Page images
PDF
EPUB
[graphic][merged small][merged small][merged small][merged small]

SENTIMENS de repentir qu'adresse à Dieu un Philofophe libertin, dans un état de fouffrance.

T

oi qui nous fais naître & mourir, Maître abfolu de la nature,

Témoin des tourmens que j'endure,

Grand Dieu, daigne me fecourir.

Le jour ne m'offre plus que des clartés funèbres ; Mais puifque ton divin flambeau.

Vient de mon cœur féduit diffiper les ténèbres,
Qu'il me guide vers le tombeau.

Quand j'eus perdu mon innocence,
Lorfque le monde enivroit mes defirs
Du vain éclat de la magnificence
Et du poifon de fes plaifirs;
Pour m'étourdir fur ma licence,
Je ne ceffois d'avoir recours,
Et de livrer ma confiance

A ces Oracles de nos jours,
Organes de l'erreur & de la fuffifance,
Qui de clincant parant leur arrogance
Et du fophifme occupant les détours,
Lancent leurs traits impurs contre ton existence.
Alors mon pauvre efprit fier de fon ignorance,
D'un abfurde fyftême accréditoit le cours,
Et rejetoit ton évidence.

L'intérêt de mes fens dictoit feul ma croyance; Et grâce à mon puiflant fecours, J'empoifonnois tous mes difcours

De ma facrilége démence.

Je maudiflois le joug de toute autorité,

Et donnois à mon cœur un pouvoir despotique. Apôtre de la liberté,

De mon impudence cynique

Je tirois même vanité ;

Et je cherchois un bonheur fantastique
Dans le fein de la volupté.
L'ordre de l'Univers, la régularité,

Sa fplendeur, image authentique
De ton pouvoir, de ton immenfité,
Loin de me pénétrer de ta divinité,
Par fon fpectacle magnifique,
Confirmoient ma fécurité,
Excitoient ma témérité;

De mon orgueil philosophique
Entretenoient l'activité ;
De la raifon dont un Sage f: pique
Dégradoient la fublimité,

Et n'offroient à mon œil phyfique
Qu'un tout indépendant de toute volonté,
Mu fans deflein par la force énergique,
Et l'effet éternel de la néceffité.
Ainfi toujours coupable & toujours emporté
Par mon délire phrénétique,
J'ofois donner le nom de politique

A ton augufte vérité;

Je renonçois à l'immortalité,

Et mon plaifir préfent étoit mon bien unique.

Pour étayer ce dog me féducteur,

De ma raifon la lumiere incertaine,
Venoit fe joindre à la voix de mon cœur;
Et je me figurois fans peine

[ocr errors]

Qu'on ne pouvoit fe faire honneur, Et s'illuftrer, parmi l'espèce humaine, Qu'en méconnoiffant son auteur.

Sois moins mon juge que mon pere, Dieu puiflant, fur mon fort fais tomber tes re

gards;

Vois mes pleurs ; & fenfible à ma douleur amere, Reçois ici l'aveu fincere

De nies forfaits, de mes écarts. –

Oui, fans remords & fans inquiétude,

(Que ne puis-je le dire au pied de tes autels!) La plus conftante ingratitude

Exerça tes foins paternels;

Des plaifirs les plus criminels
Mes fens formerent l'habitude,
Et jamais des biens éternels

[ocr errors]

Mon cœur ne fit la moindre étude.

Mais las enfin d'être outragé,

Tu crus devoir lâcher le poids de ta colere;
Je gémis des malheurs où je me fuis plongé ;
J'ai reçu mon digne falaire,

Mes plaifirs mêmes t'on vengé.

Je te bénis pour le mal qui m'accable; Enfin j'ouvre les yeux, & j'adore ta loi ; Tel pécheur endurci peut fouffrir moins que moi, Mais fon fort eft plus déplorable.

C'est ainsi, Dieu Sauveur, digne objet de ma foi,

[ocr errors]

Que ta main, toujours adorable; S'appélantit fur nous pour nous mener vers toi.

Sois moi toujours auffi propice ;
Par les maux que je fens confirme mon espoir;
Le repentir, l'amour & le devoir
T'en offrent l'humble (acrifice,
Grand Dieu, daigne le recevoir;
Et que ton fouverain pouvoir
Remette à ta bonté les droits de ta juftice.

Quoniam ego in flagella paratus fum.

VERS adres à un jeune Epicurien de vingt-deux ans, avec lequel je me trouvois à l'inftant qu'expiroit un de fes Amis, âgé de trente fix ans.

Vo

OILA donc ce Damis, que le pauvre étonné Nommoit du titre faux de riche fortuné?

Un moment a détruit ce chef d'œuvre admirable, Cet animal penfant, cet homme, mon semblable. Sibarite opulent, toi, que la volupté

Fait courir à la mort d'un pas précipité,

Yois comme on meurt, & crains: la foudre eft fur

ta tête ;

Peut-être pourrois-tu, plus fage & plus prudent,

« PreviousContinue »