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Obscurciflent fes plus beaux jours.
Eh! peut il connoître la joie,
Lorsqu'éclairé par la raison,
Il voit tout l'Univers en proie
Aux fureurs de l'ambition;
Lorsqu'il voit l'audace du vice
Infulter la foible vertu,
Lorfqu'il voit le bon droit perdu
Dans les détours de l'injuftice?
Ta main bienfailante & propice
Dérobe à nos yeux ces horreurs :
Et toujours de nouvelles fleurs
Tu parfemes ce court paflage,
Dont une fagefle fauvage
Auroit fait un chemin de pleurs.
Qu'un autre ait la folle manie
D'être fage par vanité,

Moi, je ne fuis point entêté
De cette ridicule envie :
Ami de la fincérité,
C'eft à toi que je facrifie ;
Toi feule es ma divinité,
Et de ton heureuse influence
J'attends déformais le bonheur:
Car je fuis Amant & rimeur;
Que de droits à ta bienfaifance!

DIALOGUE

DIALOGUE

Entre GALILÉE, MALHERBE &

FONTENELLE *,

Un instant de folie aimable

Vaut mieux qu'un bon raifonnement.

Car. de Bernis.

GALILÉ E.

Ti voilà donc defcendu auffi aux enters? Tes Mufes, ton Apollon, tes vers, rien n'a pu te garantir des traits de la mort: encore fi en buvant de l'eau de cette charmante fontaine, à laquelle tu t'enivrois fi fouvent, tu avois trouvé le fecret de prolonger tes jours, je refpecterois volontiers la poëfie & les Poëtes; mais puifqu'il faut mourir, & que per

*Ce Dialogue a été composé à l'occafion d'un petit différend qui s'est élevé dans une société d'amis, entre un Mathématicien Aftronome, dont Je nom eft connu, & un jeune Poëte. L'Auteur fut engagé à chanter cette petite querelle, qui fe termina par la lecture du Dialogue qu'on préfente au Public.

II. Vol

C

fonne n'eft exempt de cette loi générale de la nature, j'aime mieux avoir été un bon Phyficien qu'un grand Poëte : je ne fais pas même fi je voudrois retourner fur la terre pour le devenir, quand bien même il plairoit à Pluton de m'y renvoyer, & de me donner mon paffeport pour l'autre monde.

MALHER.BE,

On ne m'avoit donc pas trompé en me disant sur la terre que tu avois perdu la tête : je n'en ai rien voulu croire, j'ai attendu pour juger par moi-même; je yois aujourd'hui qu'on ne m'en a point impofé. Mais.... fi cette fontaine d'Hypocrêne, dont tu parles avec tant de mé pris, ne peut prolonger nos jours d'un inftant; il me femble de même que l'eau qu'on t'a fait boire dans les prifons de 'Inquifition n'a pu te rendre le bon fens que tu avois perdu.

GALIL É E.

Voilà de belles idées poëtiques! Tu aurois bien dû y mettre un peu de rime; car il n'y a pas trop de raifon. Pour me donner une plus haute idée de la poësie, pourquoi me parler en profe? Les char

mes qu'a naturellement un vers harmonieux & bien cadencé, auroient pu me faire illufion : peut être que...

MALHER BE.

Le détracteur d'un talent auffi fublime n'est point digne d'entendre le langage des Dieux.

Mais, dis-moi, d'où te vient ce dégoût? pourquoi tant méprifer les Poëtes? As tu la vanité de te croire un perfonnage plus important qu'Homère, Virgile, Anacréon, Sapho, Pindare, Horace, & tant d'autres que je pourrois te citer? Tu ferois bien heureux de les atreindre & de marcher d'un pas égal à l'immortalité qu'ils ont acquife. Je fuis tenté de croire que tu as encore la tête dans les cieux, & que tu cours après les Satellites de Jupiter.

GALIL z.

Vains propos! vaines déclamations! Je reconnois à ces traits la gent poëtique, toujours jalouse, toujours envieuse du bonheur d'autrui. Hélas! comment ne feriez-vous pas jaloux de la gloire des étrangers, puifque vous l'êtes les uns des

autres, au point de vous déchirer par les fatires les plus fanglantes.

MALHER BE.

Que les mauvais Poëtes foient jaloux les uns des autres, qu'ils fe piquent, qu'ils fe mordent, qu'importe! cela dé cide-t-il la question? As-tu pour cela le droit de méprifer la poefie & les Poctes en général? Pour un Mathématicien, zu tires des conféquences bien fingulières; tu nous fais là une bien pitoyable équa

sion,

GALILE.

Pour te prouver que je n'ai pas fi torr que tu te l'imagines, voyons un peu à quoi vous paffez votre vie, vous autres Poëtes: quelle eft votre étude? quels font les objets qui vous fixent?

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Perchés fur un Pégafe imaginaire Vous vous croyez perpétuellement dans les forêts du Pinde & de l'Hélicon, où yous careffez des Mufes encore plus imaginaires; votre imagination vagabonde, ou plutôt le démon qui vous obsède, se crée une Nymphe, dont la figure chiffon née vous trouble le cerveau: vous vous croyez toujours auprès d'elle, tandis

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