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déclarerait le fait d'excuse suffisamment prouvé (*). On voit, par l'économie de cette dernière loi, que le législateur ayant reconnu l'impossibilité de préciser, dans la loi même, les innombrables circonstances qui peuvent motiver une excuse et faire mitiger la peine, voulut que, 1, lorsque l'accusé articulerait une circonstance de ce genre, les juges examinassent, d'abord, si elle était ou non admissible, c'est-à-dire, si, en la supposant vraie, et en suivant les lumières de l'équité naturelle, de la morale et de la raison, il pourrait en résulter une excuse, ou, si l'on veut, un motif suffisant pour tirer le fait compris dans l'accusation, de la classe des crimes, et le ranger dans celle des délits correctionnels; 2. lorsque la circonstance alléguée était jugée excusable, la loi confiait au juri le soin de vérifier si elle était suffisamment prouvée; 3. elle voulait encore qu'en cas de réponse affirmative du juri, la peine fût réduite par les juges à une peine correctionelle qui ne pourrait excéder deux années d'emprisonnement.

(*) Code du 3 brumaire an 4, art. 433. « Lorsque les » jurés ont déclaré que le fait de l'excuse, proposé par le » président dans la série des questions qui leur ont été re»mises, est prouvé, les juges prononcent, ainsi qu'il est » dit dans le livre des peines ».

Art. 646. « Lorsque le juri a déclaré que le fait de l'ex»cuse, proposé par l'accusé, est prouvé, s'il s'agit d'un meurtre, le tribunal prononce, ainsi qu'il est réglé par l'art. 9 de la sect. 1. de la 2. partie du Code pénal.

S'il s'agit de tout autre délit, le tribunal réduit la peine » établie par la loi, à une punition correctionnelle qui, » en aucun cas, ne peut excéder deux années d'empri

» sonnement ».

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Il est aisé de voir que, dans le système de cette loi, l'admission de l'excuse n'avait pas pour objet d'affranchir le coupable, soit en totalité, soit en partie, de la peine qu'il avait encourue; mais au contraire, de lui en infliger une proportionnée à son délit. L'excuse n'était donc ni une faveur, ni une grâce, mais une justice exacte: voici comment le ministre de la justice s'exprimait à cet égard, le 22 frimaire an 5, dans une circulaire où il s'élevait avec force contre l'erreur des juges qui avaient confondu l'excuse avec la question intentionnelle.......... « Cette erreur a sans doute sa source » dans un sentiment louable de justice : les juges » ont compris qu'il y avait des délits dont la preuve » était acquise, qui n'avaient pas été commis dans >> l'intention du crime, et qui cependant ne pou>> vaient demeurer entièrement impunis; mais ils » n'ont pas vu qu'il fallait alors recourir aux moyens >> mêmes qu'indique la loi, dans les cas où les accu>>sés peuvent être déclarés excusables par le juri. >>> La question de l'excuse est différente de la ques>>tion intentionnelle : l'effet d'une déclaration fa>vorable sur celle-ci, est de rendre l'accusé à la » société (*); et sur la première, d'atténuer seu

(*) Les exemples ci-devant cités, pag.xxxiij, prouvent que, dans certains cas, l'accusé, acquitté sur l'intention, doit, néanmoins, subir une peine de police simple ou correctionnelle. Ainsi, la manière de distinguer la question intentionnelle, des excuses, indiquée par cette circulaire, n'est pas très-exacte. L'excuse naît ordinairement d'une circonstance qui rend l'action moins nuisible, ou qui en procure le remède, et qui modifie le fait principal plutôt que la moralité de celui qui l'a commis. L'excuse ne peut jaunais opérer l'entière absolution du coupable, mais seu

»lement le délit et d'alléger la punition; c'est >> une distinction qu'il faut bien saisir, et dont >> l'oubli a conduit à la plupart des abus qui sou>vent ont scandalisé les amis de la justice, lors» qu'on néglige, en effet, de proposer la question » de l'excuse, qui peut être admissible quand celle » de l'intention ne l'est pas : la loi s'applique dans » la plus grande sévérité, là où il y avait lieu à >> quelque indulgence. Lorsque la question de l'ex>>cuse, au contraire, est confondue avec celle de >> l'intention, et que la déclaration du juri se trouve >> favorable, la loi absout, là où elle ne devait re» mettre qu'une partie de la peine; et de l'un et » de l'autre systèmes dérivent les maux infinis qui >> affligent toute société dont la législation n'a pas » déterminé de justes proportions entre les peines » et les délits. - La question d'excuse, toujours >> propre à concilier l'intérêt de la société, et les » droits de l'accusé, doit donc être présentée au >> juri ».

Les nouveaux Codes criminels ont apporté de grands changemens à cette théorie de l'excuse; on voit, d'abord, que les art. 435 et 646 du Code du 5 brumaire ont été implicitement abrogés par l'art. 539 du Code d'Instruction, et par l'art. 65 du Code pénal de 1810, puisque, suivant ces deux derniers articles, on ne pourra désormais proposer pour excuse au juri, qu'un fait reconnu tel par la loi et nul crime ou délit ne pourra être excusé, ni la peine mitigée que dans le cas et dans les circon

lement l'atténuation de la peine; tandis que celui qui obtient une déclaration favorable sur l'intention, est le plus souvent absous.

stances où la loi déclare le fait excusable, ou permet de lui appliquer une peine moins rigoureuse.

Par ces dispositions, le législateur semble d'abord s'être imposé la tâche de déterminer, avec précision, toutes les excuses et toutes les circonstances atténuantes. On trouve, à-la-vérité, dans les art. 321, 522, 524, 325 du nouveau Code pénal, plusieurs excuses qui n'étaient pas prévues par les lois précédentes. Les articles 67, 68, 69, 155, 281, 285, 288, 319, 320, 343, 441, 463, admettent aussi diverses circonstances atténuantes. Et les art. 64, 100, 107, 108, 114, 116, 135, 137, 138, 163, 190, 213, 247, 248, 327, 528, 329, 348, 357, 570 et 380 du même Code, contiennent, en outre, plusieurs exceptions pleinement justificatives.

Mais à l'égard des circonstances atténuantes d'une moindre importance, elles ont été laissées à l'arbitrage des magistrats; et c'est pour cela, sans doute, que le législateur leur a donné le droit de graduer les peines afflictives et infamantes dans un grand nombre de circonstances, entre le maximum et le minimum fixé par la loi, sans pouvoir les réduire à une simple peine correctionnelle, et sans qu'il soit besoin de faire, en ce cas, expliquer le juri sur le motif de l'atténuation.

Par ce rapprochement du nouveau Code pénal avec le précédent, on voit, 1.° que le précédent n'autorisait les juges à modifier la peine que dans le cas seulement où l'excuse proposée par l'accusé était admise par le juri; 2.o qu'alors la peine établie par la loi devait être réduite à une punition correctionnelle; 3. que la question d'excuse pouvait ètre adaptée à tous les crimes sans distinction; tandis que, suivant le nouveau Code, la question

que

l'on a eu l'intention de commettre, et non celle du crime ou délit qui a été réellement commis sans intention, parce qu'en matière pénale c'est l'intention et non l'événement qu'il faut principalement considérer: In maleficiis, voluntas spectatur, non exitus. L. 14, ff. ad 1. c. de sicar. (1).

La loi romaine où nous puisons ce principe a pris soin d'en faire l'application à divers cas. Elle décide, entre autres, que celui qui a blessé un homme, s'il avait l'intention de le tuer, doit être puni comme meurtrier; tandis que s'il a causé sa mort, en le frappant dans une rixe, n'ayant pas intention de le tuer, il ne doit être puni qu'à raison de la rixe et des mauvais traitemens auxquels il s'est livré. La même loi nous indique encore comment, en ce cas, on peut juger de l'intention; si le prévenu a frappé sa victime avec une épée ou un poignard, il n'est pas douteux qu'il a eu l'intention de le tuer: mais si, dans une rixe, il l'a frappé avec une clef, un soulier, un vase de terre, etc., il n'est pas censé avoir voulu lui donner la mort (2).

(1) Refert et in majoribus delictis, CONSULTO an aliquid admittitur an CASU, et sanè in omnibus criminibus distinctio hæc pœnam aut justam eligere debet, aut temperamentum admittere. L. 5, § 2, ff. de pænis.

(2) Divus Adrianus rescripsit eum qui hominem occidit, si non occidendi animo hoc admisit, absolvi posse; et qui hominem non occidit, sed vulneravit ut occidat, pro homicida damnandum, et ex re consti‹ tuendum hoc. Nam si gladium strixerit et in eum percusserit, indubitate occidendi animo in eum admisisse. Sed si clavi percussit aut cucumá, in rixâ, quamvis ferro percusserit, tamen non occidendi animo, Leniendam pœnam ejus qui in rica causa magis quàm voluntate homicidium admisit. L. 1, §3, ff. ad I. c. de

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