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772. Les contestations qui peuvent s'élever à l'occasion des partages sont tantôt du ressort de l'autorité administrative, tantôt du ressort de l'autorité judiciaire.

Lorsqu'une commune refuse de sortir de l'indivision, c'est l'autorité judiciaire seule qui peut ordonner le partage. L'administration a, toutefois, en vertu de ses pouvoirs de tutelle, la faculté, si elle ne juge pas le partage opportun, de ne pas l'autoriser1.

C'est également à l'autorité judiciaire à régler les droits prétendus par les communes ou sections de communes sur les biens indivis entre elles (Con. d'Ét. 16 avril 1863, Blessac), à fixer la part à laquelle chacune d'elles a droit, lorsqu'elles invoquent des titres (Cons. d'Ét. 28 novembre 1809, Vauvey; 7 mai 1823, Lancié ; 20 juin 1844, Mairieux; Cass. 21 janvier 1852, Eysus; 22 juin 1854, Arganchy; 16 avril 1863, Courcelles); à statuer sur l'indemnité à laquelle l'une d'elles prétendrait avoir droit pour frais de gestion pendant l'indivision (Con. d'Ét. 11 novembre 1898).

C'est aux conseils de préfecture qu'il appartient, en vertu de la loi du 10 juin 1793 (section V, art. 1 et 2) et de la loi du 9 ventôse an XII, de statuer sur les contestations qui s'élèvent au sujet de l'application des bases de partage et de la validité de l'acte de partage. (Trib. des conflits 2 mai 1850, Échillais; 17 mai 1855, Valergues; Cons. d'Ét. 19 juillet 1878, Marret.)

La compétence de la juridiction administrative s'étend également, en matière de partage des biens communaux, à tous les points contentieux ressortant des prétentions des habitants de la commune à la jouissance d'une part des biens communaux, et se rattachant nécessairement au mode de partage adopté.

Elle embrasse, en conséquence, toutes les questions d'apti

1. A la condition, bien entendu, que l'indivision n'existe qu'entre communes ou sections de communes, car un particulier aurait le droit absolu de sortir d'indivision. Dans aucun cas, le partage entre communes ne peut ètre ordonné d'office, si aucune des communes coproprietaires ne le demande.

tude personnelle qui ne sont pas définies par le Code civil, et ne rentrent pas dans les questions préjudicielles d'état ou de droit civil nécessairement réservées aux tribunaux civils.

Elle comprend, notamment, en matière d'affouage, les questions relatives à l'application de l'article 105 du Code forestier, modifié par la loi du 19 avril 1901, qui a établi, même pour le domicile, des conditions distinctes des règles de la loi civile ordinaire. (Trib. confl. 4 juillet 1896.)

La Cour de cassation, qui avait longtemps hésité sur la question, s'est définitivement rangée à cette opinion. (Cass. 7 juillet 18981.)

773.

Quant aux opérations administratives du partage (désignation des experts, expertise, formation et distribution des lots), c'est au préfet à les prescrire et à apprécier les réclamations qui peuvent s'élever à ce sujet (Cons. d'Ét. 7 mai 1823, Lancié; 25 janvier 1839, Continvoir; 26 avril 1848, Rivière-Devant); à moins qu'une des communes ou sections ne soutienne que le lot qui lui est attribué n'a pas une valeur proportionnée aux droits qui lui appartiendraient dans la propriété indivise, cas auquel les tribunaux seraient compétents. (Cons. d'Ét. 26 février 1863 et 10 septembre 1864, Bescat; 29 août 1865, Arudy.)

774. La loi de 1884 ne change rien à la compétence respective des tribunaux et des conseils de préfecture. Touchet-elle aux droits du préfet?

1. Voir, sur le partage des compétences, les conclusions de M. David, commissaire du Gouvernement, au recueil des arrêts du Conseil d'État, sous l'arrêt du 19 juillet 1878, Marret; Lebon, 1878, p. 702, et celles de M. Rau devant le Tribunal des conflits, arrêt du 3 février 1894, Revue communale, 1895, p. 549.

2. Pour la formation des lots, il doit être procédé à une expertise par deux experts désignés par les communes intéressées et, en cas de désaccord, le préfet nomme un tiers expert. (L. 10 juin 1793, art. 3 et 4). L'arrêté préfectoral qui nommerait les trois experts sans avoir mis les communes en demeure de les designer, serait entaché d'excès de pouvoir. (Cons. d'Ét. 29 août 1865, Arudy.)

La loi du 18 juillet 1837 classait le partage des biens indivis entre plusieurs communes ou sections au nombre des affaires sur lesquelles les conseils municipaux délibéraient, sauf approbation (art. 19, 4°). La délibération devait être approuvée par le préfet en conseil de préfecture ou par ordonnance, suivant la valeur des biens et l'importance du revenu des communes (art. 46). ·

Le décret du 25 mars 1852 transféra au préfet le droit de statuer sur tous les partages, quelle que fût la valeur des biens (art. 1, tabl. A, n° 41), sauf en ce qui concerne les bois soumis au régime forestier, auxquels ne s'applique pas le décret du 25 mars 1852. (Voir Décis. Int., Bulletin int., 1856, p. 57.)

La loi du 5 avril 1884 ne mentionne pas les partages dans l'énumération de l'article 68 relative aux délibérations réservées à l'approbation, bien que le projet de loi du Gouvernement les y eût compris. Faut-il en conclure que les délibérations prises par les conseils municipaux sur les partages seront désormais exécutoires par elles-mêmes en vertu de l'article 61 ?

Nous ne le pensons pas. Le partage doit, à notre avis, être mis, au point de vue de l'approbation, sur la même ligne que les aliénations et échanges'.

775. L'arrêté préfectoral qui approuve un partage n'est pas susceptible d'être déféré au Conseil d'État par la voie du recours pour excès de pouvoir. (Cons. d'Ét. 22 juin 1854, Arganchy; 11 septembre 1898, Pontcharra.)

776. - Pour le partage des bois, nous avons dit (no 774) que le décret de 1852 n'avait rien changé à la législation. Il reste régi par le Code forestier dont l'article 92 porte que la pro

1. On pourrait aussi se fonder sur ce que la disposition du décret du 25 mars 1852 qui donnait compétence au préfet n'est pas abrogée, mais l'article 168, 14o, déclare abrogé le no 48 du tableau A annexé au décret du 13 avril 1861, lequel n'était que la reproduction du no 41 du décret du 25 mars 1852. Voir Dalloz, 1888, II, p. 217, note 2.

LOI MUNICIPALE, - I.

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priété des bois communaux ne peut jamais donner lieu à partage entre les habitants. Mais lorsque deux ou plusieurs communes possèdent un bois par indivis, chacune conserve le droit d'en provoquer le partage.

777. Affouage. C'est ici le lieu de parler de l'affouage communal, qui n'est en réalité que le partage des fruits des bois et auquel s'appliquent la plupart des règles que nous venons d'exposer.

Le droit d'affouage est le droit qu'ont les habitants de la commune de prendre dans les bois communaux le bois de chauffage et de construction.

La loi de 1884 n'en parle dans aucune de ses dispositions, et nous aurons à tirer les conclusions de ce silence.

La loi de 1837 comprenait expressément les affouages dans les objets que le conseil municipal réglait par ses délibérations en se conformant, ajoute l'article 17, aux lois forestières.

C'est en effet dans le Code forestier que se trouvent les règles de l'affouage.

L'article 105 de ce Code, modifié une première fois en 1883 (L. du 23 novembre) et plus récemment en 1901 (L. du 19 avril), dispose qu'à défaut de titre contraire, le partage de l'affouage, qu'il s'agisse des bois de chauffage ou des bois de construction, se fera de l'une des trois manières suivantes :

1o Ou bien par feu, c'est-à-dire par chef de famille ou de ménage ayant domicile réel et fixe dans la commune avant la publication du rôle ;

2o Ou bien moitié par chef de famille ou de ménage et moitié par tête d'habitant remplissant les mêmes conditions de domicile.

Sera, dans les deux cas précédents, seul considéré comme

1. Voir une étude sur l'affouage communal, commentaire de la loi du 19 avril 1901 publiée dans la Revue générale d'administration, 1901, t. II, p. 129, 257, et t. III, p. 28.

Voir également plus loin le commentaire de l'article 133, 2o, nos 1454 à

chef de famille ou de ménage l'individu ayant réellement et effectivement la charge et la direction d'une famille ou possédant un ménage distinct, où il demeure et où il prépare et prend sa nourriture;

3o Ou bien par tête d'habitant ayant domicile réel fixe dans la commune avant la publication du rôle.

Chaque année, dans la session de mai, le conseil municipal déterminera lequel de ces trois modes de partage sera appliqué. Il pourra aussi décider la vente de tout ou partie de l'affouage au profit de la caisse communale.

Dans ce dernier cas, la vente aura lieu par voie d'adjudication publique, par les soins de l'administration forestière1. Les usages contraires à ces modes de partage sont et demeurent abolis.

Les étrangers qui remplissent les conditions ci-dessus indiquées ne pourront être appelés au partage qu'après avoir été autorisés, conformément à l'article 13 du Code civil, à établir leur domicile en France.

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778. S'il existe des tires, c'est-à-dire des écrits (chartes, édits, règlements), sur lesquels s'appuient d'anciens usages, autorisant un mode de partage autre que ceux que prévoit la loi, ces modes pourront être conservés, pourvu que le conseil municipal y consente.

779. Si le conseil municipal voulait les abandonner pour adopter un des trois modes prévus par la loi, sa délibération serat-elle exécutoire par elle-même, ou sera-t-elle soumise à l'approbation? Nous pensons que le silence de la loi du 5 avril 1884 qui n'a pas compris l'affouage parmi les objets sur lesquels le conseil municipal prend des délibérations soumises à l'approbation (art. 68), fait rentrer la matière sous l'application de l'ar

1. Voir le dépôt, par le ministre de l'agriculture, d'un projet de loi tendant à modifier cette disposition (séance de la Chambre 5 novembre 1901).

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