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Heureux qui, s'appuyant fur la philofophie,
Modefte en fes defirs & fans biens fuperflus,
Dans un séjour obfcur cultive fes vertus!
Lié par les devoirs, & non chargé d'entraves,
Il vit fans préjugés, fans maître & fans esclaves ;
Et contemple en pitié les fragiles faveurs,
L'appareil du pouvoir, le fonge des honneurs,
Ces titres, ces emplois, brigués avec ballelle,
Dout l'homme médiocre entoure fa faiblefle;
Qui, charmant les regards jufqu'au bord du cer-
cueil,

Etourdiffent la tête en flactant fon orgueil.
L'augufte vérité, fa compagne fidelle,
Toujours à fes côtés, lui femble toujours belle;
Et la tendre amitié, prodiguant tous les dons,
Embellit les foyers de les plus doux rayons;
C'est le feu de Vefta que gai de l'innocence.

Ah! dans ce fiecle affreux de crime & de licence,
Quand le luxe cruel vient endurcir les cœurs,
Et brise infolemment la barriere des mœurs ;
Quand l'homme dégradé, fans force & fans cou-
rage,

Préfente à Plutus feul fes vœux & fon hommage,
Et croit que le bonheur, qu'il cherche avec tranf-

port,

Ne fe trouve jamais que fur des piles d'or;

Il est beau de tracer la félicité pure

Qu'on goûte à peu de frais au fein de la nature;
D'offrir à nos Créfus, aux cinq lens émouflés,
Tous les jeux des hameaux par des jeux remplacés;
D'honorer à leurs yeux le foc de Triptolême ;
De peindre la vertu, base du bien fuprême ;
De rappeler enfin les humains étonnés,
Aux emplois innocens pour lefquels ils font nés:
Ce font-là les travaux de ton génie aimable.

Poursuis, ô Saint-Lambert! que ta main secourable

Préfente de nouveau ces tableaux ravissans,
Qui fatisfont l'efprit, le cœur, 1 âme & les fens;
Ajoute à nos plaisirs en remontant ta lyre:
Un C** té cenfure & l'Europe t'admire.
C'eft ainfi qu'autrefois l'ingénieux Maron
S'élevait par fes chants au fommet d'Hélicon,
De l'Empire Romain captivait le fuffrage,
Tandis que Mévius lui prodiguait sa rage.
Ton âme est au-deflus de ces faibles dégoûts ;
Le talent fut créé pour faire des jaloux.
Malheur à l'Ecrivain qui défarme la haine.
Les arts font devenus une indécente arêne,
Où toujours les vaincus infultent aux vainqueurs;
Et combien de Lettrés font des Gladiateurs?
Cent pédans belliqueux vous déclarent la guerre;*
Ils font vos ennemis, dès que vous favez plaire.

* On diftingue à Paris la haute & la bafie Lit

FABLE PRÉSENTÉE A LA REINE.

JUPITER ET LE PAPILLON,

UN Papillon de bonne race
Conçut un jour la noble audace
De tenter la route des cieux;
Hélas! difoit-il, quel espace
Entre les hommes & les Dieux!
Fort à propos un Aigle passe,
C'étoit l'oifeau de Jupiter ;
Il le voit, le faifit, l'embraffes
Voilà le Papillon dans l'air.
Il arrive; tout l'Empirée

rérature, comme on diftingue à Vienne en Autri che la grande & la petite Nobleffe. Parmi la popu Face des Ecrivains, il s'éleve de temps en temps de ces hommes impudens qui difent au Public qu'il a tort d'eftimer tels & tels Auteurs, dont le mérite prodigieux les humilie. Ces gens dégoû tans, qui s'érigent en Apôtres du goût, font encore plus ridicules qu'odieux, quoique leurs facéties foient ordinairement farcies d'atrocités. Note de l'Auteur

Précisément célébroit dans ce jour
Une fête au ciel confacrée

Par le refpect & par l'amour.

Plus on fent, moins on peut se taire 3
Le Papillon, pour fon malheur,
N'étoit pas brillant orateur;

Il vouloit parler... Comment faires
Il prit ce qu'il dit dans fon cœur ;
Et ce qu'il bagaya sut plaite.

On applaudit à les tranfports.
Avant que de quitter les voûtes éternelles,
Je veux, dit Jupiter, qu'on lui dore les ailes
Pour récompenfer fes efforts.
L'Olympe retentit à la voix de fon Maître,
Et le Papillon fut content;

Il fut heureux : je pourrai l'être

Quand vous voudrez en dire autant.

Par M. l'Abbé de Morveau.

DIALOGUE

Entre THAMAS KOULI-KAN, Roi de Perfe; & LA PRINCESSE AL...... veuve du Grand Prince de R.....*

LA PRINCESSE AL.

ENFIN, me voilà délivrée dú fardeau de la vie, après l'avoir été auparavant de celui des grandeurs.

TH. KOULI-KAN.

Je perdis la vie & mes grandeurs lorfque j'allois en jouir le plus tranquillement. J'avois payé ma fortune aflez cher pour qu'elle düt être plus durable.

LA PRINCESSE AL...

Fûtes vous Monarque ou Empereur?

TH. KOULI-KAN.

Je portai le titre de Roi des Rois. Il

Ce Dialogue eft anecdotique, & l'anecdote eft des plus modernes.

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