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êtres emplumés qui peuplent l'empire des airs. Les chantres harmonieux du printemps y étoient en petit nombre. L'efpèce criade & folitaire couvroit leurs doux concerts. Quelques oifeaux de proie, attirés par leurs fons indifcrets, vinrent habiter le même ombrage, épiant le doux moment de fondre fur eux & de s'en repaître.

L'Epervier vorace fut affez adroit pour fubjuguer une gentille Perruche, dont le plumage le charma, & dont le bec & les ferres lui parurent propres à feconder fes projets. L'un & l'autre fe rapprochèrent d'un Roffignol, dont les accens tendres & joyeux attiroient prefque tous les autres oifeaux dans fon bocage. Quel étrange duo pour l'heureufe Philomèle! Elle efpéra que fa voix adouciroit leurs caractères; que, femblable à cette lyre harmonieufe dont le Prophète fe fervoit pour calmer les fureurs d'un Tyran, elle feroit entrer la paix avec la joie dans leur cœur. Vaine efpérance! Le naturel ne change point. Philomèle n'étoit pas Philofophe.

Depuis long-temps l'Aigle bleffoit les regards de la foule emplumée. Elle étoit belle & puiffante : en faut-il plus pour

Zéphire, de fa douce haleine,

Careffe les bois reverdis:

Des Nourriffons du Pinde il ranime la veine;
Venez-en recueillir les fruits.

Par M. de la Louptière.

LES OISEAUX,

Apologue traduit de l'Allemand.

La République des Oiseaux, ainsi que

celle de Rome & d'Athênes, eut des temps d'orages & de diffenfions. Dans le règne animal, tout eft mu par les paffions, depuis l'homme jufqu'au quadrupède, & depuis celui-ci jufqu'au rep. tile. O Promethée! le feu facré que tu dérobas, fervit moins à nous éclairer qu'à allumer toutes les parties combustibles de notre être. Les étincelles s'en répandirent dès lors la guerre naquit. Toutes les espèces & tous les individus devinrent ennemis. Funefte tableau! l'amour feul eût pu le corriger, fi fon bandeau, attribut inséparable, ne l'eût aveuglé fur fon ouvrage.

Une vafte forêt fervoit de retraite aux

êtres emplumés qui peuplent l'empire des airs. Les chantres harmonieux du printemps y étoient en petit nombre. L'efpèce criade & folitaire couvroit leurs doux concerts. Quelques oifeaux de proie, attirés par leurs fons indifcrets, vinrent habiter le même ombrage, épiant le doux moment de fondre fur eux & de s'en repaître.

L'Epervier vorace fut affez adroit pour fubjuguer une gentille Perruche, dont le plumage le charma, & dont le bec & les ferres lui parurent propres à feconder fes projets. L'un & l'autre fe rapprochèrent d'un Roffignol, dont les accens tendres & joyeux attiroient prefque tous les autres oifeaux dans fon bocage. Quel étrange duo pour l'heureufe Philomèle! Elle efpéra que fa voix adouciroit leurs caractères; que, femblable à cette lyre harmonieufe dont le Prophète fe fervoit pour calmer les fureurs d'un Tyran, elle feroit entrer la paix avec la joie dans leur cœur. Vaine efpérance! Le naturel ne change point. Philomèle n'étoit pas Philofophe.

Depuis long-temps l'Aigle bleffoit les regards de la foule emplumée. Elle étoit belle & puiffante en faut-il plus pour

exciter l'envie? Dans fon vol, elle avoit heurté inconfidérément tout ce qui s'étoit trouvé fur fon paffage. Le mécon tentement fe joignit à l'envie; elle s'étoit affociée une compagne; de jolis Paflereaux fe fixèrent auprès d'elle. Les clameurs fuivirent ce triomphe. L'efpèce cria de fe déchaîna; la Perruche se mit à la tête, les Pies médifantes firent un vacarme univerfel, les Chouettes envieufes les imitèrent dans leurs converfations nocturnes. Le doux Roffignol répéta confidemment quelques-uns de leurs accens à l'Epervier, & la foupleffe de fon gofier fut les adoucir.

Quelques temps après, celui-ci fe livrant à la férocité de fon caractère, fit dans la forêt un dégât horrible. A la faveur des ténèbres, il pénétra dans tous les réduits, & déchira les habitans de la façon la plus fanglante.

L'alarine & le deuil furent univerfels. On voulut connoître l'auteur de cette barbatie; chacun foupçonna & nomma L'Epervier. Le Roffignol fut appelé comme ayant eu des liaifons avec ce perfide.. Il ne put diffimuler; il avoua ingénue ment ce qu'il penfoit du deftructeur.

Celui-ci, furieux de fe voir exclu de

la forêt & convaincu du forfait focial, voulut jeter cette atrocité fur le Roffignol, dont le foible bec ne s'étoit jamais ouvert que pour becqueter les fleurs du Parnaffe & rendre les fons de la tendreffe. Il le dénonça comme ayant, dans fes chants, infulté l'Aigle & fon amie. L'efpèce légère prend auffi-tôt le change, les Pies revèches, les Merles au fiflet aigu, les Grives infenfées, les Geais imitateurs, fecrettement envieux de la voix du Roffignol, fe déchaînent contre lui, entraînent la volatille incertaine, & font un tel bruit, que perfonne ne s'entend plus dans la forêt.

L'Aigle même & fa compagne oublient leurs plaies récentes. La Perruche les anime; l'Epervier leur communique fa fureur; il les outrage, & cependant les guide, les méprife & les fait mouvoir. Il fe dérobe enfin, riant du piége groffier dans lequel il a fait tomber tous les objets de fa haine.

La tendre Philomèle, d'abord étourdie, génit & fe tait. Elle regrette les liens de bienveillance qui l'a tachoient à tous, les plaifirs qu'elle leur procuroit, & déplore leur erreur mais enfin, revemue à elle, elle fe confole avec l'ami

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