la minorité de Charles IX. Cette Reine accompagnée de l'Amiral de Coligny, vint à Dieppe. Sa Majefté, à la prière de ce Seigneur Calvinifte , reçut en grace le fieur des Forts, qui fut remis à fa place, à la grande fatisfaction des Calvinistes tandis que le peu de Catholiques qui reftoient dans cette ville, gémiffoient du départ du fieur de Ricarville. Cette: foibleffe du Gouvernement occafionna encore la défection de plufieurs Catholiques, qui furent piqués du peu de confidération de la Reine pour le maintien de la Religion dans Dieppe.

Les Miniftres de la Province avoient défigné cette ville pour y tenir un Synode; ils y arrivèrent le 12 Mai

1560.

1561.1561. Les Calviniftes méritoient cette préférence de lieu, puifqu'ils avoient les premiers ofé faire des exercices publics de leur Religion. Il fut arrêté dans ce Synode, que, quoique la liberté de confcience ne fût pas encore admife par le Prince, néanmoins, vu que plus des trois quarts des habitants avoient eu le bonheur d'embrasfer la réforme, le Synode ne trouvoit nulle difficulté à ce qu'on fit dans Dieppe, publiquement les exercices de Religion.

A peine le Synode leur eut-il donné la liberté, que ces Calviniftes, qui avant, regardoient l'intolérance comme injufte & contraire aux loix divines & humaines, l'exercèrent à leur tour contre le petit nombre de Catholiques qui reftoient dans Dieppe; ils ne leur permirent plus de fortir de leurs Eglifes pour faire dans la ville, les proceffions d'ufage, ni de s'affembler avant le lever ou après le coucher du foleil..

L'hiftoire & l'expérience journalière nous prouvent qu'en chofes fpirituelles comme en temporelles, ce font les plus forts qui tyrannifent les plus foibles. Pour le triomphe de notre Religion, il n'y a eu qu'elle qui ait fait

une exception à cet ordre des chofes : auffi la foumiffion & la patience de nos Martyrs, dans les premiers fiècles de P'Eglife & les lieux mêmes où les Catholiques étoient les plus nombreux & les plus forts, font-ils une des preuves de fa vérité pour ceux qui y réfléchiffent..

Le Miniftre Saint-Paul s'absenta de Dieppe, afin d'affifter au Colloque de Poiffy, où les deux partis s'attribuèrent l'honneur du triomphe. Les hommes font trop imparfaits pour efpérer aucun bien des controverfes ; leur efprit prévenu, leurs paffions, leur amourpropre, leur refpect humain leur feront toujours méconnoître la vérité ; & on voit clairement qu'il n'y avoir qu'un Dieu qui pût voir la néceffité de donner à fon Eglife, une autorité infaillible. Sans ce fecours divin, combien d'héréfies qu'elle a rejetées de fon fein, exifteroient encore, & lui difputeroient la vérité de fon titre

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Le 22 Septembre de cette année un Cordelier nommé Plumetot, fe gliffa fecrètement dans Dieppe, pour fortifier dans leur religion, le peu de bourgeois qui lui étoient reftés fidèles. Les Proteftants ne furent pas long

y

156.

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