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En fait, il n'y avait pas une grande différence entre les listes

municipales et les listes politiques.

Le relevé arrêté au 31 mars 1884 donnait pour toute la France:

Electeurs municipaux. .

Électeurs inscrits sur les listes complémentaires

Total des électeurs politiques.

10,062,425

141,803

10,204,228

C'est donc avec pleine raison que la loi de 1884 a rétabli l'unité de liste.

Cette disposition ne figurait pas cependant dans le projet primitif et le texte adopté en première lecture par la Chambre des députés se bornait à dire que les conseillers municipaux seraient élus par le suffrage universel dans les formes et conditions prescrites par les lois en vigueur.

Mais, en seconde lecture, le texte a été modifié en ce sens que les élections seraient faites sur les listes dressées en exécution de la loi du 7 juillet 1874, sur lesquelles seraient inscrits les citoyens âgés de 21 ans jouissant de leurs droits civils et politiques qui résident dans la commune depuis six mois. Ainsi donc, on maintenait les deux listes, mais cette distinction n'avait plus aucune utilité, puisque les élections politiques et municipales devaient se faire les unes et les autres sur les listes municipales complétées par les listes politiques. Un scrupule avait arrêté la Chambre des députés : la loi du 7 juillet 1874 sur l'électorat municipal étant visée dans la loi constitutionnelle sur l'élection des députés, on avait cru devoir en respecter le texte, tout en la rendant sans application (séance de la Chambre du 6 juillet 1883).

Ce même système avait été adopté par le Sénat en première délibération (séance du 5 février 1884).

Entre les deux délibérations, la commission du Sénat avait

1. Voir le relevé des électeurs inscrits sur les listes municipales et sur les listes politiques de 1874 à 1884, Revue générale d'administration, 1884, t. II, p. 341.

LOI MUNICIPALE. — I.

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proposé une rédaction qui constituait déjà une simplification ; elle portait que « les conseillers municipaux seraient élus par le suffrage universel sur les listes dressées en exécution de la loi organique du 30 novembre 1875, relative, à l'élection des députés »>.

Mais c'était encore maintenir l'existence de deux listes, puisque la liste qui sert aux élections législatives se compose: 1o de la liste municipale; 2° de la liste complémentaire des électeurs politiques.

M. Cazot en fit l'observation à la séance du 1er mars 1884 et, sur le renvoi de l'article à la commission, celle-ci proposa et fit adopter, dans la séance du 4 mars, le texte actuel qui consacre l'unité de liste, mais en permettant d'inscrire sur cette liste unique, non seulement ceux qui avaient le droit d'être portés sur la liste politique, mais encore ceux qui puisaient dans la loi du 7 juillet 1874 le droit d'être inscrits sur la liste municipale.

La liste unique se composera donc :

1° De tous les Français âgés de 21 ans n'étant dans aucun cas d'incapacité prévu par la loi et qui habitent la commune depuis six mois. Ce sont les termes mêmes du décret du 2 février 1852 (art. 13). Toutes les conditions de résidence (six mois, un an, ou deux ans, suivant les cas) imposées par la loi du 7 juillet 1874 disparaissent;

2o Doivent en outre être inscrits, soit d'office, soit sur leur réclamation (car la distinction entre les électeurs qui devaient être inscrits d'office et ceux qui ne pouvaient l'être que sur leur réclamation disparaît également 1):

a) Les électeurs qui, bien que n'habitant pas la commune, y ont leur domicile réel2, c'est-à-dire leur domicile légal suivant la définition du Code civil;

1. Voir néanmoins une exception au b ci-après.

2. Cette disposition, empruntée à la loi du 14 avril 1871, a été introduite dans la

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b) Ceux qui sont inscrits au rôle d'une des 4 contributions directes ou au rôle des prestations en nature et qui, s'ils ne résident pas dans la commune, auront déclaré vouloir y exercer leurs droits électoraux. Cette disposition figurait dans la loi du 7 juillet 1874, mais cette loi exigeait l'inscription au rôle depuis un an. Il suffira désormais, pour avoir droit à l'inscription, de justifier qu'on figure sur le rôle au moment où l'on réclame son inscription'. Continuent du reste à être assimilés aux citoyens inscrits sur les rôles des prestations, les membres de la famille compris dans la cote des chefs de famille et les habitants qui, à raison de leur âge, auront cessé d'être soumis à cet impôt ;

c) Les Alsaciens et Lorrains qui, en vertu de l'article 2 du traité de paix du 10 mai 1871, ont opté pour la nationalité française et déclaré fixer leur résidence dans la commune, conformément à la loi du 19 juin 1871 (reproduction de la loi du 7 juillet 1874);

d) Les ministres des cultes reconnus par l'État et les fonctionnaires publics assujettis à une résidence obligatoire, qui peuvent, sans justifier de six mois de résidence, obtenir leur inscription. Mais il ne faut oublier pas que si ces fonctionnaires sont dispensés de la durée ordinaire de résidence, ils restent soumis, pour toutes les formalités relatives à l'inscription, aux règles ordinaires. Ils ne peuvent donc être inscrits

loi sur la proposition de MM. Batbie et Delsol (séances du Sénat des 3 et 4 mars 1884).

1. Peut-être mème pourrait-on invoquer le bénéfice du paragraphe 4 de l'article 14, et obtenir son inscription en justifiant qu'on est en instance pour être porté sur le rôle et qu'on y sera porté avant le 31 mars. D'autant plus que les rôles des contributions ne sont pas ordinairement publiés au moment de la revision des listes et que l'effet de la publication des rôles remonte au 1er janvier. Cette solution a été adoptée par la Cour de cassation, qui a décidé qu'un individu qui a obtenu le 12 mars, par mutation de cote, son inscription sur le rôle des contributions directes d'une commune, a le droit d'y ètre inscrit sur les listes électorales, l'effet de la mutation rétroagissant au 1er janvier. (Cass. 5 novembre 1900, Revue générale d'administration, 1901, t. II, p. 45.)

Voir au no 144 les privilèges que la loi attache à l'inscription au rôle des contributions directes au point de vue de l'éligibilité.

d'office par la commission chargée de la préparation des listes postérieurement au 15 janvier et ils ne peuvent utilement demander eux-mêmes leur inscription que dans le délai de 20 jours ouvert à tous les électeurs, du 15 janvier au 4 février. Par conséquent, le fonctionnaire arrivé dans la commune postérieurement au 4 février ne pourra être porté que sur les listes de l'année suivante. (Cass. 25 mai 1887, Laffon.)

L'article 14 reproduit, en outre, deux dispositions de la loi du 7 juillet 1874, portant que les conditions d'âge et de résidence exigées pour l'inscription sur les listes peuvent n'être remplies qu'au moment de la clôture des listes, c'est-à-dire au 31 mars, et que l'absence de la commune pour le service militaire ne porte aucune atteinte aux droits d'inscription des électeurs. Les électeurs inscrits avant leur appel sous les drapeaux doivent donc être maintenus sur les listes malgré leur absence. Ceux qui n'avaient pas encore la durée de résidence pour y être portés peuvent l'acquérir pendant leur service et réclamer leur inscription, conformément à l'article 14 du décret du 2 février 1852; mais ils ne pourront profiter de cette inscription pour voter que s'ils sont en congé régulier, c'est-à-dire de plus de 30 jours, les militaires présents au corps ne pouvant prendre part à aucun vote. (Loi du 27 juillet 1872, art. 5; Loi du 30 novembre 1875, art. 2.)

63.

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Lorsqu'il existait deux listes, une liste politique et une liste municipale, la jurisprudence de la Cour de cassation reconnaissait aux électeurs le droit d'être portés comme électeurs politiques dans la commune de leur résidence et comme électeurs municipaux dans la commune où ils étaient inscrits au rôle des contributions et où ils déclaraient vouloir exercer leurs droits électoraux municipaux.

Aujourd'hui encore, le même électeur peut remplir les conditions voulues pour être inscrit dans plusieurs communes. Ainsi, il peut être inscrit: 1° dans la commune où il réside;

2o dans celle où il a son domicile légal (si ce domicile légal est distinct de sa résidence de fait), et 3° dans la commune où il paie des contributions et où il déclare vouloir exercer ses droits. Le rapporteur du Sénat a reconnu expressément, dans la séance du 4 mars 1884, que cette faculté pour l'électeur de réclamer son inscription dans plusieurs communes, existe et qu'il y aura, en fait, des inscriptions multiples. « L'inscription sur plusieurs listes, dit M. Demôle, du même électeur a toujours été un fait contre lequel les législations antérieures ont été absolument impuissantes, et la preuve c'est que dans la loi pénale électorale, dans le décret de 1852, on a prévu le cas où l'électeur porté sur deux ou plusieurs listes différentes aurait abusé de cette inscription multiple pour voter dans deux ou plusieurs communes. Il nous a paru impossible d'empêcher les municipalités de faire figurer sur les listes communales des électeurs qui, au vu et su des administrateurs municipaux, réunissent toutes les conditions ordinaires pour être électeurs. Nous croyons donc que l'inconvénient que je signalais tout à l'heure, qui existe toujours, contre lequel on ne peut opposer aucun remède, ne doit pas vous empêcher d'accepter la rédaction proposée. » (Séance du Sénat du 4 mars 1884.)

De ces explications, il résulte bien que le Sénat considérait les inscriptions multiples comme possibles en fait; mais elles ne tranchent nullement la question, tout autre, de savoir si la double inscription est légale en droit et si un électeur pourra être légalement porté comme électeur dans plusieurs communes, ou si, au contraire, l'unité de liste rend désormais indivisible l'exercice du droit électoral et si le même électeur ne pourra exercer ce droit que dans une des communes, à son choix, où il a le droit d'être inscrit; par conséquent, si l'électeur inscrit dans une commune devra, pour obtenir légalement. son inscription dans une autre commune, justifier qu'il a demandé sa radiation des listes de la première commune.

64. - Cette question a été tranchée par un arrêt de la Cour de

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