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quelque odeur de vertu qu'elle ait laissée après elle, pour tracer à toutes celles qui se mettroient à sa suite, une route assurée de salut et de perfection; cependant sa plus grande gloire est toute intérieure, et renfermée au-dedans d'ellemême.

C'est donc dans cet intérieur qu'il est question de péné trer aujourd'hui; c'est le portrait de son esprit et de son cœur que nous devons tracer; c'est pour ainsi dire l'histoire de sa vie intérieure qu'il faut raconter. Il faut con. venir que son humilité nous ayant dérobé l'excellence et la perfection des dispositions dont elle fut toujours fidèle d'animer toutes ses actions, l'accès dans ce sanctuaire nous seroit difficile, et même impénétrable: mais l'esprit qu'elle a répandu dans son institut; les maximes qu'elle a laissées par écrit pour l'instruction de ses filles; les vertus dont elle leur a donné l'exemple, ces trois points de vue nous fourniront les traits principaux qui doivent nous découvrir toute la beauté de son âre, qui s'est manifestée, malgré elle, sous le voilé de son humilité. donc en parcourant ces différens articles que nous allons tâcher de la faire connoître: mais comme nous ne réussirons jamais mieux qu'en empruntant ses propres paroles, toujours plus énergiques et plus touchantes dans l'aimable simplicité dont elle faisoit profession, que tout ce que nous en pourrions dire de nous-mêmes; nous les transcrirous presque mot à mot, toutes les fois que nous en trouverons l'occasion.

ARTICLE ler.

DE L'EXCELLENCE DE SON INSTITUT.

C'est

Il y a plusieurs principes sur lesquels on peut juger de l'excellence et de la perfection d'un état, cu institut. On le considère en lui-même, et dans sa propre nature, prouvée par la perfection des règles qu'on y observe; on considère la dignité et le mérite de ceux qui en ont été les premiers auteurs ou instituteurs; on le compare avec d'autres établissemens saints et respectables, avec lesquels il peut avoir quelque rapport; on a égard à la fin princi• pale qu'on s'est proposée en l'établissant, aux moyens établis pour parvenir à cette fin, et au modèle sur lequel on a voulu se former, et enfin aux qualités et dispositions

qu'on doit exiger des personnes qui y aspirent, et qui y sont appellées.

Sur de pareils principes,il est aisé de juger,que de quelque côté qu'on envisage l'institut de la Congrégation, on en découvre sans peine l'excellence. On voit clairement, que c'est l'esprit de Dieu qui l'a dicté; et par une conséquence récessaire, on peut se former une juste idée du caractère de la Sœur Bourgeois, dont la divine Providence a voulu se servir pour cet établissement. Reprenons chacun de ces articles en particulier; et d'abord considérons-le en lui-même, et dans sa propre nature.

Excellence des Règles.

Pour juger de l'excellence de l'institut de la Sœur Bourgeois, il semble d'abord qu'on n'auroit qu'à jetter les yeux sur le corps des règles et constitutions, quelle a éta blies dans sa communauté. C'est la prudence, c'est la Religion, c'est le zèle, c'est la charité, c'est en un mot, l'esprit de Dieu, qui les a dictées. Il suffit de les lire pour se sentir animé à la vertu et à la piété, et pour y découvrir une route assurée pour le salut et pour la perfection chrétienne et religieuse: mais de les méditer avec soin, et de les réduire constamment en pratique, on peut dire que c'est la véritable pierre précieuse Evangélique, pour laquelle il faut tout vendre et tout quitter, pour se mettre en état de l'acquérir. Combien qui jusqu'à présent en ont fait l'heureuse expérience,et c'est ce qu'on voit se renouveller tous les jours à l'egard d'un très grand nombre, qui appellées de Dieu, à la suite de leur bonne mère, se mettent en état de perpéner la gloire et les avantages de cet établissement pour le salut de plusieurs.

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Cependant, il faut l'avouer, cette règle toute parfaite qu'elle est en elle-même, ne répondoit pas à toute l'éten due des sentimens dont la Scur Bourgeois étoit animée; elle en a pratiqué beaucoup plus qu'il n'en a été prescrit pour les autres. Lorsque par une prudente et juste rondescendance pour la foiblesse d'un grand nombre de ses filles, dont plusieurs, malgré toute leur bonne volonté, n'étoient pas en état de supporter toutes les pratiques et austérités que son zèle et sa ferveur lui inspiroient, on eut trouvé à propos d'apporter dans la règle commune

qui s'observe aujourd'hui, quelque adoucissement à ses anciennes pratiques, on sait combien il lui en couta pour se soumettre, de peines et de regrets, et que ce sacrifice ne fut pas pour elle la moindre de ses épreuves. Ce fut par cette considération, autant que par la vue intime qu'elle avoit elle-même de son indignité, qu'elle demanda si souvent, et sollicita avec tant d'instances, d'être déchargée de la Supériorité. Son zèle lui suscita bien des humiliations, des reproches et des chagrins: mais il n'en fut jamais ralenti c'étoit des épreuves destinées à la purifier de plus en plus, et qui tenoient en son âme, la place de ce qu'elle auroit voulu faire de plus grand et de plus parfait, que ce qui lui étoit commandé.

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"Il a toujours paru, discit elle, qu'un certain esprit de petitesse, de simplicité, de docilité, d'obéissance, de pauvreté de dégagement de toutes choses, et d'abandon "à la divine Providence, doit être le caractère, et le vrai "esprit de la Congrégation ; et qu'elle ne peut subsister, 66 sans que les Sœurs qui la composent, demeurent toujours unies les unes avec les autres, par le rapport de ce "même esprit, qui doit les animer toutes, et qui doit "être ferme et stable, pour la conservation de l'institut.

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"Il me semble que notre bon Dieu me fait assez con"noître par mille accidens qui nous arrivent de temps en temps, et encore plus par bien des touches inté"rieures de sa grace, qu'il n'est pas content de nous ; et je crois devoir reconnoître avec sincérité, que par ma timidité, je me suis égarée de la volonté de mon Dieu, "dans la part que sous les auspices de Marie, il m'avoit "donnée à la conduite de cette maison. Je ne veux plus "abuser de sa patience; mais faire en sorte que sa VO"lonté saccomplisse, à quelque prix que ce soit.

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"Je ne sais si nous aurons le cœur assez resserré, pour ne pas nous rendre aux volontés de notre adorable "Sauveur. Rendons-nous promptement; et prenons bien garde de ne pas changer, par notre tiédeur, et notre "Tacheté, la place qu'il nous a donnée dans son Eglise. "Etdiens bien notre institut, nos règles et les promes 66 ses que nous avons faites à Dieu, Les instructions, et "les avertissemens, que sa bonté nous ménage, ne ten

"dent qu'à nous faire rentrer en nous-mêmes, pour nous "faire miséricorde.

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Quant à moi, je reconnois que je ne suis qu'une mi"sérable, qui pour n'avoir pas été fidèle dans l'emploi que notre Dieu m'avoit si amoureusement confié, méri te de très grands chàtimens, qui s'augmenteront encore par la peine que mon relâchement vous a fait res"sentir. Je vous en demande pardon, et le secours de vos prières; mettez-y le remède au plutôt qu'il se. pourra : il faut changer au plutôt de Supérieure ; et que celle qui sera choisie pour cela, fasse observer exactement toutes les règles, jusqu'à la plus "petite. Car enfin qu'y a-t-il aujourd'hui de plus dans cette communauté, que ce que fort dans le monde les 66. personnes qui y vivent chrétiennement? Entretenons" nous donc au moins,dans l'esprit que nous devons avoir, qui est, ja le répète, la simplicité, la pauvreté, le "mépris de nous-mêmea, l'humilité, l'obéissance et l'a"bandon entre les mains de notre Dieu.

La Ste. Vierge reconnue pour institutrice.

Comme on ne doit pas être surpris de l'excellence des règles de la Congrégation, on doit l'être bien moins encore de cet attachement particulier que la Sœur Bourgeois, dans les écrits que nous venons de citer d'après elle, paroit avoir conservé toute sa vie pour des pratiques dures et austères, qu'on avoit trouvé bon de modérer pour les autres, afin que la règle commune fût moins sujette à des dispenses, qui, sans cela, auroient été souvent nécessaires ; et qu'elle fût au contraire, à la portée de tout le monde, comme elle l'est aujourd'hui. Cette Sœur ne perdoit pas de vue, que ce n'étoit pas de son propre mouvement qu'elle avoit entrepris l'institution de cette commu. naut; mais que c'étoit Marie elle-même, qui en étoit la première et principale Institutrice; et que pour elle, elle ne devoit se regarder, que comme un vil instrument, dont Dieu avoit voulu se servir, pour exécuter extérieu rement ce grand ouvrage, sous la direction intérieure de la très Ste. Vierge. Elle n'avoit pas oublié les faveurs, que dès sa plus tendre jeunesse,elle en avoit reçues, comme un gage de ce qu'elle en exigeroit pour sa gloire. Elle avoit toujours présent à l'esprit, cet enchaînement de merveil

les par lesquelles la Providence lui avoit ouvert la route du Canada, pour venir y établir, d'une façon particulière, le culte de Marie et lui former des dévots; elle se rappelloit ces promesses sensibles et réiterées que la Ste. Vierge elle-même lui avoit faites en l'envoyant en Canada, qu'elle seroit avec elle dans toutes ses entreprises; promes. ses dont elle avoit éprouvé souvent et sensiblement les effets.

Aussi voyons-nous que dans tout ce que cette fille admirable et véritablement humble, nous a laissé par écrit, touchant la Congrégatian, elle ne dit jamais un seul mot, qui puisse faire sentir la part qu'elle a eue elle-même à cet étallissement: c'est sans doute parce qu'elle vouloit nous le faire regarder et révérer comme l'ouvrage propre de la très Ste. Vierge; qui dans tous les temps devoit en être reconnue comme la véritable mère, institutrice, fondatrice et première Supérieure, ainsi que nous l'avons remarqué.

C'est elle, qui la première, en a inspiré le dessein à la Soeur Bourgeois; c'est elle qui lui en a tracé le plan; c'est elle enfin qui en a évidemment favorisé l'exécu tion. Ce n'est qu'a ce titre que les premières Sceurs se sont assemblées, et consacrées au service de Dieu; se proposant d'honorer à perpétuité dans la Supérieure vigible de la Congrégation,la Supériorité invisible de Marie, qui en seroit toujours la première maîtresse.

Quant à la Sœur Bourgeois, pour la part qu'elle prenoit à cet établissement, elle a souvent déclaré, que sa principale inclination, avoit toujours été de renouveller en faveur de la Congrégation,cette Superiorité primitive, que la Ste. Vierge avoit exercée, dès la première origine de l'Eglise naissante, sur tous les premiers fidèles, lors qu'après la dispersion des Apôtres, au temps de la passion du Sauveur, cette bonne mère, succèdant alors à son propre fils, dans la conduite des disciples affligés, elle devint leur refuge et leur consolation.

Comparaison de la Congrégation avec les autres Communautés Régulières..

Il est vrai, que cette première Congrégation chré tienne, formée par Marie elle-même, devoit être le mo dèle de toutes les autres communautés, qui se forme

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