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ne parle expressément d'indemnité; mais, lors de la discussion. de la loi de 1837, il avait été déclaré que le règlement, soit amiable, soit d'office, des conditions de la séparation, pourrait comporter le paiement d'une indemnité pour les bâtiments conservés. Et cela est très juste dans certains cas. Supposons une section A qui possède à elle seule tous les édifices publics, construits aux frais de la généralité des habitants de la commune et qui demande à se séparer de la section B, laquelle ne possède aucun édifice. Cette section B, qui a payé sa part dans les édifices publics qui deviennent la propriété exclusive de la section A érigée en commune, serait obligée d'en construire de nouveaux avec ses seules ressources et un territoire réduit de moitié! Évidemment, après la séparation, la commune A devra, en équité, tenir compte à la commune B de cette inégalité de situation.

M. Lorois n'a pas insisté sur son observation, un membre de la Chambre ayant répondu que la loi ne prévoyait pas d'indemnité.

Mais au Sénat le rapporteur a nettement indiqué, au contraire, que la fixation des indemnités qui pouvaient être dues de part ou d'autre était un des points principaux sur lesquels porterait le règlement des conditions à faire par le conseil général, le décret ou la loi. (Voir séance du 5 février 1884 1.)

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31. La loi de 1837, après avoir confié à l'autorité qui prononce la réunion ou la distraction le soin d'en régler les conditions, ajoutait : « sauf réserve dans tous les cas de toutes les questions de propriété ». La loi de 1884 n'a pas reproduit

1. Le Conseil d'État admet difficilement le principe d'une indemnité à raison de la perte de la propriété ou de la jouissance des bâtiments affectés à un service public (11 février 1866, section de Clérimois); toutefois, on peut citer des exemples de pareilles indemnités accordées, notamment à la commune de La Ferté-Bernard (Avis du 18 juillet 1889) et à la commune du Vésinet (Avis du 11 juin 1885) pour les pertes du cimetière, de l'école et de l'église.

Il a admis également le principe d'une indemnité pour la diminution du rendement de l'impôt (9 avril 1884, com. de Grenoble et de Saint-Martin-le-Vinoux) et

cette réserve, mais il a été expressément déclaré par le rapporteur du Sénat que si la propriété ou la jouissance de tel ou tel bien était revendiquée par une section à l'encontre de la commune, si, par exemple, la section que l'on veut distraire d'une commune se prétend propriétaire exclusive d'un pré que la commune revendique au contraire comme pré communal, ou seule usagère d'un bois, ces questions litigieuses sont et demeurent de la compétence exclusive des tribunaux, sans qu'il soit nécessaire de s'en expliquer dans le texte de loi (séance du 5 février 1884). L'application des règles tracées par l'article 7 suppose que nulle contestation ne s'élève sur les droits respectifs de propriété.

32. M. Batbie avait présenté, entre les deux délibérations, à la commission du Sénat, une série d'articles additionnels destinés à régler certaines questions que la loi de 1837 ne tranche pas expressément, et notamment l'emploi des revenus en argent des biens sectionnaires qui, tout en entrant dans la caisse commune, doivent néanmoins être particulièrement employés dans l'intérêt de la section. Mais, sur les conseils de la commission qui lui a fait observer que ces dispositions additionnelles pourraient réveiller des contestations qui sont à peu près pacifiées dans la pratique, il a retiré sa proposition' (séance du 8 mars 1884).

pour le préjudicé résultant de la perte du droit à la récolte du goémon, la commune créée étant séparée de la mer (25 juillet 1884, com. de Saint-Léonard); mais il s'est toujours refusé à reconnaître le droit à indemnité pour la simple diminution de territoire. « Les divisions territoriales ayant été établies par la loi dans un but d'ordre public et de bonne administration et les communes n'étant pas propriétaires des territoires compris dans leurs limites, la distraction d'une partie du territoire d'une commune ne saurait justifier l'allocation d'une indemnité. Il en est ainsi alors mème que l'allocation de cette indemnité aurait obtenu l'assentiment des deux municipalités.» (Notes de jurisprudence du Conseil d'État.)

1. Ces amendements n'ont mème pas été imprimés. Ils ne faisaient guère que consacrer législativement les solutions de la jurisprudence.

ART. 8.

Changements de noms de communes résultant d'une modification dans ses limites ou du transfèrement du chef-lieu.

LOI DU 5 AVRIL 1884.

Les dénominations nouvelles qui résultent soit d'un changement de chef-lieu, soit de la création d'une commune nouvelle, sont fixées par les autorités compétentes pour prendre ces décisions.

33. Nous avons vu (art. 2,

(Cet article n'a pas de correspondant dans la législation municipale antérieure.)

(art. 2, no 3) que les changements de

noms de commune sont décidés par décret.

I

L'article 8 trace une règle différente pour les changements de noms qui résultent du changement du chef-lieu de la commune ou de la création d'une commune nouvelle (il serait plus juste de dire par un remaniement dans la circonscription des communes). Les dénominations nouvelles sont, dans ces divers cas, fixées par les autorités compétentes pour prendre ces décisions, c'est-à-dire par délibération du conseil général ou par décret lorsqu'il s'agit d'un transfèrement de chef-lieu (art. 6), par une délibération du conseil général, un décret ou une loi s'il s'agit d'une modification dans la circonscription des communes (art. 5 et 6).

Cette disposition de la loi constitue une innovation. Précédemment, la jurisprudence déclarait que le conseil général, lorsqu'il prononçait, en vertu de l'article 46, § 24, de la loi du 10 août 1871, le transfert d'un chef-lieu de commune, n'avait pas qualité pour changer le nom de la commune et qu'un décret spécial devait intervenir pour donner à la commune le nom de son nouveau chef-lieu 2. Il ne faut pas croire, en effet, que

1. Cet article formait le second paragraphe de l'article 2 du projet voté par la Chambre des députés. Dans les remaniements effectués par le Sénat, il est devenu le premier paragraphe de l'article 7, puis l'article 8.

2. Lorsqu'il s'agissait d'une création de commune ou de toute autre modification de circonscription prononcée par un décret ou par une loi, le même acte statuait, au contraire, sur la dénomination.

les communes doivent nécessairement porter le nom de leur chef-lieu. C'est la règle générale ; mais il y a d'assez nombreuses exceptions; beaucoup de communes, formées de la réunion de plusieurs anciennes communes, continuent notamment à porter les deux noms réunis par un trait d'union et peu importe l'ordre dans lequel les deux noms sont inscrits. Ainsi la commune de Bécourt-Bécordel, après avoir obtenu le transfèrement du cheflieu de Bécourt à Bécordel avait demandé que, comme conséquence, l'ordre des noms fût changé. Le Conseil d'État n'a pas pensé qu'il y eût lieu d'autoriser cette interversion, qui lui a paru sans intérêt réel. (Revue générale d'administration, 1896, 2-3, p. 16.)

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34. La loi ne trace pas de procédure spéciale pour le cas où le changement de nom est la conséquence d'un transfèrement de chef-lieu ou d'une modification de circonscription. Dans ce cas, en effet, le changement de nom est soumis à la même instruction que la mesure principale (enquêtes, avis des commissions syndicales, des conseils municipaux, etc., etc.).

ART. 9.

Dissolution du conseil municipai en cas de réunion
ou de fractionnement des communes.

LOI DU 5 AVRIL 1884.

Dans tous les cas de réunion ou de fractionnement de communes, les conseils municipaux sont dissous de plein droit. Il est procédé immédiatement à des élections nouvelles.

LOI DU 18 JUILLET 1837, art. 8.

Dans tous les cas de réunion ou fractionnement de communes, les conseils municipaux seront dissous. Il sera procédé immédiatement à des élections nouvelles.

35. L'article 8 de la loi du 18 juillet 1837 portait : « Les conseils municipaux seront dissous » et l'on s'était demandé si

la dissolution résultait du texte même de la loi ou s'il fallait qu'un décret de dissolution intervînt. (La pratique était dans ce dernier sens.)

D'après la loi de 1884, la dissolution résulte de plein droit du changement apporté dans la constitution de la commune : <«< Les conseils municipaux sont dissous de plein droit'. » Il n'y aura donc pas de décret à rendre.

Nous croyons, toutefois, que l'interprétation de la loi comporte certains tempéraments et que la dissolution des corps municipaux ne doit pas résulter de tout changement, si minime qu'il soit, apporté aux limites d'une commune. Supposons une modification de limites entre deux communes importantes (de 10,000 ou 20,000 habitants) et qui ait pour seule conséquence de faire passer de l'une dans l'autre quelques hectares et 2 ou 3 habitants, faudra-t-il considérer les pouvoirs des deux conseils municipaux comme brisés ipso facto? Nous hésitons à le croire. La loi parle de communes réunies ou fractionnées. Il faudra l'appliquer raisonnablement, dans ses termes et son esprit. Ce qu'elle veut, c'est que, quand l'unité communale se trouve modifiée, sa représentation soit reconstituée 2.

1. Le mot sont a été substitué au mot seront entre les deux délibérations à la Chambre des députés, pour mieux marquer les intentions des rédacteurs. De plus, le rapporteur du Sénat, répondant à M. de Gavardie dans la séance du 28 février 1884, déclare que la commission a entendu que les conseils municipaux cesseraient immédiatement leurs fonctions et qu'ils n'auraient plus le droit de fonctionner à partir de la réunion ou du fractionnement. M. de Gavardie a essayé de nouveau, mais sans succès, dans la séance du 28 mars 1884, de faire revenir le Sénat sur son vote. Il soutenait, non sans raison, qu'il pouvait y avoir des inconvénients à déclarer les conseils municipaux dissous ipso facto et à établir ainsi un interrègne forcé dans la vie municipale. Le rapporteur a répondu que ce serait au Gouvernement à convoquer immédiatement les électeurs.

Malgré les termes absolus de la loi, le Conseil d'État a reconnu recevable un pourvoi formé par les anciens conseils municipaux dissous, ledit pourvoi dirigé contre le décret qui avait supprimé les communes. (Cons. d'Ét. 18 mai 1888, Cherré et Saint-Anthoine.)

2. Dans ce sens, avis du ministre de l'intérieur du 5 juillet 1884 (Seine-Inférieure). - Mais, par contre, il n'est pas nécessaire que le nombre des conseillers municipaux se trouve modifié pour que la dissolution ait lieu. (Avis du ministre de l'intérieur du 14 septembre 1891, Jurisprudence municipale et rurale, 1892, II, p. 131.)

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