SENTIMENS de repentir qu'adresse à Dieu un Philofophe libertin, dans un état de fouffrance. T oi qui nous fais naître & mourir, Maître abfolu de la nature, Témoin des tourmens que j'endure, Grand Dieu, daigne me fecourir. Le jour ne m'offre plus que des clartés funèbres ; Mais puifque ton divin flambeau. Vient de mon cœur féduit diffiper les ténèbres, Quand j'eus perdu mon innocence, A ces Oracles de nos jours, L'intérêt de mes fens dictoit feul ma croyance; Et grâce à mon puiflant fecours, J'empoifonnois tous mes difcours De ma facrilége démence. Je maudiflois le joug de toute autorité, Et donnois à mon cœur un pouvoir despotique. Apôtre de la liberté, De mon impudence cynique Je tirois même vanité ; Et je cherchois un bonheur fantastique Sa fplendeur, image authentique De mon orgueil philosophique Et n'offroient à mon œil phyfique A ton augufte vérité; Je renonçois à l'immortalité, Et mon plaifir préfent étoit mon bien unique. Pour étayer ce dog me féducteur, De ma raifon la lumiere incertaine, Qu'on ne pouvoit fe faire honneur, Et s'illuftrer, parmi l'espèce humaine, Qu'en méconnoiffant son auteur. Sois moins mon juge que mon pere, Dieu puiflant, fur mon fort fais tomber tes re gards; Vois mes pleurs ; & fenfible à ma douleur amere, Reçois ici l'aveu fincere De nies forfaits, de mes écarts. – Oui, fans remords & fans inquiétude, (Que ne puis-je le dire au pied de tes autels!) La plus conftante ingratitude Exerça tes foins paternels; Des plaifirs les plus criminels Mon cœur ne fit la moindre étude. Mais las enfin d'être outragé, Tu crus devoir lâcher le poids de ta colere; Mes plaifirs mêmes t'on vengé. Je te bénis pour le mal qui m'accable; Enfin j'ouvre les yeux, & j'adore ta loi ; Tel pécheur endurci peut fouffrir moins que moi, Mais fon fort eft plus déplorable. C'est ainsi, Dieu Sauveur, digne objet de ma foi, Que ta main, toujours adorable; S'appélantit fur nous pour nous mener vers toi. Sois moi toujours auffi propice ; Quoniam ego in flagella paratus fum. VERS adres à un jeune Epicurien de vingt-deux ans, avec lequel je me trouvois à l'inftant qu'expiroit un de fes Amis, âgé de trente fix ans. Vo OILA donc ce Damis, que le pauvre étonné Nommoit du titre faux de riche fortuné? Un moment a détruit ce chef d'œuvre admirable, Cet animal penfant, cet homme, mon semblable. Sibarite opulent, toi, que la volupté Fait courir à la mort d'un pas précipité, Yois comme on meurt, & crains: la foudre eft fur ta tête ; Peut-être pourrois-tu, plus fage & plus prudent, |