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Qui n'eft rien dans les cieux, rien aux regards du Sage,

Lui montré en vain l'appât d'une faufle beauté:
Il n'y voit que l'ennui de l'uniformité.

Le Berger quelquefois, tout entier à lui-même
Oublie, au fond des bois, qu'il eftun diadême‚¿
Qu'il eft d'autres plaifirs que de voir des coreaux
Ou d'accorder fa voix au murmure des eaux.
La volupté, mêlée au mal qui le confume,
Quelquefois de fon cœur a calmé l'amertume.
J'ose à peine le dite, alors il fut content 3.
Si c'est l'être en effet que de l'être on inftant.
Sur-tout, quand aux genoux de celle qu'il adore,
Il verfe dans fon coeur le feu qui le dévore,
Quand cet heureux captif lui dérobe'un regard,
Qu'il doit à fa tendreffe & non pas au hafard:
Des Monarques alors le plus haut apánage
N'eft, au prix de les fers, qu'un pénible escla
vage.

La chaumiere d'Iris eft le féjour des Dieux,
Et fon lit de fougere eft un trône à les yeux.
Un bouquet aflorti des mains de fa Bergere,
Un ruban qu'a tiffu fon éguille légere,
Voilà tous les préfeus dont fon cœur est épris;
Les autres ont perdu leur éclat & leur prix.

Le bonheur quelquefois habite au rang fuprême,

Et le chagrin s'endort auprès du diadême:
Quel Roi n'a pas fenti couler quelque douceur
De ces mêmes plaifirs, fans fel & fans (aveur,
Que jamais chez les Grands le befoin n'affaifonne,
Que par mille dégoûts l'habitude empoisonne ?
Quand il voit la fortune, au gré de ses desleins,
Effacer ou changer les arrêts des deltins;
Quand il voir fous fes pieds trembler un peuplé
esclave, /

Il fe compare aur Dieux, & peut être les brave!
Il croit, en l'oubliant, s'affranchir du trépas,
Et du Trône à l'Olympe il n'apperçoit qu'un pas:
Enfin lon cœur altier compte dans fon
partage
Le rang même des Dieux dont il n'eft que l'image.

De plaisirs & de maux ce mélange éternel
Te montre que le sort se fait un jeu cruel
De femer fous nos pas des fleurs & des épines;
Que ce bonheur parfait, vers qui tu t'achemines,
Fuit les Rois, les Bergers, & même les Amours;
Le bonheur véritable eft d'en jouit toujours.

Que l'homme eft pour le ciel un spectacle bizarre !
Peux-tu le voir, ô ciel! & n'être point barbare!
Cet être qui, par-tout, croit voler au plaifir,
Eft libre de vouloir, & jamais de lentir.
Il peut s'aflujettit aux loix de la fagefle,
Et ne peut de fes fens entretenir l'ivreffe.

Jouet infortuné de les fenfations
Tantôt de la raison, tantôt des passions,
Il écoute la voix, il reconnoît l'empire:
Et, fous tant de Tyrans cet Elclave refpire.
Grâces au fort cruel, jufques dans les bienfaits,
Rarement on nous voit expirer fous le faix:
Le trépas inflexible, & lent par barbatie,
Nous laifle tout le temps de détefter la vie.-

Le Sage pourroit feul s'aflervir à fon gré
Les caprices du fort contre lui conjuré;

Dans un bonheur conftant voir couler tous fes

âges;

Mais il n'eft point d'heureux puifqu'il n'eft point

de Sages.

Tout eft fou, vicieux, miférable, méchant.
L'Artifte infatigable & l'avide Marchand,
L'orgueilleufe opulence & l'altiere noblefle,
De leurs plaifirs bruyans ont banni la fageffe.

Toi, qui fais du bonheur l'objet de tes travaux,
Evite leur mifere en fuyant leurs défauts;
Plains les fans les haïr; de la mifanthropie
Fuis les fombres chagrins & la maligne envie;
Sache affermir ton cœur dans cette égalité
Qui fait tout le reffort de la félicité.

Pour dominer ton âme, apprends à la connoître.
Sans être ton tyran, fois, fi tu peux, ton maître.

Cherche tu les plaifirs? Que ta loi foit ton goût) Qu'il régle tes travaux & qu'il te guide en tout. Content de ton partage, à l'abri de l'envie, Qu'un tiflu de beaux jours foit celui de ta vie. Par M. de Sacy.

L'OFFICIER PRÉVOYANT, ou LÀ

To

SAGE PRECAUTION.

u vas donc t'éloigner de moi,

Difoit à fon Amant la fenfible Ilabelle!

Lindor, je crains, hélas ! qu'une flamme nouvelle faffe oublier une Amante fidelle,

Ne te

Qui ne pourroit furvivre à ton manque de foi.Calme tes frayeurs indifcrettes,

Lui répond auffi-tôt le galant Officier ;

Car, pour ne jamais t'oublier,

J'ai mis ton nom fur mes tablettes

A Rouen,

ROSELI E.

CÉLICOUR, aprés avoir fait une fortune

confidérable, venoit de fe fixer à Paris. L'homme qui eft en état d'offrir à ceux qui l'entourent, une bonne maison; qui, jouiffant de tous les agrémens que donnent les richelles, peut les faite partager à fes amis, ne manque jamais d'en avoir un grand nombre. Célicour vouloit faire un choix, & il ne tarda pas à reconnoître que parmi tous ceux qui l'environnoient à peine trouveroit il deux ou trois amis c'étoit beaucoup, il avoit paflé cet âge où l'impétuofité avec laquelle nous nous livrons à ceux qui nous plaifent, eft fouvent le principe des amitiés les plus conftantes. Cependant la première jeunelle n'en voit point former de plus tendres que celle qui l'uniffoit au Chevalier de C. Perfonne ne la méritoit à tant de titres. Confacré par état au fervice militaire, auffi brave que ceux qui n'ont pour tout mérite que leur bravoure, le Chevalier de C. joignoit à cette qualité celles de citoyen zélé, d'homme inftruit, d'ami généreux. Defiré dans toutes les fociétés, il en faifoit & l'agrément, par un efprit

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