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Roi de le décharger d'un fardeau qui devenoit tous les jours plus pefant; à quoi on peut ajouter que la rareté de l'efpece, les fommes confiderables dues aux, Treforiers & aux Entrepreneurs, le défaut de payement des affignations, le diforedit des effets du Roi, & l'ufure qui fe faifoit fur les billets de monnoie & fur toutes fortes de papiers, avoient mis les finances dans un état qui paroiffoit fans remede.

Le Roi me nomma Controlleur Gene-ral dans cette affreufe fituation : elle m'étoit affez connuë; le peu de poffibilité de fatisfaire à tant de dépenfes avec fi peu de fonds me parût dans toute fon étenduë; je fentis tout le poids d'une pareille commiffion. Mais le Roi ne me laiffa pas la liberté de lui reprefenter ce que je fçavois,& ce que je connoiffois de l'état de fes finances; il me prevint & s'expliqua nettement, me difant qu'il connoiffoit parfaitement l'état de fes finances, qu'il ne demandoit pas l'impoffible; que fi je reuffiffois, je lui rendrois un grand fervice, dont il me fçauroit beaucoup de gré; file fuccès n'étoit pas heureux, il ne m'en imputeroit pas les évenemens.

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Je crus devoir commencer cette difficile administration par un coup décifif, & qui marquant au public que je connoiffois l'ordre & l'économie d'une bonne regie, étoit feul capable de donner à l'efpece fa premiere circulation & de ranimer la confiance.

Je compris que le Trefor Royal, comme le centre de la finance, devoit recevoir tout le produit des revenus de Sa Majefté, & je m'attachai à l'y faire remettre à Técheance de chaque payement.

Quatre raifons principales m'y determi

nerent:

Premierement, pour engager les comptables à payer plus regulierement qu'ils n'avoient fait.

Secondement, pour empêcher que ceux -qui avoient pris des engagemens pour le fervice, ne fuffent plus long-temps expofez à efluier de longs retardemens, ni privez par les mauvaifes difficultés des comp-tubles, d'une partie de leur interêt, dont le retardement jufqu'alors avoit fait un tort confiderable au credit du Roi.

Troifiémement, parce qu'en faifant porter directement à la caiffe du Trefor Royal le produit des revenus de Sa M. je redonnois à cette caiffe un credit éteint depuis long-temps; perfuadé que le feul moyen de diffiper la fuperiorité ufuraire que l'efpece avoit prife fur le papier, & de faire fortir l'efpece, étoit de faire voir au public beaucoup d'argent circuler dans la caiffe du Roi.

Quatrièmement, je penfai à établir une regie certaine & qui me mît en état de pourvoir aux depenfes les plus preffées, par la connoiffance du fonds que j'aurois dans cette caiffe, fuivant les borderaux qui m'en feroient remis toutes les femaines & tous les mois.

Cet

Cet arrangement fut applaudi, & eut tout l'effet qu'on en pouvoit attendre.

Pour parvenir à l'execution de ce projet, il falloit rendre libres les fonds de l'année 1708, qui avoient été confommez entierement par des affignations antici pées, lefquelles avoient été tirées pour les depenfes des années précedentes.

Le Roi ordonna qu'elles feroient rap, portées, & réaffignées fur l'année 1709, ce qui fut executé; la diminution des etpeces qui avoit été annoncée pour le premier Mars 1708, & fucceffivement dans les autres mois de la même année, détermina tous les porteurs d'affignations à les rapporter fans peine, pour éviter les diminutions qu'ils auroient fouffertes; fi on avoit pù les acquitter exactement.

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Il faut obferver que ces fonds n'étant pas à beaucoup près fuffifans pour fournir aux dépenfes les plus preffées, & les plus neceffaires, il fallut penfer à augmenter le crédit & faciliter de nouveaux emprunts & comme il avoit été ordonné par un arrêt du 29 Octobre 1707, que tous les payemens ne pourroient être faits ni ftipulez que les trois quarts en efpeces, & l'autre quart en billets de monnoie le deffaut de liberté dans les conventions qui fe pouvoient faire entre le prêteur & l'emprunteur faifoit toûjours refferrer de plus en plus l'efpece. Le Roi permit par arrêt du 27 Fevrier 1708 la liberté des ftipulations: cet arrêt & les diminu tions annoncées cauferent un affez grand

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mouvement d'argent, & donnerent les moyens de foutenir les dépenfes de cette année. Il falut encore avoir recours à d'autres expediens; on créa par quatre Edits 2100000 livres de rente fur l'Hôtel de Ville au principal de 33600000 livres; on créa auffi des augmentations de gages que les Officiers des Compagnies fupericures, les Officiers de Police & de Finance furent obligez de lever, ce qui produifit la fomme de. 11400000. liv. On fit auffi divers traitez d'affaires extraordinaires, dont le total étoit de 36 millions.

Tous ces expediens produifirent avec peine les fonds pour les dépenfes de la campagne, ce qui étonna les ennemis de la France, qui étoient perfuadez que les Finances étoient abandonnées comme infoûtenables.

Le mauvais évenement de la bataille d'Oudenarde, & la prife de l'lfle firent retomber les affaires dans une nouvelle confufion, & dans un embarras dont avec raifon on pouvoit defefperer de fe tirer.

Les ordonnances pour les dépenfes de l'année 1708 ont monté à la fomme de 202788354 liv. Il a été affigné fur divers fonds.

184423036. Partant refte à affigner. 18365318. Les fonds ordinaires & extraordinaires de l'année 1708, & des precedentes ont produit depuis le 20 Fevrier 1708 .

229059467.

Dont

Dont il a été confommé pour les depenfes de l'année 1708 .

Reste

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184423036.

4463643!

Lefquelles ont été affignées pour les dépenfes des années précedentes.

Le détail de tous ces arrangemens compose un gros volume.

ANNE' E 1709.

LA neceffité de continuer la guerre fit penfer aux moyens de rétablir la confiance, & de faciliter la negociation des affignations, qu'il falloit donner en payement aux Banquiers, Treforiers Entrepreneurs & autres chargez de fournir les depenfes: on fe propofa d'ordonner que les affignations qui avoient été tirées par avance fur les revenus de l'année, feroient acquittées à leur écheance. Ce reglement fait par up arrêt du 19 Février 1709, eut d'abord tous le fuccès auquel on s'étoit attendu; les porteurs des affignations tirées par avance voyant leur payement affuré, fe déterminerent à prêter aux Tréforiers, aux Munitionnaires & autres, l'argent qu'ils recevoient du payement de leurs affignations; mais cette difpofition changea bientôt après. La rigueur de l'hiver, la difette des grains, firent refferrer l'argent plus que jamais: cependant il falloit pourvoir aux dépenses de la guerre, affurer le prêt des troupes, & leur fubfiftance, & remedier promptement à la cherté des grains dans tout le Royaume.

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Dans

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