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s'exerçait qu'à dater du jour où les valeurs étaient remises au chef du ménage, et à la condition de laisser intacts les droits acquis aux tiers (1).

Sauf certains tempéraments résultant des progrès successifs de la législation, le mari, en droit romain, peut être considéré comme dominus dotis.

Les Parlements de nos provinces méridionales avaient-ils, par leur jurisprudence, entendu opérer une sorte de partage de propriété des biens dotaux entre le mari et la femme, ou, devançant les conceptions modernes d'un régime dotal plus empreint de douceur, se rangeaient-ils à l'idée juste que la femme reste propriétaire de sa dot? Ce qui a laissé des doutes sur ce point, c'est la terminologie juridique que les auteurs et les arrêts, par une sorte de tradition d'école, conservaient religieusement imprégnée des formules latines, sans l'harmoniser avec les progrès dudroit et des

mœurs.

On s'épuisait en distinctions byzantines sur le domaine civil qu'on attribuait au mari et le domaine naturel réservé à la femme. Domat traitait de fiction le dominium de l'époux; Charondas disait que le mari était seigneur de la dot et que l'épouse en était cependant la << vraye dame » parce qu'elle pouvait la « vindiquer » après la dissolution du mariage (2).

Quant à la jurisprudence, elle présentait des divergences notables. Ainsi le Parlement de Bordeaux permettait à la femme de donner tout ou partie de l'actif dotal en obtenant le consentement de son mari, et refusait au chef du ménage le droit d'intenter les actions relatives aux biens constitués. On peut conclure, en dernière analyse, que la femme ne fut jamais considérée comme dépouillée, au profit du mari, du domaine de sa dot. Elle en resta seule la véritable propriétaire, et les pouvoirs du mari plus ou moins étendus, selon les provinces, gardèrent toujours du caractère spécial qui ne permit à aucun moment d'assimiler le chef de l'association conjugale au dominus dotis de l'ancien droit.

Examinons maintenant comment les Parlements entendaient le principe de l'inaliénabilité des biens dotaux.

Louis XIV, par une déclaration du mois d'avril 1664, établit que les obligations et aliénations consenties par les femmes seraient valables dans les pays lyonnais, ainsi qu'en Maconnais, Forez et Beaujolais, sans distinguer entre les biens dotaux et les biens paraphernaux.

(1) Catelan, IV, 55. (2) Liv. II, ch. 5.

Il est donc vrai de dire que l'inaliénabilité de la dot, établie par les Pandectes, ne fut pas la règle absolue et invariable des provinces situées au sud de la Loire.

Ajoutons que même dans les pays où l'esprit dotal s'était le mieux conservé (Bordeaux, Marche, Auvergne), la jurisprudence n'annulait que les aliénations volontaires ou amiables. On n'entendait pas invalider les ventes forcées, ou même celles qu'exigeait l'intérêt de la femme ou qui ne lui causaient aucun préjudice (Coutume de la Marche, art. 299 et 300). Ainsi, même d'après la Coutume de Bordeaux, la femme pouvait consentir l'aliénation de sa dot et renoncer à son hypothèque, si le mari avait d'autres biens suffisants.

Dans les pays de droit écrit, les Parlements, tout en maintenant la règle que les meubles n'ont pas de suite, s'attachèrent à fixer, par des décisions quelquefois un peu arbitraires, le sort des meubles constitués en dot.

Certaines juridictions frappaient la dot mobilière, entre les mains du mari, d'une indisponibilité qui ne cédait que devant les besoins de l'administration: à Bordeaux, par exemple, tous les meubles dotaux, indistinctement, étaient reconnus inaliénables, soit par le mari, soit par la femme, soit par les deux époux agissant conjointement, et cela nonobstant toute séparation de biens; d'autre part ils étaient insaisissables sur la tête du mari pour les dettes par lui contractées (1). La même règle était suivie en Auvergne.

D'autres Parlements tenaient à prohiber toute aliénation de meubles de la part de la femme, en laissant une plus grande latitude au chef de ménage; c'étaient les précurseurs de la jurisprudence actuelle. Ainsi, par exemple, à Toulouse (2), les créanciers du mari pouvaient saisir les meubles dotaux, sauf, pour la femme, le droit de faire annuler la saisie, avant que l'exécution fût parachevée; de même le mari pouvait non seulement toucher les créances dotales, mais encore en opérer le transport à des tiers. Les créances, disaient les arrêts, sont assimilables aux sommes d'argent qu'elles représentent; elles sont meubles par leur nature, et les meubles n'ont pas de suite.

Mais si les Parlements différaient d'opinion sur certaines règles de détail, ils s'accordaient pour déclarer, d'une part, que le mari ne possédait pas une faculté absolue de disposition sur les meubles dotaux; d'autre part, que la femme n'avait le droit d'aliéner sa dot sous aucun prétexte et par aucune voie directe ou détournée,

(1) Tessier, Questions sur la dot, nos 92 et 93. (2) Tessier, ibid.

sauf pour l'établissement de ses enfants, et des motifs de nécessité pressante; qu'elle ne pouvait ni l'engager par ses obligations personnelles, ni renoncer à ses reprises et à l'hypothèque qui lui en assurait la restitution; qu'enfin, après la séparation de biens, l'inaliénabilité continuait à produire ses effets, de sorte que la femme ne pouvait recevoir ses capitaux qu'à la charge d'emploi ou de bail à caution.

Si le fonds dotal avait été aliéné, la jurisprudence des pays de droit écrit en accordait la revendication au mari, à la femme et aux enfants, conformément à la loi Julia.

Sous l'ancienne monarchie, le mari avait l'usufruit et l'administration des biens dotaux; il pouvait même les donner ou les vendre, s'ils étaient fongibles ou si leur consistance et valeur étaient établies par experts (1).

Toutefois il n'avait pas le droit d'engager les biens propres de sa femme, à moins qu'il n'en fût dressé un état estimatif. Quant à l'épouse, il ne lui était pas permis d'obliger ses biens dotaux, dont la gestion était réservée au chef du ménage; elle ne pouvait grever que ses paraphernaux.

Toute libéralité entre époux devait, pour recevoir son exécution, avoir été confirmée expressément ou tacitement par le donateur. En cas de prédécès du donataire, elle devenait caduque de plein droit. La Coutume d'Auvergne défendait à la femme de consentir aucune donation en faveur de son mari; cette disposition reposait sur l'idée que la puissance maritale avait pour effet de vicier l'acte.

Aussitôt que le mariage était dissous par la mort de l'épouse, le mari ou ses héritiers devaient restituer les immeubles dotaux.

En sanctionnant ce principe, les Parlements adoptèrent des solutions différentes selon les cas. Ils distinguèrent entre les événements qui amenaient la dissolution du mariage, ou ils eurent égard à l'origine des biens et deniers dotaux. A Toulouse, à Bordeaux, à Montpellier, à Agen, le mari devenu veuf gagnait la dot mobilière de plein droit. En Auvergne, quelques coutumes locales attribuaient au mari survivant une portion de la dot. C'était ordinairement la moitié du patrimoine de la femme qui restait aux mains du mari par la force de la loi. Nous verrons que le Code civil a rompu avec cette tradition véritablement abusive.

Dans les autres pays de droit écrit, cet avantage ne pouvait être acquis à l'époux qu'en vertu d'une stipulation expresse.

(1) Catelan, IV, 32.

Pour la conservation et la reprise de sa dot, la femme avait dabord l'hypothèque qui résultait, dans l'ancien droit, de tout contrat notarié ; elle jouissait, en outre, de certains privilèges. On sait que la loi de assiduis consacrait au profit de l'épouse un droit de préférence à l'encontre des créanciers dont l'hypothèque était antérieure au mariage. Tous les Parlements du Midi, sauf celui de Toulouse, repoussaient cette législation inique qui, sous prétexte de protéger la femme, ruinait les tiers en déchirant des contrats librement consentis. Même dans le pays de Languedoc, les créanciers pouvaient conserver leurs inscriptions en signifiant à la future épouse qu'ils avaient pris une garantie sur les biens de son fiancé. En outre, le mari et la femme avaient tous deux un privilège sur les biens du constituant pour le paiement de la dot.

Ajoutons que la jurisprudence, plus favorable sur ce point que la loi romaine, faisait courir les intérêts de la dot du jour du mariage.

Quelles règles suivait-on, au XVIIIe siècle, quant à la preuve de l'apport? Sans examiner les arrêts du Parlement de Paris, qui admettaient à tort une prescription décennale, nous rappellerons seulement la jurisprudence du Parlement de Toulouse, qui a inspiré l'article 1569 du Code civil. Voici ce que décidait cette juridiction:

La dot étant constituée par un étranger, le mari, faute de poursuites, demeure responsable de l'actif dotal après dix ans écoulés. Si c'est la mère qui a constitué la dot, le mari en demeure aussi responsable après dix ans ; mais cette présomption ne regarde que les deux époux respectivement: le mari conserve son action contre les constituants, pendant le temps ordinaire de la prescription.

Si la femme s'est dotée elle-même, le mari ne devient responsable par l'effet d'aucun laps de temps; car le mari ne doit pas souffrir de la faute de sa femme.

Tout ce système est basé sur une présomption de faute imputable au chef de ménage. <<< Une trop longue patience, disaient nos anciens jurisconsultes, tourne en négligence, et charge le mari de la dot, tout comme s'il l'avait reçue. >>>

Cette dispense pour la femme de prouver la réception de la dot n'était pas consacrée par le Parlement de Bordeaux. Dans ce ressort, le mari ne répondait de la dot que lorsqu'il s'était écoulé trente ans à partir de l'exigibilité.

L'ancienne jurisprudence permettait d'estimer le trousseau de la femme au cours du mariage (1).

(1) Merlin, Rép., Vo Trousseau, no 3.

Les Parlements autorisaient aussi les époux à convenir d'avance que l'estimation portée au contrat serait considérée comme non avenue (1). Une telle stipulation serait nulle sous l'empire du Code civil.

Outre l'hypothèque légale que son contrat de mariage lui donnait sur les immeubles du mari, la femme avait un privilège sur les meubles appartenant à ce dernier qui se retrouvaient en nature au moment de son décès.

Nous avons également à signaler une mesure de conservation de la dot qui était d'un usage fréquent. Les biens du mari, après la dissolution du mariage, étaient affectés d'une sorte d'antichrèse qui permettait à la femme d'en retenir la possession jusqu'au remboursement intégral de sa dot. C'était le droit de rétention ou d'insistance, qui appartenait à la femme séparée de biens comme à la veuve. Le Parlement de Bordeaux exigeait que ce droit, pour être exercé, eût été stipulé dans le contrat de mariage. Il avait pour effet d'arrêter toute prescription concernant les reprises de la femme.

Indépendamment des garanties dont elle jouissait pour la restitution du bien dotal, la femme avait, dans l'ancien droit, un avantage particulier qu'on appelait l'augment de dot.

On désignait sous ce nom un gain de survie accordé par contrat à la femme sur les biens de son mari à la dissolution du mariage. Cet apport présentait toutefois, une particularité intéressante, c'est qu'il pouvait être exigé au cours du mariage pour subvenir aux besoins de la famille. Il était garanti par une hypothèque tacite, et supposait, comme son nom l'indique, la constitution préalable d'une dot. On appelait contre-augment les droits du mari sur la dot après le décès de sa femme. L'augment n'était jamais égal en quantité à la dot. Dans les coutumes qui admettaient l'augment de plein droit (Bordeaux, Toulouse, statuts locaux d'Auvergne), il était, sous certaines conditions, du double, de la moitié, ou du tiers de la dot. Quant aux pays de droit écrit où l'augment n'était pas adopté, il était d'usage de stipuler en faveur de la femme d'autres gains de survie, tels que bagues ou joyaux ».

C'était une somme en estimation de ces objets, réglée par le contrat de mariage ou par la loi, que la femme survivante prenait avec les meubles qu'elle avait apportés. Ce droit appartenait également au mari dans certaines coutumes.

Un pareil usage existait dans le ressort des Parlements de Toulouse, de Grenoble et de Metz, en Auvergne et en Provence.

(1) Tessier, Traité de la dot, II, p. 223.

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