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Il n'y a d'exception que pour les juges suppléants non rétribués1, auxquels l'instruction n'est pas confiée, et pour les greffiers 2.

166. Sous l'empire de la loi du 5 mai 1855, qui écartait des fonctions de maire « les membres des cours et tribunaux », on décidait que cette expression comprenait les membres de la Cour des comptes et de la Cour de cassation. La loi de 1884, qui ne parle que des magistrats des cours d'appel, laisse, par conséquent, en dehors les magistrats des Cours de cassation et des comptes.

L'incompatibilité ne s'étend pas davantage aux membres des tribunaux de commerce. La discussion de la loi du 21 mars 1831, dont le texte a été reproduit par les lois de 1855 et 1884, ne laisse aucun doute sur ce point. On avait, en effet, proposé de déclarer incompatibles les fonctions de président des tribunaux de commerce, mais cette proposition ne fut pas adoptée par la Chambre des députés. (Moniteur du 6 février 1831, p. 251.)

Il en est de même pour les présidents et membres des conseils de prud'hommes. (Décis. Min. Just. 1838 et 18583.)

Antérieurement à la loi du 21 mars 1831, les huissiers étaient exclus des fonctions municipales. (Décis. 5 fructidor an V, 8 décembre 1828.) Mais dans l'état actuel de la législation, aucune incompatibilité n'existe plus entre ces fonctions. (Décis. Min. Just. 13 octobre 1876, Bull. offic., 76, p. 213.) Les huissiers ne sont point, en effet, membres des cours ou tribunaux.

1. La Chambre a repoussé, dans sa séance du 2 juillet 1883, une proposition de M. Cunéo d'Ornano tendant à étendre l'inéligibilité aux juges suppléants.

2. Ainsi décidé par la Chambre des députés, qui a, par deux fois, refusé de substituer à l'expression magistrats des cours... celle de membres des cours... afin de n'y pas comprendre les greffiers. (Séances du 10 février et du 2 juillet 1883. Avis du Conseil d'Etat du 22 mars 1888, en ce qui concerne les greffiers de justice de paix.)

3. La loi sur les prud'hommes, discuter à la Chambre des députés, qui accorde sur le budget communal des vacations aux membres du conseil, ferait naître la question de savoir s'ils ne doivent pas être considérés comme inéligibles en qualité d'agents salariés de la commune. (Voir no 182, note.)

167.-231 Quant aux notaires ou avoués, rien ne s'est jamais opposé à ce qu'ils fussent élus.

167.- Juges de paix.-L'inéligibilité écrite dans la loi du 14 avril 1871 est maintenue; les juges suppléants et les greffiers de justice de paix' restent éligibles.

Un conseiller municipal qui viendrait, postérieurement à son élection, à être nommé juge de paix, pourrait-il conserver son mandat de conseiller ou devrait-il donner sa démission? La jurisprudence de la chancellerie a varié sur cette question. On peut soutenir que la loi a voulu surtout empêcher un juge de paix d'user de son influence pour se faire élire dans son canton, mais que, comme elle n'a pas rangé les fonctions de juge de paix parmi celles dont l'exercice est incompatible avec le mandat de conseiller (art. 34), l'on ne doit pas déclarer d'office démissionnaire un conseiller qui se trouverait dans cette situation.

Cette théorie serait admissible si l'article 33, qui ne devrait, d'après son intitulé, parler que des inéligibilités, ne mentionnait des situations qui certainement sont incompatibles, telles que la situation d'entrepreneur d'un service communal et d'agent salarié de la commune. Si on admettait qu'un conseiller nommé juge de paix peut conserver son mandat, il faudrait admettre aussi qu'un conseiller devenu entrepreneur de service communal ou employé salarié de la commune peut également rester conseiller, ce qui nous paraît impossible. Nous sommes donc amené à penser qu'aucune des situations visées dans l'article 33 n'est compatible avec l'exercice du mandat de conseiller, et que quand l'article 36 dit qu'on peut déclarer démissionnaire « tout conseiller qui, pour une cause survenue postérieurement à sa nomination, se trouve dans un des cas d'exclusion ou d'incompatibilité prévus par la loi », il vise non seulement les causes d'incapacité prévues par l'article 32 et les causes d'incompatibilité prévues par l'article 34, mais encore

1. Voir la note au no 165.

les causes d'inéligibilité énoncées à l'article 33. (Décis. Int. 20 mars 1886, Dordogne.) Le Conseil d'État s'est, du reste. prononcé dans ce sens (17 juillet 1897, Lagrasse). [Voir no 207.]

168. Comptables de deniers communaux.

Les inéligibilités précédentes ont pour but surtout de respecter la liberté des électeurs; la loi ne veut pas que des fonctionnaires qui ont une autorité soient tentés d'en abuser pour se faire élire.

Les inéligibilités prévues par le paragraphe 5 de l'article 33 (de même que celle qui frappe les agents salariés de la commune) ont une autre cause. C'est parce que les comptables des deniers communaux, les entrepreneurs de services communaux et les agents salariés de la commune sont dans une sorte de dépendance vis-à-vis du conseil municipal, que la loi les écarte de l'assemblée communale. Ce sont donc beaucoup plutôt des incompatibilités que des inéligibilités.

Les comptables de deniers communaux figuraient, dans l'énumération de l'article 9 de la loi du 5 mai 1855, parmi les personnes qui ne peuvent être conseillers municipaux.

Au premier rang des comptables municipaux, il faut placer le receveur municipal ou le percepteur chargé d'en remplir les fonctions; l'incompatibilité s'étendrait même au gérant provisoire de la recette municipale. (Cons. d'Ét. 16 août 1832, Torte-Ostalet.)

Mais elle n'atteint pas le trésorier-payeur général (Drôme, 1886), ni le receveur particulier (Cons. d'Ét. 11 juillet 1866, Sancerre), ou le percepteur des contributions directes qui n'est pas chargé de la recette munipale, bien qu'il perçoive les centimes additionnels communaux. (Cons. d'Ét. 17 septembre 1838, Orange.)

La question a été autrefois débattue de savoir si un fermier des droits d'octroi ou des droits de place était un comptable. municipal. A notre avis, le fermier qui perçoit pour son compte et non pour le compte de la commune, n'est pas un comptable

de revenus communaux dans le sens de la loi; la question est plus douteuse de savoir s'il doit être considéré comme entrepreneur d'un service communal; le Conseil d'État fait, à cet égard, une distinction entre les fermiers des droits d'octroi et les autres fermiers. (Voir n° 172.)

Mais les percepteurs des droits de place et les régisseurs d'octroi qui opèrent les recouvrements pour le compte de la commune sont évidemment dés comptables communaux. Une personne personne déclarée le conseil de préfecture comppar table occulte ne tombe pas sous le coup de l'incompatibilité prévue par ce paragraphe, si les faits à raison desquels cette déclaration est intervenue étaient spécialement désignés et ont pris fin au jour du vote. (Cons. d'Ét. 2 juillet 1875, Ansot.)

L'incompatibilité qui frappe le comptable ne s'étend pas à sa caution. (Par analogie, Cons. d'Ét. 16 juillet 1866, Napoléon-Vendée; 29 décembre 1888, Villefranche.)

169. Les comptables des établissements qui ont une administration et une comptabilité distinctes de celle de la commune ne sont pas frappés par l'article 33. Ainsi jugé à l'égard des receveurs des bureaux de bienfaisance (Cons. d'Ét. 8 janvier 1836, Denombret); des receveurs ou économes d'hospices (Cons. d'Ét. 8 mai 1841, La Ferté-Gaucher; 31 juillet 1843, Bourbourg; 10 août 1847, Saint-Gest1; 12 janvier 1900, Saint-Riquier); des caissiers, sous-caissiers et secrétaires des caisses d'épargne, alors même que la commune garantirait leur

1. Nous n'envisageons ici la question qu'au point de vue de l'application de l'article 33 de la loi municipale; mais l'instruction générale des finances du 20 juin 1859 (art. 1273), se plaçant à un autre point de vue, déclare que, par application du principe posé par les anciennes lois, « il y a incompatibilité entre deux emplois, lorsque le titulaire de l'un d'eux est chargé d'exercer ou de concourir à la surveillance médiate ou immédiate de la gestion du titulaire de l'autre emploi », les receveurs des communes et des établissements de bien aisance ne peuvent cumuler avec leurs fonctions, celles de maires, d'adjoints ou de membres dès conseils municipaux. Mais on peut objecter que les lois de la Révolution n'ont fait que poser un principe général dont les lois ultérieures ont déterminé l'application pour chaque cas particulier. Or, la loi municipale a réglé quelles sont les fonctions qui, à raison

gestion. (Cons. d'Ét. 19 juillet 1878, Vertus; 12 décembre 1884, Nogent-sur-Seine.)

Il doit en être de même des trésoriers de fabriques, alors même que ces fabriques sont secourues par la commune (Cons. d'Ét. 1o décembre 1888, Giez), et des caissiers des monts-depiété.

Mais le principal d'un collège aux dépenses duquel la commune pourvoit entièrement, qui s'est engagé à percevoir la rétribution payée par les élèves et à la verser dans la caissse municipale à des époques fixes, après en avoir tenu un registre exact, a été considéré avec raison comme comptable de revenus communaux. (Cass. 2 janvier 1837, Meaux.)

Au contraire, un directeur d'école préparatoire de médecine qui ne fait aucune perception pour la commune ne peut être assimilé à un comptable communal. (Cons. d'Ét. 23 mai 1861, Toulouse.)

A plus forte raison le locataire par bail d'un immeuble communal. (Cons. d'Ét. 8 mai 1841, Manosque.)

170. Entrepreneurs de services communaux. Les entrepreneurs de services communaux que la loi de 1884, de même que l'ancienne, écarte des conseils municipaux ne doivent pas être confondus avec les entrepreneurs de travaux communaux ou avec les fermiers de biens ou de revenus communaux, lesquels sont en principe éligibles.

Les entrepreneurs de services communaux, tels que les entrepreneurs de l'éclairage ou du balayage, sont ceux qui ont avec la ville des rapports constants d'intérêt, qui les placent sous la surveillance du conseil municipal. Mais l'adjudicataire d'un travail déterminé, si important qu'il soit, est un simple

de la surveillance confiée aux conseils municipaux, sont incompatibles avec le mandat de conseiller municipal et elle n'a pas compris les fonctions de receveurs des établissements hospitaliers parmi ces fonctions. Le Conseil d'État reconnaît expressément, dans son arrèt du 12 janvier 1900, que les prescriptions de l'instruction de 1859 ne peuvent servir de base à une demande d'annulation par la voie contentieuse.

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