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ART. 82.

Délégations données par le maire.

LOI DU 5 AVRIL 1884.

Le maire est seul chargé de l'administration; mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints, et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints, à des membres du conseil municipal.

Ces délégations subsistent tant qu'elles ne sont pas rapportées.

LOI DU 18 JUILLET 1837, ART. 14.

Le maire est chargé seul de l'administration; mais il peut déléguer une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints, et, en l'absence des adjoints, à ceux des conseillers municipaux qui sont appelés à en faire les fonctions.

667. Le maire est seul chargé de l'administration; ses adjoints sont ses collaborateurs, mais ne sont pas membres d'une administration collective. Sans doute, il arrivera souvent qu'avant de prendre une décision importante, le maire fera appel aux conseils de ses adjoints, mais ce concert officieux ne doit pas être mentionné dans les actes que le maire signe sous sa seule responsabilité. (Décis. Min. Int. 6 octobre 1838; 24 février 1844.)

668.

Prévoyant le cas où le maire ne pourrait pas seul suffire aux devoirs multiples de ses fonctions, la loi de 1884, comme la législation ancienne, l'autorise à déléguer, sous sa surveillance et sa responsabilité (ces mots sont nouveaux, ils ne figuraient pas dans la loi de 1837), une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints, et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints, à des conseillers municipaux.

Il ne s'agit point ici du cas où le maire est absent ou empêché, cas prévu par l'article 84 de la loi, mais uniquement de l'hypothèse où, se trouvant sur les lieux, ce magistrat veut se décharger d'une partie de ses trop nombreuses attributions en

les conférant à un adjoint ou à un membre du conseil municipal.

669. Le maire ne pourrait donc pas, dans le cas d'ab sence ou d'empêchement, charger un adjoint ou un conseiller municipal d'agir à sa place. Il n'a point le droit, en effet, de nommer un maire provisoire'.

En cas d'absence du maire, le premier adjoint en remplit les fonctions et exerce les pouvoirs municipaux dans leur plénitude, alors même qu'avant son départ le maire aurait délégué à un autre adjoint une partie de ses fonctions. (Décis. Int. 17 octobre 1875.)

670. L'adjoint ou le conseiller municipal qui fait les fonctions de maire peut, comme le maire lui-même, déléguer une partie de ses attributions. (Décis. Int. 26 avril 1843.) Mais celui qui n'agit qu'en vertu d'une délégation ne pourrait déléguer à son tour une partie des attributions qui lui ont été confiées.

671. Aux termes mêmes de la loi, le maire ne peut donner de délégations aux conseillers municipaux qu'en cas d'absence ou d'empêchement des adjoints 2. Il n'a donc point le droit de

1. Une pensée contraire semblait se dégager tant des observations présentées à la séance du Sénat du 9 février 1884 par M. Baragnon, avec l'assentiment tacite de la commission, sous l'article 84, que de quelques paroles du rapporteur, sous l'article 82, dans les séances des 4 et 29 mars. On a paru admettre que la déléga tion donnée par le maire subsistait même en l'absence du maire, même en cas de remplacement du maire et que son successeur, se trouvant en face de cette déléga‐ tion, devait la rapporter expressément pour y mettre fin ; mais dans la séance du 4 mars 1884, M. Clément, parlant sur l'article 84, a fait remarquer avec beaucoup de raison que le maire révoqué (et on peut en dire autant du maire absent, suspendu ou empèché par tout autre motif) est remplacé dans la plénitude de ses fonctions par un adjoint ou un conseiller municipal; qu'il n'a plus d'autorité et que les pouvoirs qu'il a donnés de son chef disparaissent. Comme sanction de ses observations, M. Clément a obtenu que le paragraphe portant que les délégations subsistent tant qu'elles ne sont pas rapportées, au lieu de figurer à l'article 84 qui parle du maire révoqué, suspendu ou empêché, fùt transporté à l'article 82. La question parait done tranchée par ce vote.

2. Les mots ou en cas d'empêchement », qui ne figuraient ni dans la loi de 1837, ni dans la rédaction votée en première lecture à la Chambre des députés, ont été ajoutés entre les deux délibérations.

672.-527 déléguer une partie de ses fonctions à un conseiller municipal quand il existe un adjoint qui peut s'en acquitter, mais rien n'oblige le maire à observer le rang des adjoints.

Le maire devait, au contraire, d'après la loi de 1837, tenir compte de l'ordre du tableau lorsqu'il s'agissait de conseillers municipaux; la délégation devait être donnée aux conseillers appelés à faire les fonctions d'adjoints et la Cour de cassation a reconnu que la délégation des fonctions d'officier de l'état civil donnée à un conseiller qui ne vient pas en ordre utile au tableau, si elle n'est pas, comme l'avait pensé le tribunal civil de la Seine, une cause de nullité absolue des mariages célébrés par ce conseiller, était néanmoins contraire au texte de la loi. La rédaction votée par la Chambre des députés maintenait, sur ce point, le texte de la loi de 1837; mais la rédaction présentée et votée en seconde délibération porte, au lieu de : <«< ... aux conseillers municipaux qui sont appelés à faire fonctions d'adjoint », ceci : « ... à des conseillers municipaux ». Le maire ne sera donc plus obligé d'observer l'ordre du tableau.

L'éloignement n'a pas été considéré comme constituant une cause légale d'empêchement (Décis. Int. 11 novembre 1892, Revue gén. d'admin., t. III, p. 454); de même le défaut d'aptitude de l'adjoint (4 novembre 1893, ibid., 1894, t. I, 67).

672. L'adjoint ou le membre du conseil sur qui le maire veut se décharger d'une partie de ses attributions, peut-il refuser la délégation?

En principe, l'adjoint est le collaborateur du maire et, en acceptant ses fonctions, il s'engage, non seulement à remplacer celui-ci en cas d'absence ou d'empêchement, mais encore à remplir celles des attributions dont le maire jugera bon, dans l'intérêt du service, de se décharger sur lui; toutefois, c'est là

1. Jugement du 23 février 1883. (Voir dans la Revue générale d'administration le texte de ce jugement, 1883, t. I, p. 450, et l'arrêt de la Cour de cassation du 7 août 1883, ibidem, 1883, t. III, p. 207.)

plutôt une obligation morale que légale et on ne voit pas comment on pourrait contraindre un adjoint à accepter une délégation qu'il refuserait.

673. Le texte soumis en première délibération à la Chambre des députés n'autorisait le maire qu'à faire des délégations à titre temporaire et particulier, mais, par contre, il spécifiait que le maire pouvait déléguer aussi bien les attributions qu'il tient des lois générales que celles qu'il tient des lois spéciales. Ces deux membres de phrase ont disparu dans la rédaction définitive. On doit donc admettre, d'une part, que la délégation peut être permanente, d'autre part, qu'elle peut porter sur l'ensemble de tout un service, tel que l'instruction publique, la voirie, l'octroi et comprendre même, dans ce cas, le droit de faire les règlements relatifs à l'objet délégué, ce que l'ancienne jurisprudence contestait.

La cour de Poitiers a jugé par arrêt du 28 janvier 1882 que la délégation d'un conseiller municipal pour la direction de la gestion d'un octroi est régulière et valable. Si elle est faite sans réserve, elle attribue au conseiller délégué tous les pouvoirs dont le maire est lui-même investi pour la gestion de l'octroi et notamment le droit de faire dresser, à sa requête, des procès-verbaux de contravention.

On lit également dans un jugement du tribunal correctionnel du Havre que la faculté accordée au maire de déléguer à ses adjoints une partie de l'autorité municipale implique nécessairement pour l'adjoint auquel cette délégation est faite, le droit d'exercer, sur les matières à lui confiées, le pouvoir réglementaire, lorsque la délégation ne contient à cet égard aucune réserve (18 avril 1883).

674. Enfin, de la suppression des paragraphes qui comprenaient expressément dans les attributions susceptibles d'être déléguées celles que le maire tient des lois spéciales, on doit conclure, croyons-nous, qu'il n'est rien innové à cet

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égard et que le maire peut déléguer toutes celles de ses attributions que les lois particulières ne lui interdisent pas de déléguer.

675. Parmi ces dernières, il faut citer les fonctions de ministère public près le tribunal de simple police, pour lesquelles la loi du 27 juillet 1873 établit une suppléance spéciale (Cass. 10 mars 1892, Revue générale d'alministration, 1892, t. III, p. 68 et 2 mars 1894) et la présidence des commissions administratives des établissements de bienfaisance qui, aux termes de la loi du 21 mai 1873, ne peut être exercée que par le maire ou par l'adjoint qui remplit dans leur pléni

tude les fonctions de maire.

Quant aux fonctions d'officier de l'état civil, pour lesquelles on a quelquefois contesté l'application des règles tracées par la loi municipale, l'arrêt ci-dessus rappelé de la Cour de cassation du 7 août 1883 (voir n° 671) reconnaît qu'elles peuvent être déléguées aux conditions et dans les formes prévues par la loi municipale.

676. Dans quelle forme sera faite la délégation? une délégation verbale sera-t-elle suffisante? La commission du Sénat avait introduit dans l'article 82 une disposition portant que la délégation devait être faite par arrêté, arrêté qui, dans sa pensée, devait être transcrit au registre de la mairie, et dont l'effet devait subsister tant qu'il n'était pas rapporté (art. 84, § 2). Ces dispositions ont été rejetées en première lecture (séance du 9 février 1884); mais elles ont été rétablies en seconde délibération (séance du 4 mars). Supprimées de nouveau par la Chambre, elles ont été maintenues par le Sénat, malgré l'opposition de M. Le Bastard (séance du 29 mars 1884) et définitivement acceptées par la Chambre (séance du 31 mars). Les délégations, pour être valables, devront donc être données par arrêté spécial qui sera transcrit au registre de la mairie, où tous les intéressés pourront ainsi le consulter.

LOI MUNICIPALE,

I.

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