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tement par écrit de l'intéressée, sauf à la justice à intervenir en cas de mauvais vouloir systématique.

Il serait équitable d'accorder à tout créancier dont le titre aurait une date certaine antérieure au mariage la faculté d'exproprier le bien dotal sans la permission de justice. La dotalité est un avantage que la femme entend s'attribuer. N'est-il pas juste qu'elle ne jouisse de cet émolument que deducto ære alieno ?

Le législateur pourrait aussi, contrairement à l'interprétation de la jurisprudence, décider que les tiers qui, pendant le mariage, sont devenus créanciers de la femme, auraient le droit de faire exproprier, après la cessation de la dotalité, l'immeuble qui n'est plus dotal.

Nous savons qu'il sera plus facile d'échapper indirectement aux rigueurs de la dotalité, en traitant avec un créancier qui prendra patience jusqu'à la dissolution du mariage. Mais cet inconvénient est moins grave à nos yeux que celui qui résulte d'une injustice.

Nous croyons qu'il serait utile d'obliger la femme, dont le bien dotal a été vendu, à choisir entre l'action hypothécaire qui lui vaut une collocation provisoire sur les biens de son mari, et l'action en nullité de la vente qu'elle peut exercer après la dissolution du mariage.

Cette incertitude qui plane sur la propriété des sommes distribuées et qui peut durer pendant un long espace de temps est de nature à paralyser les transactions et produit des effets nuisibles à l'intérêt public.

Une autre réforme utile consisterait à supprimer le mandat tacite que la jurisprudence reconnaît à la femme pour les dépenses du ménage. Il ne nous semble pas juste de la considérer comme déléguée de son mari. Ne vaut-il pas mieux lui accorder une mission personnelle, pour arriver à des résultats équitables?

Le douaire, qui concédait à l'épouse un certain droit de disposition ou tout au moins de contrôle sur les biens personnels de son mari, a disparu de notre loi moderne. Nous avons seulement conservé l'hypothèque légale qui, sans entraver pour le présent les droits du mari, donne à la femme un recours éventuel dans l'avenir.

L'hypothèque ne grève pas seulement les propres du mari; elle s'étend sur les acquêts de communauté. Moins efficace que la dotalité, qui paralyse les abus de l'époux, elle donne un moyen de restituer plus tard à la femme le droit dont elle a été provisoirement frustrée.

Cette hypothèque est instituée par la loi en dehors de toute convention; elle est générale et elle existe par elle-même, sans que rien la révèle aux tiers. L'inscription n'est pas nécessaire pour que la femme soit en possession de son privilège.

A force de vouloir protéger la femme, l'hypothèque légale, à notre avis, se retourne contre elle. Effrayés de cette mainmise exorbitante de l'épouse non seulement sur les biens du mari, mais sur l'actif commun, les prêteurs ou les contractants, avant de donner leur signature, exigent de la femme une renonciation sans limites, qui l'expose à une responsabilité redoutable. La femme est amenée à intervenir en fait dans les actes du mari dontle crédit dépend de ce concours.

Il n'y aurait pas à critiquer le libre sacrifice de la femme, s'il était réellement libre. Mais on sait comment les choses se passent en réalité. Le mari et son notaire apportent à la femme une renonciation toute préparée, qu'elle signe aveuglément après qu'on la lui a expliquée pour la forme. Avec cet adage très répandu, « les femmes ne s'occupent pas d'affaires »; avec l'usage de ne pas entrer en discussion avec le mari sur la gestion des intérêts com. muns, bien des femmes sont victimes de leur apathie.

Bien plus, les tiers exigent que la femme soit partie prenante, s'engage solidairement avec son mari et subroge le créancier à son hypothèque. Dans ce cas la femme se trouve engagée sur ses biens personnels pour une obligation souscrite par le mari ! (1).

Le législateur a cherché un remède à cette trop grande facilité de renonciation, qui était devenue de style dans les actes. Aujourd'hui un acte notarié est nécessaire pour valider la renonciation de la femme. Malheureusement, le palliatif n'est pas toujours efficace, car il est bien difficile à un officier ministériel de garder toujours la balance égale entre le mari, son client, et la femme qu'il devrait diriger sans aucun parti pris.

Dans quel cas la femme conserve-t-elle le bénéfice assuré de son hypothèque? Uniquement lorsqu'elle est placée sous l'empire du régime dotal; et c'est un argument à invoquer en faveur de la dotalité.

Il semble que le législateur devrait, comme en Belgique, admettre pour l'hypothèque légale : 1o la nécessité de l'inscription; 2° la spécialité. On pourrait aussi, comme la proposition en a été faite, exiger le concours du mari et de la femme toutes les fois qu'il s'agirait d'aliéner ou d'engager des immeubles.

(1) M. Morel d'Arleux, notaire honoraire à Paris.

XI

CONCLUSION

Le XIX siècle a vu grandir le mouvement féministe, qui, sous le prétexte d'affirmer l'égalité des sexes, a réclamé pour les femmes une véritable émancipation. Il est toujours vrai de dire que la femme forte garde son foyer et préfère la vie de famille au tourbillon du monde extérieur. Quand les Romains voulaient exprimer leur admiration pour une mère de famille irréprochable, ils inscrivaient sur sa pierre tombale ces deux simples mots: Domus mansit. Mais, toutes réserves faites sur des exagérations inacceptables, on doit se féliciter des progrès qui ont amélioré de nos jours la condition de la femme, et plus particulièrement de l'épouse. Que peuvent réclamer aujourd'hui les esprits sages ? Non pas assurément la réalisation des utopies de certains féministes. Mais il est des réformes qui s'imposent et qui ont été depuis longtemps signalées. Pourquoi par exemple maintenir les autorisations de justice? Pourquoi exiger une autorisation si le mari est absent ou incapable? La femme mariée ne doit-elle pas, dans ce cas, être assimilée à une fille ou à une veuve? Toute séparation de biens, même stipulée par contrat, devrait avoir pour corollaire une entière capacité chez la femme. L'autorisation du mari ne serait maintenue que pour les conventions relatives à la personne même de l'épouse, ou pour les transactions concernant les biens dont le mari doit surveiller l'emploi afin de les faire servir aux besoins du ménage. L'autorisation générale suffirait pour valider les actes de la femme mariée.

Depuis 1880, l'enseignement secondaire est accessible aux femmes, l'électorat et l'éligibilité leur ont été accordés pour le Conseil supérieur de l'Instruction publique. La loi du 9 avril 1881, celle du 20 juillet 1898 portant création de Caisses d'épargne, ont permis à la femme mariée, quel que soit le régime de son contrat, de se faire délivrer un livret, de déposer des fonds et de les retirer elle-même, sans l'assistance de son mari et sauf opposition de ce dernier.

Les dispositions de la loi du 20 juillet 1886 sur les Caisses de retraites pour la vieillesse facilitent encore l'épargne de la femme mariée.

La loi du 9 mars 1891, reconnaissant les droits successoraux du conjoint survivant, permet à la femme ayant vécu dans l'aisance au cours du mariage d'échapper à la misère après la mort de son mari.

En 1893, la femme séparée de corps a été affranchie de la nécessité d'une autorisation que le mari lui vendait presque toujours à prix d'argent ou qu'il lui refusait systématiquement pour aboutir au divorce. Une loi récente concède à toute femme majeure le droit d'être témoin dans les actes. Enfin les femmes commerçantes viennent d'être admises à voter dans les élections consulaires, et la femme peut exercer la profession d'avocat.

En outre, les pouvoirs publics sont saisis d'une proposition de loi de M. Jourdan tendant à protéger la femme contre les abus de la puissance maritale, et d'une autre, émanée de M. Goirand, ayant pour objet d'assurer à la femme, quel que soit le régime des époux, la libre disposition des fruits de son travail personnel. Ce dernier projet, voté le 27 février 1896, a été transmis au Sénat qui ne refusera certainement pas sa sanction à une réforme aussi équitable.

On voit que sans abolir, comme le voudrait M. Michelin, l'incapacité légale de la femme mariée, le législateur ne refuse pas de lui accorder les garanties que l'expérience a jugées nécessaires. Le régime dotal n'est pas incompatible avec ces améliorations, surtout s'il est tempéré par la société d'acquets et la possibilité d'aliéner les biens dotaux avec autorisation de justice.

Il n'est donc pas besoin, pour satisfaire aux justes revendications des femmes mariées, de supprimer le régime dotal qui reste encore en harmonie avec les traditions et les mœurs d'une partie de nos provinces, avec ce que Pasquier, dans ses « Recherches », appelle, sans prendre le mot en mauvaise part, la «tyrannie des anciens usages »,

Nous comprenons que la communauté l'emporte sur le système dotal, que presque tous les pays de l'Europe ont écarté comme régime de droit commun.

Faut-il dire, avec Vauvenargues : « Les enfants souffrent moins de leurs fautes que de la prudence de leurs parents? >>> Cette maxime ne peut être vraie que lorsque les parents poussent la prudence et la précaution jusqu'à des limites déraisonnables; lorsque, sous prétexte de protéger leurs enfants, ils les paralysent dans leurs légitimes expansions. Mais nous ne l'appliquerons pas aux enfants que leurs parents ont préservés d'entraînements futurs dont la jeunesse ne soupçonne pas d'avance le péril. Et nous maintenons que le

régime dotal mitigé doit garder sa place dans une législation véritablement progressive et tutélaire. C'est ainsi qu'avec la liberté des conventions matrimoniales, l'intérêt des familles, au moyen d'un régime dotal tempéré, trouvera des garanties qui ne seront pas nuisibles à la prospérité publique et à l'avenir de notre Patriz.

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