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Le préfet ne pourra, en aucun cas, prendre, à défaut du maire, un arrêté portant règlement permanent.

Il faisait donc une distinction entre les arrêtés permanents et les mesures à prendre d'urgence et n'autorisait le préfet à substituer son action à celle du maire que pour ces dernières.

Malgré ces restrictions, il fut vivement attaqué par MM. Oudet et Labiche. Défendu par M. Ribière, au nom de la commission, et par M. Le Guay, conseiller d'État, directeur de l'administration départementale et communale, qui, au nom du Gouvernement, invoqua les nécessités supérieures de l'ordre public, il fut rejeté, en première délibération, par 137 voix contre 121 (séance du 12 février 1884).

La commission le représenta en seconde délibération avec une rédaction différente (celle qui est devenue le texte définitif). La discussion s'engagea de nouveau, plus vive encore qu'à la première délibération. Elle occupa une partie de la séance du 5 mars et toute la séance du 6. MM. Oudet, Lenoël et Clément parlèrent contre; le ministre de l'intérieur, pour; M. Waldeck-Rousseau s'attacha surtout à faire ressortir la différence existant entre le texte précédemment écarté par le Sénat et celui qui lui était de nouveau soumis. La nouvelle rédaction n'autorise, en effet, le préfet à se substituer au maire qu'autant qu'il s'agit d'objets intéressant la salubrité, la sûreté et la tranquillité publiques, c'est-à-dire « à la condition qu'il s'agisse, non pas d'un intérêt purement local, mais d'un intérêt de sûreté, de salubrité publique. C'est donc dire, de la façon la plus claire et la plus formelle, qu'il n'y a rien de changé à l'état de la législation et de la jurisprudence.

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L'article a été adopté par 146 voix contre 122.

Lorsqu'il revint à la Chambre des députés, M. Goblet y proposa un amendement tendant à restreindre le droit d'intervention du préfet aux cas où il s'agit de mesures relatives à la sûreté et à la salubrité générales, et à lui interdire, par conséquent, d'intervenir lorsqu'il n'y a en jeu que l'intérêt de la salubrité et de la sûreté publiques dans une commune. Cet

amendement a été rejeté par 252 voix contre 244, après des explications du rapporteur, M. Dreyfus, qui semblait le contester surtout comme inutile (séance du 22 mars 1884).

1121.- En quoi cet article, qui a donné lieu à de si longs débats, modifie-t-il la législation précédente ?

Théoriquement, il tempère ce qu'avait d'excessif la doctrine antérieure qui tendait à considérer la police municipale comme une attribution propre du maire, comme son domaine exclusif. Cette doctrine était contredite, non seulement par les faits, mais encore par la loi elle-même. Cela ressort des explications mêmes d'un des plus ardents défenseurs du système qui n'a pas prévalu, puisque, pour le soutenir, il s'appuyait surtout sur ce que l'autorité supérieure puisait dans des lois spéciales le droit d'intervenir, au nom de l'intérêt général, dans presque toutes les matières que l'article 97 range, cependant, dans la police municipale. (Discours de M. Lenoël, Sénat, séance du 6 mars 1884.)

A ce point de vue, la nouvelle loi reconnaît le caractère mixte des attributions de police. Ainsi que l'explique la circulaire du ministre de l'intérieur du 15 mai 1884, la police a pour but d'assurer l'ordre, la sécurité, la salubrité publiques. La police générale assure l'ordre, la sécurité dans l'ensemble de l'État, du département, d'un groupe de communes ; la police municipale l'assure dans la commune et, comme il n'est pas téméraire de soutenir que tout fait qui trouble l'ordre ou menace la salubrité d'une commune est une atteinte à la sécurité et à la salubrité publiques, on voit combien il est difficile d'établir la distinction tranchée que certains jurisconsultes ont cru trouver entre les deux ordres de police. Le législateur a donc pu, sans violer aucun principe, déclarer que c'était là un domaine commun où l'action du préfet pourrait se substituer à celle du maire négligent.

1122.- La Cour de cassation admettait déjà, sous l'empire

de la loi du 18 juillet 1837, que le préfet pouvait prendre des arrêtés généraux pour toutes les communes du département, lorsqu'il s'agissait de mesures de sûreté générale, et elle considérait comme telles : la police des cabarets et débits de boissons, l'interdiction des couvertures en chaume, les bals publics, la divagation des chiens, l'interdiction des dépôts de fumiers ou d'immondices, etc., etc.

La nouvelle loi permet d'aller plus loin et de considérer comme légal tout arrêté général qui portera sur un objet intéressant la salubrité, la sûreté et la tranquillité publiques'.

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que

1123. Il n'est même pas nécessaire l'arrêté préfectoral s'applique à toutes les communes du département. Il sera légal, alors même qu'il ne s'appliquera qu'à un groupe de communes qui, par suite de circonstances temporaires ou permanentes, devraient être soumises à une réglementation spéciale, à la condition, bien entendu, qu'il s'agisse d'un intérêt de salubrité, de sécurité ou de tranquillité publiques2.

1124. - Enfin, et c'est ici surtout que la loi innove, le préfet peut, sous la même condition, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit d'une mesure intéressant la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques, prendre un arrêté applicable à une seule com

1. La rédaction de l'article ferait croire que le préfet ne peut prendre d'arrêté général que quand les maires n'y ont pas pourvu; d'où cette conséquence que l'arrêté préfectoral ne serait pas applicable dans les communes où existerait déjà un règlement municipal sur la même matière. Mais tel n'est pas le cas de l'article. Ainsi que l'a déclaré le rapporteur du Sénat, répondant à M. Clément, l'existence d'arrêtés municipaux antérieurs ne fait pas obstacle à ce que le préfet prenne un arrêté général et à ce que cet arrêté soit obligatoire pour toutes les communes du département.

2. Rappelons que la Chambre a refusé d'adopter un amendement de M. Goblet tendant à substituer au mot publique le mot générale, en vue de restreindre le droit du préfet lorsqu'il n'y a en cause que l'intérêt de la salubrité, de la sécurité on de la tranquillité dans une commune. Ainsi que l'a reconnu l'auteur même de l'amendement, la rédaction de l'article autorisera les tribunaux à considérer comme légal tout arrêté préfectoral de police pris sur la salubrité ou la sécurité publique, sans qu'on puisse exiger qu'il justifie d'un intérêt s'étendant à toutes les communes du département.

mune; mais il faut, dans ce cas, que le maire ait été préalablement mis en demeure d'agir et que cette mise en demeure soit restée sans résultat', c'est-à-dire que le maire n'ait pris aucune mesure ou n'ait pris que des mesures insuffisantes. La mise en demeure préalable est indispensable pour la validité de l'arrêté préfectoral. (Cass. 25 mars 1897, Revue générale d'administration, 1897, t. II, p. 314.)

1125. Si le maire avait pris un arrêté exagérant les précautions, le préfet ne pourrait se substituer à lui et modifier les conditions imposées par l'autorité municipale. (Cons. d'État 23 mai 1890, Champ, Revue générale d'administration, 1890, t. II, p. 428.)

1126. La loi du 27 janvier 1902 permet, au contraire, aut préfet d'agir à la place du maire, sans mise en demeure préalable, mais après s'être administrativement assuré de ses intentions, lorsqu'il s'agit d'interdire l'affichage sur les monuments ayant un caractère artistique. (Voir n° 893.)

1127. La loi du 15 février 1902 sur la protection de la santé publique porte que « les règlements sanitaires communaux ne font pas obstacle aux droits conférés au préfet par l'article 99 de la loi du 5 avril 1884 ». (Voir n° 1017.)

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1128. Aux matières que nous avons citées (n° 1122) comme pouvant faire l'objet de règlements préfectoraux, nous ajouterons l'interdiction d'atteler les chiens et de leur faire.

1. La circulaire ministérielle du 15 mai 1884 semble exiger, au moins par l'exemple qu'elle cite, que la mesure prise par le préfet, bien que s'appliquant à une seule commune, intéresse les communes voisines. L'exemple cité est, en effet, celui d'une mare dont les émanations sont un danger pour les communes voisines. Mais, étant donné le rejet de l'amendement Goblet, cette interprétation nous paraît trop restrictive et nous pensons que l'intention du législateur a été de donner au préfet le droit de prendre les mesures de police qu'exige même l'intérêt d'une seule commune, lorsque cet intérêt est un intérêt d'ordre, de salubrité ou de sécurité publique.

traîner des fardeaux (Cass. 2 avril 1897, Vve Delhayes, Revue gén. d'admin., 1897, t. III, p. 304), l'interdiction des courses de taureaux (Cass. 17 octobre 1895; Cons. d'Ét. 3 décembre 1897, Dax) et les précautions à prendre pour le transport et la conduite à l'abattoir ou pour l'abatage des animaux (L. 21 juin 1898, art. 67). [Voir no 993.]

1129.

Le maire peut, en son nom personnel, attaquer pour excès de pouvoirs un arrêté pris par le préfet en matière de police municipale. (Cons. d'Ét. 8 décembre 1893.)

1130. Une circulaire ministérielle du 25 mars 1901, rappelant des instructions précédentes du 19 juin 1877, recommande aux préfets de communiquer au ministre, en minute et avant publication, les arrêtés réglementaires qu'ils jugent nécessaires de prendre en vertu de l'article 99. Cette procédure, ajoute la circulaire, permettra « de rapprocher et de comparer entre elles les dispositions de chaque arrêté général, afin d'éviter les contradictions, de combler les lacunes et de faire modifier les prescriptions d'une légalité discutable ou jugées excessives, non seulement en soi, mais par rapport à celles des autres règlements préfectoraux ».

Ces instructions doivent être rapprochées de la circulaire ministérielle du 26 octobre 1841, citée en note sous le n° 828.

Nancy imprimerie Berger-Levrault et Cie

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