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»lement le délit et d'alléger la punition; c'est >> une distinction qu'il faut bien saisir, et dont >> l'oubli a conduit à la plupart des abus qui sou>> vent ont scandalisé les amis de la justice, lors» qu'on néglige, en effet, de proposer la question » de l'excuse, qui peut être admissible quand celle » de l'intention ne l'est pas : la loi s'applique dans » la plus grande sévérité, là où il y avait lieu à >> quelque indulgence. Lorsque la question de l'ex»cuse, au contraire, est confondue avec celle de >> l'intention, et que la déclaration du juri se trouve » favorable, la loi absout, là où elle ne devait re» mettre qu'une partie de la peine; et de l'un et » de l'autre systèmes dérivent les maux infinis qui >> affligent toute société dont la législation n'a pas » déterminé de justes proportions entre les peines » et les délits. La question d'excuse, toujours >> propre à concilier l'intérêt de la société, et les » droits de l'accusé, doit donc être présentée au >> juri ».

Les nouveaux Codes criminels ont apporté de grands changemens à cette théorie de l'excuse; on voit, d'abord, que les art. 435 et 646 du Code du 3 brumaire ont été implicitement abrogés par l'art. 539 du Code d'Instruction, et par l'art. 65 du Code pénal de 1810, puisque, suivant ces deux derniers articles, on ne pourra désormais proposer pour excuse au juri, qu'un fait reconnu tel par la loi et nul crime ou délit ne pourra être excusé, ni la peine mitigée que dans le cas et dans les circon

lement l'atténuation de la peine; tandis que celui qui obtient une déclaration favorable sur l'intention, est le plus souvent absous.

stances où la loi déclare le fait excusable, ou permet de lui appliquer une peine moins rigoureuse.

Par ces dispositions, le législateur semble d'abord s'être imposé la tâche de déterminer, avec précision, toutes les excuses et toutes les circonstances atténnantes. On trouve, à-la-vérité, dans les art. 321, 522, 324, 325 du nouveau Code pénal, plusieurs excuses qui n'étaient pas prévues par les lois précédentes. Les articles 67, 68, 69, 155, 284, 285 288, 319, 320, 343, 441, 463, admettent aussi diverses circonstances atténuantes. Et les art. 64, 100, 107, 108, 114, 116, 135, 137, 138, 163, 190, 213, 247, 248, 327, 528, 529, 348, 557, 3-0 et 580 du même Code, contiennent, en outre, plusieurs exceptions pleinement justificatives.

Mais à l'égard des circonstances atténuantes d'une moindre importance, elles ont été laissées à l'arbitrage des magistrats; et c'est pour cela, sans doute, que le législateur leur a donné le droit de graduer les peines afflictives et infamantes dans un grand nombre de circonstances, entre le maximum et le minimum fixé par la loi, sans pouvoir les réduire à une simple peine correctionnelle, et sans qu'il soit besoin de faire, en ce cas, expliquer le juri sur le motif de l'atténuation.

Par ce rapprochement du nouveau Code pénal avec le précédent, on voit, 1.° que le précédent n'autorisait les juges à modifier la peine que dans le cas seulement où l'excuse proposée par l'accusé était admise par le juri; 2. qu'alors la peine établie par la loi devait être réduite à une punition correctionnelle; 3. que la question d'excuse pouvait ètre adaptée à tous les crimes sans distinction; tandis que, suivant le nouveau Code, la question

d'excuse ou d'atténuation ne peut être proposée au juri que dans un petit nombre de cas prévus ét déterminés, et que, hors de ces cas, les juges peuvent encore graduer la peine, pourvu qu'ils n'excèdent pas en plus ou en moins le maximum ou le minimum des peines afflictives et infamantes fixées par la loi.

Le Code de 1791 était imparfait, en ce qu'il ne Jaissait pas aux juges la faculté de graduer les peines afflictives ou infamantes, toutes les fois que les circonstances l'exigeaient. La loi déterminait nonseulement la nature, mais encore la durée de la peine applicable à chaque crime, sans permettre aux juges d'en retrancher ou d'y ajouter un seul jour, ni par conséquent d'avoir aucun égard aux circonstances aggravantes ou atténuantes non prévues par la loi, à-moins que ces circonstances fussent de nature à changer le crime en simple délit correctionnel, d'où il résultait qu'un grand nombre de circonstances ne pouvaient être appréciées. Cette imperfection a été corrigée par le Code pénal de 1810; mais, d'un autre côté, ce dernier Code ne permet aux juges de réduire les peines afflictives ou infamantes à une peine correctionnelle que dans un très-petit nombre de cas. N'est-il à craindre que les motifs d'excuse et d'atténuation qui peuvent autoriser cette réduction, et qui étaient abandonnés à la sagacité des juges et des jurés par les Codes de 1791 et de l'an 4, n'aient été beaucoup trop restreints dans ce nouveau Code ?........ C'est ce que l'expérience apprendra. Il me reste à parler d'une institution à l'aide de laquelle les condamnations erronées peuvent encore être en partie réparées.

pas

VII. Les meilleures lois ne sont pas plus exemptes d'imperfections que les autres ouvrages des homines; et ces imperfections, souvent imperceptibles en théorie, seraient extrêmement funestes en matière criminelle, si elles pouvaient compromettre le sort de l'innocence. Les Constitutions de l'Empire, en rétablissant dans les mains de l'Empereur le droit de gráce, qui avait été aboli par le Code pénal de 1791 (*), ont fourni un moyen salutaire pour réparer autant que possible les erreurs des législateurs et des juges. Ce n'a pourtant été qu'un motif secondaire de ce rétablissement; il en est un peut-être plus important dont je vais essayer de donner l'explication.

Le droit de faire grâce n'est qu'une modification de celui de punir; et le droit de punir n'a lui-même pour objet et pour mesure principale, que l'intérêt de la société. C'est en effet, comme nous l'avons dit, ce puissant intérêt qui exige, 1.o la punition de ceux qui ont troublé l'ordre public, afin que les coupables soient désormais contenus par la peine ou par la crainte, et les autres par l'exemple; 2.° l'absolution de ceux qui ont participé à ces troubles invo→ lontairement ou sans mauvaise intention, parce que leur punition serait injuste envers eux-mêmes, et nuisible à la société. C'est aux magistrats qu'il appartient de condamner dans le premier cas, et d'absoudre dans le second.

Il est d'autres cas où ce même intérêt social veut que le coupable soit condamné, et néanmoins qu'il lui soit fait remise de la peine en totalité ou en partie. On peut indiquer, pour exemples, un grand

(*) Part. 1, tit. 7, aṛt. 13.

service rendu par le coupable à l'Etat, l'attente de ce grand service, le trop grand nombre de coupables, le vœu général fortement prononcé, de grandes considérations politiques, et quelques autres motifs de cette importance. C'est à l'Empereur seul qu'il appartient d'apprécier ces motifs, qui sortent de la sphère des lois, et d'exercer ces actes solennels de clémence, après en avoir reconnu l'utilité dans son conseil privé.

Sous l'ancien régime, le droit de faire grâce était devenu tyrannique par les motifs qui ont été exposés en commençant, et notamment parce que ce droit avait restreint le domaine de la justice à un tel point, que, dans plusieurs cas, l'accusé était obligé d'y recourir pour être admis à faire valoir les moyens les plus simples et les plus légitimes de justification. Mais aujourd'hui que le droit de faire grâce est ramené à la pureté de son institution, il forme, d'une part, un complément de garantie et de sécurité pour les gens de bien; et de l'autre, le plus bel attribut du souverain, car celui qui l'exerce avec sagesse, imite la divinité dans celle de ses perfections qui excite le plus l'admiration et la reconnaissance des hommes (*).

Si l'un de nos criminalistes modernes n'a vu dans les lettres-de-grâce que le droit de soustraire le coupable à la loi, et par conséquent de violer la loi, c'est qu'effrayé par les abus qui avaient souillé, cette institution sous l'ancien régime, il ne s'est point attaché à en étudier le véritable objet; or, le nouvel ordre de choses ayant fait disparaître ces

(*) Homines ad deos nulla re propriùs accedunt quàm salutem hominibus dando. Cic. pro Lig.

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