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d'empêcher un conseil municipal, organe de la majorité des électeurs, d'opprimer la minorité, ou de sacrifier trop légèrement à l'intérêt général ou même à un intérêt de parti, les intérêts privés. Mais, si l'on admet cette ingérence de l'autorité supérieure en vue de protéger les intérêts particuliers, c'en est fait de l'autonomie communale, et on retombe forcément dans le système actuel. Car rien ne serait plus facile à l'autorité supérieure, si une délibération prise par un conseil municipal lui déplaisait, que d'avancer qu'elle lèse un intérêt particulier et de l'annuler sous ce prétexte. Il ne faudrait donc recourir à un système aussi dangereux, que s'il n'y avait absolument pas d'autre moyen de protéger les intérêts particuliers. Mais telle n'est pas la situation qui résulte pour eux de nos lois françaises. Chaque fois que l'intéressé peut faire valoir à l'appui de ses réclamations non seulement des raisons de convenance et d'agrément, mais encore des raisons de droit, il peut recourir, suivant les cas, soit à la juridiction ordinaire, soit à la juridiction administrative et spécialement au Conseil d'État. Ce dernier corps s'est constitué depuis longtemps le défenseur de l'intérêt privé, lorsque cet intérêt est injustement lésé, lors, par exemple, qu'une mesure administrative porte atteinte à la liberté des conventions, de l'industrie et du commerce, ou lorsqu'elle entraîne pour un particulier un dommage direct et matériel. Cette intervention se traduit, tantôt par l'annulation de la mesure attaquée, tantôt par l'allocation d'une indemnité à la partie intéressée, tantôt par ces deux réparations cumulées. Elle est aussi efficace que vigilante. Elle offre à l'intérêt privé les plus sérieuses garanties. Il est donc très inexact d'affirmer que si les conseils municipaux ont un droit de décision propre, il sera désarmé vis-à-vis d'eux. Il est vrai qu'il ne suffirait pas, pour amener les tribunaux judiciaires ou administratifs à admettre les recours formés devant eux, qu'il y eût seulement un intérêt compromis; il faut qu'il y ait un droit proprement dit, méconnu et lésé. Mais il en est ainsi en toute matière, soit que l'intéressé croie avoir à se plaindre d'un conseil municipal, ou d'un conseil général, ou d'un préfet, ou d'un ministre, ou simplement d'un autre particulier... La commission s'est rendu compte, avec tout le soin possible, des cas où les particuliers seraient exposés à voir leurs intérêts sacrifiés par les décisions d'un conseil municipal. Elle est restée convaincue que ces cas seraient rares, et que le dommage subi ne pourrait guère présenter d'importance sans qu'il y eût un droit lésé, et par suite obligation pour la commune de réparer le préjudice causé.

Il nous a donc paru qu'il n'y avait pas de raisons suffisantes pour con tinuer à laisser au préfet le pouvoir, sous prétexte de sauvegarder les intérêts particuliers, d'annuler les délibérations d'un conseil municipal, et nous lui avons enlevé cette faculté.

425. Le conseil municipal règle les affaires de la commune. Le préfet n'a donc pas à approuver les délibérations des conseils municipaux et la lettre par laquelle il refuserait

d'approuver une délibération exécutoire par elle-même ne pourrait être déférée au Conseil d'État, car elle ne fait pas obstacle à l'exécution de la délibération. (Cons. d'Ét. 8 juin 1888, Raffaelli.)

Si, au contraire, la délibération est viciée et que la nullité en soit demandée au préfet, celui-ci doit en prononcer l'annulation, conformément à l'article 66, et il ne lui suffirait pas de déclarer qu'il ne sera donné aucune suite à la délibération. Car, à défaut d'annulation prononcée, celle-ci produira son plein et entier effet; les intéressés peuvent donc en poursuivre l'annulation devant le Conseil d'État. (Cons. d'Ét. 1er février 1901, Poitiers.)

Délibérations exécutoires après approbation.

426. La loi posant en principe que le conseil règle par ses délibérations les affaires de la commune, les seules délibérations pour lesquelles l'approbation devra être désormais obtenue sont celles qu'une disposition spéciale de loi ou de règlement d'administration publique exige de soumettre, soit au préfet, soit au ministre, soit au chef de l'État, soit à la ratification législative. (Voir art. 68, nos 482 et suiv.)

Avis.

427. Les cas dans lesquels les conseils municipaux doivent donner avis sont énumérés dans l'article 70. (Voir le commentaire de cet article, n° 554 et suiv.)

Réclamation contre le contingent assigné à la commune dans l'établissement des impôts de répartition.

428. Aux termes de l'article 45 de la loi du 10 mai 1838, la répartition du contingent attribué par le conseil général à l'arrondissement est faite entre les communes par le conseil

LOI MUNICIPALE, — I.

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d'arrondissement dans la seconde partie de sa session annuelle. Les communes qui se trouvent lésées par cette répartition peuvent en appeler au conseil général, qui prononce définiti vement. (Loi du 10 août 1871, art. 38.) Le conseil d'arrondissement est obligé de se conformer à la décision prise par le conseil général. S'il ne s'y conformait pas, le préfet, en conseil de préfecture, modifierait la répartition conformément auxdites décisions. (Loi du 10 mai 1838, art. 45.) La nouvelle loi municipale ne fait que confirmer sur ce point la législation ancienne.

Vœux.

429. Le conseil municipal, dit le quatrième paragraphe de l'article 61, peut émettre des vœux sur tous les objets d'intérêt local. Mais il ne peut émettre de vœux ni sur les questions politiques (voir art. 72, nos 573 et suiv.), ni même sur les questions d'administration générale ou sur les questions économiques'. Tout vœu qui porterait sur des questions qui ne sont pas d'intérét exclusivement local devrait être annulé comme portant sur un objet étranger aux attributions des assemblées municipales (art. 63, voir no 443). Il ne suffirait pas, pour couvrir l'illégalité d'un vœu portant sur une question politique ou d'administration générale, que le conseil déclarât ne s'en occuper qu'au

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1. Ont été annulés, comme portant sur des objets étrangers aux attributions des conseils municipaux, les vœux ci-après : Vou demandant la revision de la Constitution; vœu demandant la suppression du budget des cultes (Décret du 24 mars 1881) ou la séparation des cultes et de l'État ; vœu demandant la revision des circonscriptions électorales (Déc. du 12 mai 1869, Bordeaux); - vœu demandant la réduction du service militaire; vœu tendant à faire frapper d'un droit compensateur les produits étrangers introduits en France; vou tendant à la modification de la loi scolaire ; vœu tendant à la modification de la législation municipale; -vœu demandant le déplacement d'un commissaire de police; vœu demandant le maintien d'une institutrice communale déplacée par le préfet (Déc. du 11 décembre 1881, Desles). Tous ces vœux portent, en effet, soit sur des questions politiques, soit sur des questions d'administration ou de législation générale, soit sur des actes d'autorités à l'égard desquelles le conseil municipal n'a pas de contrôle à exercer.

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430-431.-403 point de vue des intérêts locaux. Les conseils municipaux ne sont pas des assemblées politiques ou des assemblées chargées de veiller aux intérêts généraux. Aujourd'hui, surtout, que leur rôle dans la gestion des affaires municipales a été si considérablement élargi, ils doivent, plus que jamais, s'abstenir de tout empiétement sur le domaine réservé aux autres assemblées.

Désignation des répartiteurs.

430. Aux termes de la loi du 3 frimaire an VII, la répartition du contingent des contributions directes assigné à la commune est faite entre les contribuables par une commission composée du maire et d'un adjoint, et de cinq citoyens contribuables fonciers, dont deux au moins non domiciliés dans la commune, s'il s'en trouve de tels1.

Les répartiteurs établissent, en outre, les rôles des taxes assimilées aux contributions directes et notamment les matrices de la taxe sur les voitures et les chevaux et de la taxe municipale sur les chiens.

Ils sont nommés pour un an et restent en fonctions jusqu'à la nomination de leurs successeurs. (Circ. Minist. Fin. 27 août 1835.)

431.

Le choix des répartiteurs, qui appartenait en l'an VII aux municipalités de canton, est passé aux sous-préfets. (Arrêté consulaire du 18 floréal an VIII.) Les maires ont continué à faire des présentations; mais la jurisprudence des ministères de l'intérieur et des finances reconnaissait que le choix

1. Aux termes de la loi de frimaire an VII, il devait y avoir dans les communes de moins de 5,000 habitants deux officiers municipaux désignés à cet effet dans les autres communes. Cette disposition n'est plus applicable et, dans toutes les communes, le maire et son adjoint font partie de droit du conseil de répartition. (Cons. d'Et. 24 novembre 1882, Rouget-de-l'Isle.)

du sous-préfet n'était pas lié par les présentations municipales, et qu'il pouvait se porter sur d'autres candidats.

Au cours de la discussion de la loi municipale, M. Le Provost de Launay demanda que la nomination des répartiteurs fût donnée aux conseils municipaux; mais la Chambre des députés a maintenu le droit de nomination au sous-préfet, en n'accordant au conseil municipal que le droit de présenter une liste de candidats double du nombre des répartiteurs titulaires et suppléants à nommer. Désormais le sous-préfet ne peut plus nommer en dehors de la liste.

432. La nomination doit être faite au commencement de l'année. Les conseils municipaux doivent être appelés à faire leurs propositions dans leur session de novembre. (Décis. Int. mars 1885.)

Les répartiteurs adjoints sont au nombre de cinq.

Les seuls contribuables qui peuvent être nommés répartiteurs sont ceux qui figurent aurôle de la contribution foncière. (Décis. Min. Fin. avril 1884.)

Le conseil municipal désigne les candidats au scrutin secret. (Décis. Int. 6 mars 1894, Revue générale d'administration, 1895, t. III, p. 458.)

Le préfet ou le sous-préfet peut, à son choix, prendre les titulaires et les suppléants sur la liste des dix candidats dressée par les conseils municipaux, et ne pas s'arrêter à la distinction qu'ils auraient faite entre les titulaires et les suppléants. (Décis. Fin. 21 mars 1885; Cons. d'Ét. 8 mars 1889, Saint-Pons.)

En cas de refus du conseil municipal de faire des présentations, le préfet ou le sous-préfet peut nommer directement les répartiteurs titulaires et suppléants, après mise en demeure expresse adressée au conseil. (Décis. Fin. mars 1886, BassesPyrénées.)

Si les répartiteurs nommés refusent de délibérer, le préfet peut, d'office, arrêter le travail de répartition (Décis. Fin. 6 février 1889, Tarn), et l'instruction des affaires est considérée

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