que la dot se prendra d'abord sur les droits du conjoint prédécédé, et le surplus sur les biens du constituant. Mais il en serait différemment si la fille avait des biens dont la jouissance légale appartiendrait à ses père et mère. Dans ce cas, la dot se prendrait sur les biens des constituants. Si, en effet, la dot était prise sur les biens de la fille, les parents, en réalité, ne donneraient rien, puisque, la fille étant émancipée par le mariage, l'émancipation fait cesser la jouissance légale. En résumé, si l'acte ne contient pas une clause formelle, le seul fait que l'enfant dotée possède des biens ne suffit pas pour que la constitution de dot soit imputée sur son propre patrimoine. C'est à partir du moment où le mariage est célébré que la société conjugale a besoin de trouver des ressources pour subvenir à ses besoins. La dot est apportée précisément dans ce but; aussi le constituant en doit-il les intérêts à compter du jour du mariage, même s'il s'est réservé un terme pour le paiement du fonds. En outre, il est tenu de garantir les objets dont il s'est dessaisi en faveur des conjoints gratifiés (1). Cette règle découle du principe que la constitution de dot participe du contrat à titre onéreux. Toute personne, mème étrangère aux conjoints, qui leur a constitué une dot, est, de plein droit, tenue de l'éviction des biens qu'elle comprend. L'obligation de garantie pèse sur tout constituant, même sur la femme; elle est due par tout constituant, aux deux époux, à la femme comme au mari. Elle forme, au profit des époux, un droit acquis et certain qui, entré dans leur patrimoine, se transmet à leurs héritiers directs ou collatéraux. Le mari, dans le système du Code civil, n'est pas réputé propriétaire de la dot. Sans doute il a le droit d'exercer les actions pétitoires, qui sont un attribut de la propriété. C'est là un vestige du droit romain qui conserve au régime dotal un reflet de son ancienne physionomie. Mais il serait téméraire de fixer les droits du mari en prenant pour base cette disposition particulière. En accordant au mari seul l'administration des biens dotaux, l'article 1549 lui en refuse implicitement la propriété. En outre, la loi présente comme des exceptions certains cas où le mari, par la force même des choses, devient propriétaire; il ne l'est donc pas en principe. L'article 1552 s'exprime en termes catégoriques: << l'estimation des immeubles n'en transfère pas la propriété », à plus forte raison une constitution non accompagnée d'estimation. Au reste, le Code civil, qui impose au mari les obligations d'un usufruitier, admet (1) Art. 1547, 1548, 1440. évidemment qu'il en a les prérogatives, mais n'en possède pas de plus étendues. La femme reste donc propriétaire des biens qu'elle s'est constitués ou qui lui ont été donnés en dot (1). Toutefois, certains biens, par exception, soit en vertu d'une convention expresse, soit d'après une intention présumée, sont dévolus au mari, qui devient débiteur de leur valeur. C'est ainsi qu'il acquiert la propriété de toutes les choses dont on ne peut user sans les consommer, ou qui, par leur nature, sont destinées à être vendues. La propriété de ces objets passe au mari, en vertu du quasi-usufruit auquel ils sont soumis à son profit, sous l'obligation de restituer, soit des choses semblables, soit le prix d'estimation. Pour les choses fongibles, le mari les acquiert, même sans estimation, dès le jour de la célébration du mariage et non pas seulement à partir du moment où il les a consommées; et la séparation de biens n'a pas pour effet de rendre la femme immédiatement propriétaire de ces objets: son droit reste toujours une simple créance (2). On doit aussi reconnaître le mari propriétaire des objets à lui livrés par suite d'une estimation faite au contrat de mariage avec l'intention de lui en transférer la propriété. Le principe que l'estimation vaut vente est vrai seulement en ce qui concerne les meubles et sauf déclaration contraire portée au contrat de mariage. Il est en effet beaucoup plus avantageux pour la femme de retirer le prix représentant la valeur de ses meubles, à l'époque de la constitution de dot, que de les retirer eux-mêmes en nature, mais détériorés par un usage prolongé (3). Quand il s'agit d'un immeuble, c'est à un point de vue diamétralement contraire que l'on doit se placer, si l'on veut protéger l'intérêt de la femme. L'article 1552 déclare que l'intention de transférer la propriété au mari n'est réputée certaine que si les parties ont déclaré au contrat que l'estimation donnée à l'immeuble équivaut à une vente. Lorsque cette clause est insérée dans l'acte, le mari devient propriétaire de l'immeuble constitué en dot, tout comme des meubles qu'il reçoit après estimation. Le droit romain ne faisait pas de dis (1) Req., 1er juin 1874, D. P. 75.1.84. (2) Cass., 2 mars 1882, D. P. 82.1.337. (3) Lorsque le mari reçoit ainsi des objets mobiliers dont il devient propriétaire, il ne peut être question d'emploi et de remploi (Trib. de Tarbes, 1er juin 1900, D. P. 1900.2.432). tinction à ce sujet entre les meubles et les immeubles. La règle était générale; dos estimata, dos vendita. Le droit coutumier laissait toujours à la femme la propriété de la chose estimée, mobilière ou immobilière. Les pays de droit écrit admettaient, en principe, même pour les immeubles, la règle romaine, mais avec des restrictions diverses: ainsi, quand le mari était insolvable, la femme avait action pour répéter le fondsestimé. De l'article 1549, qui a mis fin à toute incertitude, il résulte que, dans cette hypothèse, le fonds n'est pas dotal: à la dissolution du mariage, la femme ou ses héritiers ne peuvent réclamer que la valeur reconnue de l'immeuble, et non l'immeuble lui-même ; et, par contre, on ne peut leur imposer une reprise en nature. Ne perdons pas de vue que, dans le cas où l'estimation vaut vente, cette vente est toujours conditionnelle, c'est-à-dire qu'elle n'est parfaite qu'autant que le mariage se réalise. Si les objets estimés périssent dans l'intervalle, avant la célébration du mariage, la perte est pour la femme. Lorsque l'évaluation des immeubles dotaux a été accompagnée d'une déclaration des contractants que cette estimation vaut vente en faveur du mari, le Code ne veut pas cependant accorder à ce dernier, en cas d'éviction, une action tendant à l'indemniser du gain dont il a été privé. Entre les conjoints il ne doit pas être question de lucre et de bénéfice. Il ne paraît pas que l'épouse puisse exercer l'action rescisoire pour cause de lésion, même si le déficit porte sur plus des sept douzièmes. La femme, qui ne doit recevoir le prix de vente qu'à une époque indéterminée, celle de la liquidation de ses reprises, n'est pas présumée avoir voulu consentir une aliénation désastreuse pour avoir immédiatement une somme à sa disposition. Il n'est pas conforme à l'esprit du mariage que la vente soit résolue à défaut de payement du prix, comme elle le serait entre contractants ordinaires. Le mari devient également propriétaire de l'immeuble acquis des deniers dotaux, si la condition d'emploi n'a pas été stipulée au contrat de mariage, car il n'y a point subrogation de plein droit de l'immeuble à son prix (1). Il en serait ainsi, alors même qu'il aurait été déclaré, dans l'acte d'acquisition, que le mari avait entendu faire emploi des deniers dotaux et que la femme acceptait cet emploi. Lorsque la femme (ou le mari pour la femme, avec le consente (1) Art. 1553, § 1er. ment de celle-ci) achète des immeubles au moyen de deniers dotaux, deux hypothèses peuvent se produire. Si la condition d'emploi a été stipulée au contrat de mariage, l'immeuble acquis devient dotal, pourvu que le mari ait déclaré, dans l'acte d'acquisition, son intention de faire emploi de deniers dotaux, et que la femme ait accepté cet emploi (1). Le mari doit manifester sa résolution dans l'acte même. Quant à la femme, rien n'empêche qu'il y ait un trait de temps entre le contrat et l'expression de sa volonté il s'agit là d'une faculté établie dans son intérêt. Le mari doit surtout se préoccuper de la situation du ménage vis-à-vis des tiers. Dans le cas où le contrat de mariage n'oblige à aucun emploi, le bien nouvellement acquis ne peut être que paraphernal, sauf la jouissance réservée au mari. Nous analyserons plus loin l'œuvre de la jurisprudence qui a introduit la représentation des valeurs dotales par les parapher naux. Enfin, le mari devient propriétaire de l'immeuble donné en payement de la dot promise en argent. Toutefois, l'immeuble livré in solutum serait frappé de dotalité si le constituant s'était réservé, au contrat de mariage, la faculté de s'acquitter de la somme promise par l'abandon d'un immeuble qui deviendrait dotal. Tels sont les biens qui, constitués en dot à la femme ou apportés par elle, deviennent la propriété du mari. Ces biens sont donc aliénables entre ses mains; et, comme l'a décidé la Cour d'Orléans (2), la femme, soit à la dissolution du mariage, soit lors de la séparation de biens, n'a pas le droit de revendiquer les objets dont le mari a disposé. En Espagne, la loi distingue suivant que la dot a été estimée ou non. Dans le premier cas, le mari en devient propriétaire. Il en dispose à sa convenance. S'il l'aliène durante matrimonio, il doit, à la dissolution, restituer le montant de l'évaluation qui en a été faite. Cette règle reçoit exception lorsque les immeubles ont été inscrits comme dotaux sur les registres hypothécaires. Dans ce cas, ils ne peuvent être vendus ou hypothéqués par le mari qu'avec le concours de la femme. Lorsque la dot n'a pas été estimée, la femme en reste propriétaire, mais le mari en jouit seul comme usufruitier. C'est à lui qu'appartient le droit de l'administrer, et l'épouse peut l'aliéner et l'hypothéquer avec l'autorisation de son mari. (1) Art. 1434 et 1435, C. civ. (2) Arrêt du 9 janvier 1883. La femme mineure elle-même peut vendre son bien; mais elle doit obtenir à cet effet la permission de la justice et celle des personnes dont le consentement lui est nécessaire pour se marier. Les conventions matrimoniales sont libres en Espagne, et les contractants peuvent se soumettre à la dotalité en le déclarant expressément. L'aristocratie et la bourgeoisie aisée en ont conservé l'usage. La dot peut être constituée soit, comme en France, avant le mariage, soit même au cours de l'union conjugale; toutes les libéralités consenties en faveur de l'épouse viennent ainsi augmenter sa dot. Ainsi le régime dotal espagnol diffère de notre système français en ce sens qu'il ne repose pas sur le principe de l'inaliénabilité, mais qu'il se contente d'organiser des garanties en faveur de la femme. En Allemagne, le régime légal, désigné ordinairement sous le nom de « communauté d'administration », présente au contraire plus d'un point de contact avec le régime de la dotalité. Les biens de la femme allemande sont divisés en deux catégories: 1o ceux qu'elle apporte à son mari pour subvenir aux charges du mariage; 2o ceux dont elle conserve la libre disposition. Les premiers constituent un véritable actif dotal (Ehegut); le mari en a l'administration et la jouissance; les autres sont des paraphernaux (Vorbeha/stgut). L'Ehegut comprend, en principe, tous les biens de l'épouse, et non pas seulement, comme en France, ceux qui ont été expressément ou tacitement constitués en dot. Quant aux paraphernaux, ce sont les biens que la femme s'est réservés, ceux qui lui proviennent de son travail personnel, ou qui lui ont été légués à condition qu'elle en aurait la jouissance. La femme a sur ses paraphernaux des droits illimités. Quant au mari, il est administrateur et usufruitier de l'Ehegut, mais il ne peut garantir ses créanciers personnels sur les revenus de cet actif que pour ce qui excède les besoins du ménage. Ce qui est important à noter, c'est que l'Ehegut est aliénable si les deux époux sont d'accord pour le vendre. La femme, en disposant de cet actif, ne porterait pas atteinte à l'usufruit du mari qui est un droit personnel. L'usufruit marital caractérise le régime usité en Saxe sous le nom de system des chemænlichen Nieszbranchs. Dans la Pologne russe, les époux peuvent stipuler que les biens de la femme seront inaliénables. |