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Ce mariage & votre abfence firent beaucoup de bruit : mais perfonne ne pénétra la vérité. Les deux époux vivoient au dehors en allez bonne intelligence. Tout le monde attribuoit la retraite de Rofélie au plaifir qu'elle avoit de vivre suprès de fon mari. Seule confidente de fes peines, je la voyois fans ceffe baignée de larmes. C'est en vain qu'elle vou. lut quelquefois s'informer de ce que vous étiez devenu : un voile impénétrable avoir couvert ce tiffu d'horreurs.

Cependant Madame de D. ne favoit comment expliquer la douleur de fa fille; elle la preffa fi fort de lui ent découvrir la caufe, que celle-ci ne put s'empêcher de le faire. Cette bonne mère fut fi touchée de ce malheur, qu'elle en mourut peu de jours après. Enfin le terme de la groffeffe de Rofélie étant venu, elle mit au monde une fille, qui fut nommée Agathe; ce fruit de vos amours femblat la rappeler à la vie. Toujours occupée de vous, elle retrouvoit vos traits dans ceux de fa fille mais les careffes qu'elle lui prodiguoit étoient autant de coups de poignard pour votre frère. Il n'avoit pas été infenfible aux charmes de fa femme, & foit pour ne plus voit un objet qui lui

étoit odieux, soit qu'il espérât qu'éloignée de fa fille, Rofélie perdroit peu-àpeu le fouvenir du père & fe rendroit enfin à ses defirs; il fe réfolut à lui ôter la feule confolation qui lui restoit. Rofélie me remit fa fille & une fomme confi dérable, avec laquelle je l'ai élevée dans eette Terre, qui eft le lieu de ma naiffance. Quelque temps auparavant, votre père étoit mort, accablé des mauvais procédés de fon fils : je ne doute pas que dans les derniers momens de fa vie, il n'ait fait tout ce qu'il a pu pour vous rappeler; mais votre frère, qui l'obséda jufqu'à fon dernier foupir; empêcha fans doute l'effet de fes bonnes intentions.

Rofélie, qui étoit obfervée avec le plus grand foin, trouva le moyen de me faire dire que toujours réfolue à ne point céder aux defirs de fon mari, mais tyrannisée par ce maître brutal, elle étoit obligée de vendre tous fes biens & de le fuivre. Elle m'alluroit que j'aurois de fes nouvelles en quelque lieu qu'il la conduisît. Cependant on n'a pas entendu parler de l'un ni de l'autre depuis leur départ; & j'avois moimême confervé fi peu de liaisons dans la Ville que nous habitions, que je n'ai appris vos recherches que lorfque je ne pou vois plus en profiter.

Célicour ne put s'empècher d'être frappé de ce long filence, & de craindre que la mort n'eût enlevé fa chère Rofélie; mais l'arrivée d'Agathe, que le Chevalier avoit fait prier de venir au Château, fuspendit fes inquiétudes, Il vola dans fes bras avec les tranfports d'un père qui voit fa fille pour la première fois, Elle y répondit par les démonftrations de la joie la plus vive. Au milieu de ces tendres carelles, Celi courne fongeoir qu'à affurer tout fon bien à fa fille, en lui donnant au plutôt pour époux le Chevalier, qu'elle aimoit véritablement, lorsqu'on vint annoncer à cer lui-ci qu'une Dame, vouloit lui parler en particulier. Un mouvement involontaire fit palpiter le cœur de Célicour & de fa fille. Quel fut leur étonnement, lorfque le Chevalier étant rentré quelques inftans après, donnant la main à une femme Célicour la reconnut pour fa chète Roféfon cœur l'avoit devinée avant de la voir, I fe précipite vers elle: mais le plaifir de revoir fon amant & fa fille après une fi longue abfence, étoit trop violent pour un cœur comme celui de Rofélie, elle tombe évanouie dans un fauteuil : Agathe & Célicour à fes pieds, le Chevalier & la femme de chambre s'empreffant

lie;

autour

autour d'elle, offroient le tableau touchant & varié de l'amour le plus vif, du refpect le plus tendre, de la fidélité la plus éprouvée, de l'amitié la plus compatillante. Enfin elle reprend fes fens; on l'inftruit de ce qui s'eft pallé pendant fon abfence, & du mariage dont elle vient augmenter la joie, De fon côté, elle leur apprend que fon mari, après l'avoir tyrannifée pendant fi long-temps fans pouvoir triompher de fa réfolution, eft mort en Italie où il s'étoit retiré; qu'alors libre pour la première fois, elle venoit, avec les débris de fa fortune, chercher fa fille, efpérant même y favoir quelque nouvelle du père. Rien ne manqueroit au bonheur de ces quatre perfonnes, fi Célicour pouvoit remplir fes premiers engagemens avec Rofélie; mais la publicité du mariage de fon frère, la naillance d'Agathe, la difficulté de prouver des faits enfevelis dans le profond fecret, tout s'oppofe à leur union. Auffi ces deux amans ont-ils renoncé à cet efpoir, & réfolus de vivre enfemble comme un frère & une fœur, ils ne forment qu'une même famille avec Agathe & le Chevalier,

Par M. R***.

C

VERS pour mettre au bas du Portrait de M. Rigoley de Juvigny, Confeiller Honoraire au Parlement de Metz.

DE

E nos anciens Auteurs il ranima la cendre, Et rappela leur nom à la Poftérité:

Par les favans écrits il a droit de prétendre
Á jouir, avec eux, de l'immortalité.

Par M. Dareau, de la Société littéraire
de Clermont-Ferrand.

LE VER LUISANT & LE ROSSIGNOL.

Fable imitée de l'Anglois.

REMPLI d'orgueil & plein de fuffifance;

Un Ver luifant, dans une nuit d'été, Admiroit de fon corps l'éclat & la beauté.

Non, difoit-il, on ne peut voir, je pense, D'être auffi beau que moi dans l'Univers. Le Papillon léger, l'Abeille induftrieufe, L'Araignée attentive ou la Fourmi foigneule, L'Escargot parelleux, ce vil amas de vers,

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