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L'article 65 détermine par qui et dans quelle forme l'annulation doit être provoquée et prononcée.

457. Par qui l'annulation peut-elle être provoquée ? Elle peut, en premier lieu, être prononcée d'office par le préfet (statuant en conseil de préfecture).

Elle peut aussi être provoquée par toute partie intéressée.

Que faut-il entendre par partie intéressée ? - Toute personne à qui la délibération porte préjudice, pour nous servir de l'expression du rapporteur, est partie intéressée.

Mais les simples électeurs ou habitants qui ne justifieraient pas d'un intérêt direct et personnel devraient être déclarés non recevables, l'intérêt étant la base de toute action et l'action publique n'appartenant qu'au préfet. (Cons. d'Ét. 13 janvier 1882,Albert.)

Les membres du conseil municipal agissant ut singuli ne sont pas parties intéressées dans le sens de la loi. (Cons. d'Ét. 24 janvier 1896, Crosnier; 16 juillet 1897, Martignat, Revue générale d'administration, 1897, t. III, p. 34; 9 février 1900, Lejéas '.)

Quid pour les simples contribuables? Tout récemment encore, le Conseil d'État déclarait qu'ils n'étaient pas parties intéressées, le seul intérêt qu'ils puissent invoquer étant la part qu'ils seront appelés à payer dans les dépenses votées par le

1. Les membres du conseil municipal devraient, d'après la doctrine d'un arrêt du Conseil d'État rendu en matière de délibération du conseil général, être considérés comme parties intéressées (12 mars 1875, Les Conseils généraux, I, p. 791). Mais l'article 67 n'admet à se pourvoir contre l'arrêté d'annulation que le conseil municipal agissant collectivement et écarte les recours formés par des conseillers agissant ut singuli. Du reste, la doctrine de cet arrèt a été plus tard abandonnée. (Voir décisions du Conseil d'État 4 février 1895, déclarant non recevable le recours d'un conseiller général de Constantine, et du 25 mai 1900 déclarant non recevable un recours dirigé par des membres du conseil général de la Corse contre une délibération de cette assemblée, Revue générale d'administration, 1900, t. III, p. 37.)

conseil municipal et cet intérêt se trouvant sauvegardé par le recours en décharge qui leur est ouvert par les lois de finances et qui leur permet de contester la légalité des cotisations qui leur seraient imposées. De nombreuses décisions avaient été rendues dans ce sens (5 janvier 1883, Guicheux; 8 juin 1883, Raba; 9 avril 1886, Duvigneau; 2 mars 1888, Chenou; 4 février 1898, Debrotonne).

Cette doctrine s'appuyait en outre sur un argument de texte assez fort. L'article 66, ainsi que nous le verrons plus loin (no 468), admet, lorsqu'il s'agit de délibérations simplement annulables, à provoquer l'annulation les parties intéressées et tout contribuable de la commune. Pourquoi la loi aurait-elle, dans ce cas, nommé spécialement les contribuables s'ils devaient être compris parmi les parties intéressées ?

Cependant, un arrêt du 29 mars 1901 déclare formellement que « les contribuables d'une commune ont intérêt, en cette qualité, à faire déclarer nulle une délibération ayant pour objet l'inscription d'une dépense au budget de cette commune et qu'ils sont ainsi parties intéressées dans le sens de l'article 65 » (Olmeto).

Cette décision mérite d'autant plus d'être remarquée qu'au nombre des requérants deux étaient indubitablement intéressés et que le conseil aurait pu statuer sur la requête sans trancher la question; mais il a tenu à déclarer que les contribuables en tant que contribuables sont recevables à se pourvoir. (Voir Revue générale d'administration, 1901, t. III, p. 168.)

458. Dans quel délai l'annulation doit-elle être provoquée ?

Ainsi que nous l'avons dit (n° 441), le caractère distinctif de la nullité de plein droit est de pouvoir être opposée ou demandée à toute époque. La loi, dit le rapporteur du Sé

1. Il en était autrement sous l'empire de la législation antérieure : l'annulation ne pouvait être prononcée que pendant le délai d'un mois. (Voir Cons. d'Et. 17 no

nat, donne aux représentants de l'intérêt public le droit de prononcer et, aux parties qui peuvent être lésées dans leurs intérêts particuliers, le droit d'opposer à toute époque, soit comme demandeurs, soit comme défendeurs, soit dans une demande principale, soit par voie d'exception, la nullité de droit qui leur préjudicie (séance du 8 février 1884). Les seules exceptions qui limitent l'action, quant au temps, et dont nous parlerons plus loin (nos 462 et 473), sont celles qui résultent de l'application des principes généraux du droit.

459. Le texte primitif de l'article 65 pouvait faire croire que les parties intéressées n'avaient pas le droit de provoquer la nullité par action principale et qu'ils devaient attendre que la délibération qui leur porte préjudice fût mise à exécution à leur égard pour y opposer leur demande en nullité. L'article portait en effet : « La nullité peut être opposée par toutes les parties intéressées à toute époque » ; mais, sur les observations présentées au Sénat par M. Clément dans les séances des 8 et 9 février 1884, le texte a été complété par ces mots : « La nullité peut être proposée ou opposée par les parties... » Celles-ci peuvent donc, dès qu'elles ont connaissance de la délibération, et sans attendre qu'on la leur oppose, en provoquer la

nullité.

460. La faculté accordée aux parties intéressées de demander ou d'opposer en tout temps la nullité d'une délibération n'empêche pas cette délibération de devenir exécutoire. Lorsqu'il s'agit de délibérations réglementaires, elles sont exécutoires un mois après le dépôt à la préfecture ou à la souspréfecture (art. 68, dernier paragraphe). Le préfet peut même abréger ce délai. Il peut, aux termes de l'article 66, § 7 (no 472),

vembre 1876, Dieppe; 12 mai 1832, Arc-sous-Montenot.) - Le nouvel article 65 ne permettrait pas d'annuler aujourd'hui des délibérations, même illégales, antérieures à la loi de 1884; c'est l'application de la règle: Tempus regit actum.

si aucune réclamation des parties ne s'est produite, déclarer, au bout de quinze jours, qu'il ne s'oppose pas à l'exécution. Lorsqu'il s'agit d'une délibération soumise à l'approbation, l'approbation, si elle appartient au préfet, doit être donnée ou refusée dans le délai d'un mois (art. 69, no 539). Il peut donc arriver et il arrivera souvent qu'une délibération exécutoire et déjà mise en partie à exécution sera arguée de nullité. C'est à un inconvénient qui n'a pas échappé aux rédacteurs de la loi, mais cet inconvénient ne leur a pas paru suffisant pour sacrifier les intérêts des tiers'.

461. La circonstance que le préfet aurait déjà approuvé la délibération n'est pas de nature à l'empêcher de déclarer la nullité de cette délibération. (Cons. d'Ét. 16 février 1894, Brieulles-sur-Meuse.)

L'annulation peut être partielle et ne frapper qu'une des conditions ou une réserve de la délibération. (Cons. d'Ét. 31 juillet 1891, Espalion; 26 décembre 1885, ville de Paris.)

462.

Rappelons que, d'après la jurisprudence du Conseil d'État, lorsque la délibération a été suivie d'un contrat de droit. commun, tel qu'un contrat de bail, de vente, etc., les intéressés ne peuvent plus se pourvoir directement devant l'autorité administrative en annulation de la délibération. L'autorité judiciaire est seule compétente pour apprécier la validité du contrat, et l'autorité administrative ne pourrait être saisie que si les tribunaux renvoyaient les parties à se pourvoir devant elle

1. Quant au danger qu'il y aurait à voir se produire des réclamations tardives contre des faits depuis longtemps accomplis, il se trouvera atténué, ainsi que l'ont expliqué les membres de la commission au Sénat, par cette considération que le juge pourra très bien, en examinant les faits, reconnaître en cette matière, comme dans toute matière analogue de nos lois et de notre droit civil en particulier, qu'il y a eu ratification de la part de la partie qui viendra, au bout de 10, 15 ou 20 ans, réclamer la nullité de cette délibération. Ce sera une question de fait qui sera soumise à l'appréciation du juge; mais le juge, en cette matière, sera souverain comme dans toute matière analogue de notre droit. (Déclaration de M. Ribière, séance du 9 février 1884.)

pour faire juger préjudiciellement les questions qui seraient du ressort exclusif de l'administration, l'autorité judiciaire se réservant, dans ce cas, de tirer de l'appréciation faite par l'autorité administrative telle conséquence que de droit, au point de vue de la validité du contrat. (Cons. d'Ét. 1er décembre 1859, Ducimetière; 9 janvier 1867, Verdier; 2 février 1877, Soubry; 15 juillet 1898, Binot de Villiers; 11 mai 1900, Sampigny.)

463. L'autorité chargée de déclarer la nullité est le préfet statuant en conseil de préfecture, c'est-à-dire dans la forme administrative. Lorsque le préfet statue en conseil de préfecture, il prend l'avis du conseil, mais il n'est pas tenu de le suivre.

Le préfet est obligé de prendre l'avis du conseil de préfecture, soit qu'il accueille la demande, soit qu'il la rejette. (Cons. d'Ét. 14 décembre 1888, Cambrai; 1er février 1901, Destrois.)

Les intéressés ne peuvent directement s'adresser au Conseil d'État; ils doivent d'abord saisir le préfet. (Cons. d'Ét. 12 juin 1896, Giraud; 1er avril 1898, Pillon de Saint-Philbert.)

464. Lorsque le préfet n'agit pas d'office et qu'il est saisi par une partie intéressée, il est tenu de statuer dans le mois et de rendre une décision, soit qu'il accorde, soit qu'il refuse l'annulation. Cette obligation résulte du paragraphe 6 de l'article 66 (voir no 471) ajouté par le Sénat sur la demande de M. Clément (séances des 8 et 9 février 1884) et, bien qu'il figure sous l'article spécial aux annulabilités, nous pensons qu'il doit également s'appliquer aux annulations de plein droit 2.

1. L'autorité administrative appelée, sur le renvoi du tribunal, à statuer est le ministre de l'intérieur dont la décision peut alors ètre déférée en appel au Conseil d'État statuant au contentieux (2 février 1877, veuve Soubry). Il en était ainsi autrefois, du moins avant que la doctrine du ministre juge du contentieux administratif fut abandonnée.

2. Le ministre de l'intérieur émet le même avis dans sa circulaire du 15 mai 1884.

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