EPITRE d'une jeune Religieufe à la Marquise de ***, fa Sœur. C'EN eft donc fait, ma sœur, & d'une infortu née Un mot a, pour jamais, réglé la destinée : Quand fur mes triftes jours l'arrêt eft prononcé, Je dois chérir encor la main qui l'a tracé, Bénir, dans ma mifere, un joug infupportable, Il eft des malheureux par le crime égarés, yeux, Et des momens fi courts en font plus précieux. Souvent dans leur erreur embraflant de vains fon ges, Ils confervent l'efpoir & fes heureux menfonges; Pour moi, j'appelle en vain ce fortuné moment Je crains également le jour & les ténebres.. Il ne me reste plus que de ftériles pleurs; mes : Que dis-je le devoir s'offenfe de mes larmes ! mon unique appui! Sœur aimable & chérie ; Viens confoler ta Sœur, viens pleurer ton amie, De tes bras careffans entrelacer les fiens, Sur les yeux abattus viens appuyer les tiens. Oh! quand tu la verras pâle, défigurée, Plaintive, languiffante & d'ennuis dévorée, Tu te rappeleras ces temps, ces heureux temps. Où la plus tendre joie animoit fon printemps. Sans peines, fans chagrins, au fein de la fagefle, Je coulois en repos ma premiere jeunesse : Je levois vers le ciel mes regards innocens ; Sa grandeur occupoit mes organes naislans; Tout jetoit dans mon cœur un aimable délire, Et quand je regardois tout fembloit me fourite: Mes jours doux & brillans rayonnoient de gaîté,. Et mes yeux fe fermoient avec tranquillité. Ah! d'un bonheur fi pur quelle fut la durée ! Je les fens retentir dans mon âme égarée, Je les entends encor ces lugubres accens: Foible & timide encor, des regrets fuperflus Soutiendront-ils vos jours quand vous ne m'au» rez plus ? Figurez-vous ici, tremblante, défolée, Trahira votre enfance ou rira de vos pleurs. 30 Mais il eft des maifons, refpectables afyles, » Des vertus, de la paix, féjours purs & tran quilles, Où, dans un doux loifir, fans périls & fane » foins, Une jufte abondance exauce les befoins. » L'innocence à l'abri n'y craint point les orages, 30 Sans ceffe à l'Eternel préfente fes hommages, D'un luxe féduifant méprife les attraits, » Et bénit une vie exempte de regrets. >> C'est dans ce lieu facré que, cher à ma tendresse, " Le bonheur de vos jours charmera ma vieillesle : Trop heureux de defcendre au tombeau qui >> m'attend, 30 Si l'âge me permet d'y lurvivre ua inftant! » Que devins je à ces mots ? l'effroi m'avoit glacée mence, Et mes regards tremblans interrogeoient les fiens? Et fa main, autrefois prompte à me carefler, Hélas! c'en étoit trop pour un cœur foible & tendre, De ce fpectacle affreux je ne pus me défendre: O douleur fans remede! o mortelle journée ! |