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CHAP. 3. DES ENTREPReneurs et dES INDUSTRIES LIBRES ET RÉGLEMENTÉES.

157. De même qu'il est permis à chacun de travailler dans tel genre d'industrie que bon lui semble, en qualité. de simple travailleur, d'ouvrier, sans aucune condition d'apprentissage, il est libre à toute personne de faire tel négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier qu'elle trouvera bon, en qualité d'entrepreneur, sans autre condition que de se pourvoir d'une patente et d'en acquitter le prix, d'après les taux déterminés par la loi (loi du 2 mars 1791, art. 7). Ainsi furent supprimées toutes les conditions que mettait l'ancien régime à l'obtention des maîtrises: plus d'apprentissage, plus de compagnonage, plus de chefd'œuvre. La loi n'oblige plus celui qui veut exercer une profession à s'instruire; elle ne lui demande plus des preuves de sa capacité; c'est à lui qu'il appartient d'acquérir l'instruction indispensable, et de n'entreprendre un genre d'industrie que lorsqu'il est capable de l'exercer. La responsabilité de l'entrepreneur a paru au législateur une garantie suffisante contre les entreprises téméraires, et il n'a pas cru devoir, en principe du moins, et sauf les exceptions que nous aurons bientôt à énumérer, en exiger d'autre. La liberté d'industrie ne consiste pas seulement, d'ailleurs, dans la faculté accordée à toute personne de choisir parmi les diverses industries celle qu'il lui plaît d'exercer; chacun est encore libre de cumuler plusieurs genres d'industries analogues ou différents, de passer d'un genre d'industrie à un autre, la loi n'admettant plus de division officielle des professions, et, par suite, des incompatibilités entre elles; chacun est libre encore d'exercer sa profession où il veut, dans telle ville, village, et dans tel endroit de la ville ou du village qu'il lui plaît de choisir; de transporter son industrie d'un lieu dans un autre ; chacun est encore libre d'exercer sa profession, art ou métier quand il veut, de travailler et de faire travailler de nuit comme de jour, un jour aussi bien qu'un autre; il l'est encore d'exercer son industrie comme il lui plaît. Les anciens règlements des corporations qui déterminaient le lieu et le temps du travail et le mode de fabrication ont tous été abrogés par la loi du 2 mars. Telles sont les conséquences de la liberté du travail et de l'industrie que nous devons exposer maintenant en détail. Mais, ainsi que nous l'avons fait observer, la liberté du travail et de l'industrie, pas plus qu'aucune autre liberté, n'est et ne saurait être dans la société une liberté absolue; elle doit être compatible avec la sécurité, la moralité, la tranquillité publique et avec la liberté ou le droit des autres citoyens, qui lui servent nécessairement de limite de là des restrictions nombreuses apportées au principe de la liberté du travail et de l'industrie. Ces restrictions légitimes, dans l'intérêt public, ou même dans l'intérêt privé, ne sauraient être arbitraires; la liberté du travail et de l'industrie est, nous ne devons pas l'oublier, un principe constitutionnel qui sert de base à notre régime économique et à notre législation industrielle. Il ne dépend donc pas d'un pouvoir quelconque d'apporter des entraves à l'exercice d'un tel droit, garanti par la constitution, en soumettant cet exercice à des conditions arbitraires, ou bien de priver un citoyen de ce droit. La société peut sans doute demander à chacun de ses membres, dans l'intérêt de tous, le sacrifice d'un droit, d'une propriété ; ou bien elle peut en régler l'exercice, mais seulement dans certains cas et à certaines conditions.

Le pouvoir législatif peut incontestablement apporter des restrictions au principe de la liberté de l'industrie, dans un intérêt public. Ces restrictions sont même allées si loin pour certaines professions et pour certaines industries, que la liberté a été complétement supprimée et que le monopole a pris sa place. Par des motifs divers, l'État s'est réservé le monopole de certaines industries, de la fabrication de certains objets, de certains moyens de transport; ou bien a restreint à quelques individus, commissionnés par lui et pourvus d'une certaine autorité publique, le droit d'exercer certaines professions. C'est là, non pas seulement une restriction, mais une exception à la liberté du travail et de l'industrie qui ne peut être incontestablement établie que par une loi. Après les monopoles proprement dits, viennent certaines restrictions plus ou moins étendues, mises à l'exercice de quelques professions. Telles sont les conditions de la déclaration préa

lable, de l'autorisation préalable, du brevet, du diplôme, du cautionnement, avec ou sans limitation du nombre des individus qui doivent en être pourvus. Parmi ces conditions, quelques-unes ont été imposées par des lois, d'autres par des décrets, d'autres par des ordonnances, d'autres enfin par de simples arrêtés municipaux. La question s'est élevée plusieurs fois de savoir si ces restrictions, sous une forme ou sous une autre, étaient légales. La cour de cassation et la jurisprudence n'ont pas toujours sanctionné les empiétements commis sur la liberté d'industrie, mais le plus souvent elles les ont reconnus, et ne se sont pas toujours montrées assez soucieuses du principe posé dans la loi du 2 mars 1791, et, depuis lors, dans la constitution de 1848. Après avoir exposé en quoi consiste la liberté d'industrie, nous exposerons ces restrictions diverses qui ont été mises à son exercice.

SECT. 1.-Des entrepreneurs et des industries libres. 158. Nous appelons ici entrepreneurs tous ceux qui exercent une profession, art ou métier, qui travaillent, en un mot, pour leur propre compte.

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159. 1° Conditions d'âge.-Chacun ou, pour nous servir des expressions mêmes du législateur de 1791, toute personne peut faire tel négoce, exercer telle profession, art ou métier qu'elle trouvera bon. Il est libre à toute personne..... (plus des anciennes conditions d'âge ou de sexe); le mineur aussi bien que le majeur, la femme aussi bien que l'homme peuvent faire tel négoce..... 1o Le mineur, disons-nous, aussi bien que le majeur, peut faire le commerce. La loi commerciale, sans reproduire les anciennes conditions d'âge qui existaient dans l'ancien régime, a néanmoins exigé, pour que le mineur pût faire le commerce: 1° qu'il fût émancipé; 2o qu'il fût âgé de dix-huit ans; 3o qu'il fût autorisé par ceux sous l'autorité desquels il est encore placé, père, mère, conseil de famille; 4° que l'autorisation, homologuée par le tribunal, fût enregistrée et affichée au tribunal de commerce du lieu où le mineur veut établir son domicile (c. com. 2). La disposition qui fixe l'âge auquel on pourra faire le commerce n'a pas besoin d'être longuement justifiée: on comprend, en effet, que la loi n'ait pas voulu que le mineur pût, à tout âge, s'engager dans des entreprises dont il ne peut comprendre toute la portée et qu'il n'est pas encore à même de diriger, et compromettre ainsi sa fortune et son avenir. Autrefois, le majeur seul pouvait obtenir la maitrise.. Sans entrer ici dans l'examen des autres conditions que la loi impose au mineur qui veut être autorisé à faire le commerce (V. Commerçant, nos 130 s.), nous devons nous demander si la disposition de l'art. 2 c. com. est générale et s'é tend à tous les genres de commerce et d'industrie.-De la combinaison des art. 1, 632 et 633 de ce code, il résulte que la loi répute actes de commerce: tout achat de denrées et marchandises pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir tra vaillées, toute entreprise de manufactures, toute entreprise de construction de navires..., et, par suite, qu'elle répute commer çants ceux qui font de ces actes leur profession habituelle. Le mot commerçant, employé dans la loi, ne s'applique done pas seulement à l'industrie commerciale proprement dite, mais comprend encore l'industrie manufacturière, et spécialement celle des grands et petits industriels, qui achètent les matières premières et vendent leurs ouvrages confectionnés.

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Dès lors donc, les mineurs, qui veulent se livrer à de tels actes, doivent, s'ils aspirent à la confiance qui s'attache aux individus ayant qualité pour contracter, se faire émanciper et autoriser conformément à l'art. 2. Ce n'est pas à dire qu'il ne serait pas permis au mineur non émancipé de se livrer aux divers actes qui viennent d'être énumérés, et qu'il ne pourrait obliger ceux qui traiteraient avec lui. Le travail, en effet, est de droit naturel; il doit être loisible au mineur de se livrer à toute occupation industrielle qui lui donne le moyen de soutenir son existence et de venir en aide à sa famille, sans avoir besoin d'autorisation ni d'émancipation. C'est aux tiers qui traitent avec lui et qui sont censés avoir connaissance de l'incapacité que la mi norité produit, d'examiner s'il leur convient d'entrer dans des relations d'affaires avec un mineur. A l'égard des mineurs,

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en un mot, que les actes auxquels ils se livrent soient au nombre | de ceux que la loi répute actes de commerce, ou qu'ils n'aient point un tel caractère, ils ne sauraient être réputés faire que des actes purement civils, ou, en tout cas, que des actes insusceptibles de donner lieu contre eux aux conséquences qu'entraînent les actes de commerce. Ainsi, ils ne pourront être ni contraints par corps ni déclarés en faillite, et, par suite, ils échapperont tant qu'ils n'auront pas été habilités à faire le commerce, aux conséquences qu'entraînent soit la qualité de commerçant, soit la commercialité des opérations dans lesquelles ils se sont ingérés. Au surplus, le mineur qui se borne à travailler par luimême des matières qui lui sont fournies par d'autres, ne peut, à plus forte raison, être réputé commerçant ni avoir besoin de recourir aux dispositions des art. 2 c. com. et 487 c. civ. C'est bien assez qu'il subisse les conséquences de son défaut de capacité. 160. 2° Sexe. Les femmes peuvent aujourd'hui faire le négoce, exercer une profession, art ou métier quelconque aussi bien que les hommes; il suffit qu'elles remplissent les conditions exigées pour ceux-ci; seulement, si elles sont mariées, elles doivent obtenir le consentement de leur mari (code de com. 4). Les femmes peuvent bien faire le commerce, exercer un art ou métier quelconque, mais elles ne peuvent pas exercer les professions qui tiennent plus ou moins à l'ordre public.-V. Commerçant, nos 160 et suiv.

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161, 3° Nationalité.-Autrefois les étrangers étaient exclus du commerce et de l'industrie dans certaines villes et dans un très-grand nombre d'États ; il n'en est plus ainsi de nos jours. Depuis longtemps déjà les gouvernements ont compris que, bien loin de repousser les étrangers d'un pays où ils voudraient importer leur industrie et s'établir, il fallait, au contraire, les y attirer. Sous le régime des corporations lui-même, nous avons vu nos rois appeler en France des étrangers et leur accorder leur protection pour l'exercice de leur industrie. Le sénatus-consulte organique du 19 fév. 1809, dérogeant, en faveur des étrangers qui apporteront en France des talents, des inventions ou une industrie utiles, ou qui formeront de grands établissements, à la constitution de l'an 8, qui exige dix années consécutives de résidence (art. 5), déclare qu'ils pourront être admis à la jouissance des droits de citoyen français après un an de domicile (art. 1 du sénat.cons.). Mais si l'établissement d'un commerce ou d'une industrie utile forme un titre pour acquérir la qualité de citoyen français, cette qualité n'est pas nécessaire en France pour faire le négoce, exercer tel art, métier ou profession qu'il plaira à l'étranger de choisir. La loi du 2 mars 191 se sert d'une expression tellement générale, il sera libre à toute personne, qu'elle comprend évidemment les étrangers (V. Pardessus, t. 1, p. 55). De même, la loi accorde à l'étranger la même faculté qu'au Français de jouir, pendant un certain temps, de la propriété exclusive de sa découverte (L. 5 juill. 1844, art. 27 et suiv.; V. aussi décret du 5 fév. 1810, art. 40, pour la propriété littéraire, et infrà, no271, pour la propriété industrielle). La loi du 21 avril 1810, art. 15, reconnait à tout étranger naturalisé ou non en France, agissant isolément ou en société, comme à tout Français, le droit de demander une concession de mines qu'il peut obtenir, dit la loi, s'il y a lieu. Une exception importante existait néanmoins en ce qui concerne les droits des étrangers en France, pour la propriété des navires de commerce nationaux ; aucun étranger ne pouvait en être propriétaire en tout ou en partie (V. décret du 21 sept. 1793, art. 2, et décr. du 27 vend. an 2, art. 9 et 13). Mais cette disposition a été modifiée par la loi du 9 juin 1845, ainsi qu'on l'a expliqué vo Droit maritime, no 66. Ils peuvent aujourd'hui posséder des navires français, à la condition toutefois que la moitié de la propriété au moins appartienne à des Français.

Sauí cette exception, les droits de l'étranger, en France, en ce qui concerne le commerce, sont ceux du Français lui-même; il n'y a pas lieu d'appliquer l'art. 11 c. civ. Mais, par cela même, l'étranger doit être soumis aux mêmes conditions pour l'exercice de sa profession que le Français; il doit, dans certains cas, se pourvoir d'autorisation; dans d'autres, il est soumis aux règlements de police; mais dans tous il est, comme le Français, soumis à la patente. « Tout individu français ou étranger, dit la loi du 25 avril 1844, qui exerce en France un commerce, une industrie, une profession, non compris dans les

exceptions déterminées par la présente loi, est assujetti à la contribution des patentes » (art. 1). Cette assimilation de l'étranger au Français, en matière commerciale et industrielle, ne s'étend pas aux professions qui se rattachent aux fonctions publiques, ou même à des fonctions publiques elles-mêmes, telles que celles de juges consulaires. Dans le projet du code de commerce il y avait un article ainsi conçu : Toute personne a droit de faire le commerce en France; mais cette disposition fut supprimée comme étant inutile. « Nous n'avons pas pensé, disait à ce sujet M. Regnauld de Saint-Jean-d'Angely dans l'exposé des motifs des sept premiers titres du code de commerce, qu'il fût nécessaire de dire qu'en France toute personne a droit de faire le commerce » (V. Locré, Esprit du code de com., t. 1, p. 6). V. aussi vis Commerçant, no 223, Droit civil, no 196.

162. 4° Titres.-La constitution n'admettant plus les distinctions de classes entre les citoyens, qui existaient sous l'ancien régime et qui interdisaient aux personnes nobles le commerce en détail : sous ces mots toute personne sont compris indistinctement tous les citoyens. « L'absurde préjugé, dit Chaptal, qui interdisait le commerce à la noblesse française et reléguait dans une classe inférieure l'homme laborieux qui se livrait à un genre quelconque d'industrie, n'a pas peu contribué à arrêter les progrès de la fortune publique... Ce vice fondamental de nos institutions rendait le négociant et le fabricant presque étrangers à leur gouvernement; ils sentaient toute l'utilité dont ils étaient pour leur pays, mais ils voyaient qu'on ne leur en tenait aucun compte; dès lors, ils s'isolaient et se séparaient de tout intérêt national pour ne s'occuper que de leurs propres affaires. Que l'on porte, au contraire, les regards sur l'Angleterre où le commerce est honoré, où le fils d'un pair ne rougit pas de s'asseoir au comptoir de son père, et lorsqu'il est appelé lui-même à siéger au parlement, il remet à ses enfants le noble héritage que lui ont transmis ses ancêtres » (de l'Industrie franç., p. 220-223). Mais si la loi n'interdit pas aujourd'hui aux citoyens l'exercice d'une profession, à raison de titres de naissance ou de qualités, elle prononce, dans certains cas, des incompatibilités entre certaines fonctions et entre certaines professions déterminées, ce qui est bien différent.

A plus forte raison, la loi n'interdit-elle pas le commerce ou l'industrie pour fait de religion. Il a été décidé dans ce sens que l'arrêté municipal qui interdit à tout israélite d'exercer dans un abattoir public des fonctions de schoct, c'est-à-dire de saigner les animaux selon le culte hébraïque, à moins de justifier d'une autorisation du consistoire, ne peut être interprété en ce sens qu'il interdirait à un israélite d'exercer la profession de boucher, et par conséquent de saigner dans l'abattoir, comme tous les autres bouchers, les animaux destinés à être vendus à tous les consommateurs sans distinction de religion (Crim. rej. 14 août 1845, aff. Lévy-Bolack, D. P. 45. 1. 375).

163. En Angleterre, un étranger peut aujourd'hui, par suite de l'abrogation des anciens statuts, faire le commerce; mais il ne peut pas y avoir un établissement manufacturier, s'il n'a obtenu des lettres de denisation (V. Droit civ., nos 56, 534 et s.). Ces lettres, qui sont accordées à l'étranger qui veut se fixer en Angleterre et qui diffèrent des lettres de naturalisation, portent que l'impétrant sera désormais réputé naturel et non féal et homme lige; qu'il pourra recueillir tous héritages, en acheter, les posséder et en jouir comme il lui plaira. Ut sit posthac indigena et in omnibus habeatur et teneatur tanquàm fidelis ligius in regno oriundus, et omnia hereditamenta recipere, capere, emere, possidere et gaudere ut sibi placuerit possit. Les lettres de denisation sont nécessaires à l'étranger qui veut se livrer en Angleterre à l'industrie manufacturière. Les diverses taxes qui pesaient sur lui sous différents noms, n'ont été abolies que depuis 1835. — En Hollande, les étrangers jouissent des mèmes droits que les Hollandais, sauf exception expresse (art. 9 de la loi du 15 mai 1829). - En Espagne, sont exigés de l'étranger comme condition pour faire le commerce, la naturalisation ou le domicile légal, et à défaut de l'une ou de l'autre, les étrangers n'ont que les droits qui leur sont conférés par des traités ou qui sont accordés à l'Espagnol dans les Etats auxquels ils appartiennen! (art. 18 c. com.). En Russie, nul ne peut exercer le commerce s'il n'est inscrit dans un guilde ou dans une des trois classes de l'ordre des commercants. Ces classes se distinguent, d'après le chiffre du capital que

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le commerçant est tenu de déclarer. Les sujets russes ou les étrangers naturalisés russes par la prestation du serment de sujétion, peuvent seuls faire partie d'un guilde; sont dispensés néanmoins du serment de sujétion, les commerçants en gros, mais ils ne le sont pas de l'inscription dans un guilde. Cette inscription ne leur donne d'ailleurs que des droits assez restreints; leurs rapports commerciaux sont à peu près bornés aux négociants des deux premiers guildes, auxquels ils doivent vendre les objets qu'ils ont importés de l'étranger, et par le moyen desquels ils doivent faire leurs achats pour l'exportation.... Sont dispensés aussi du serment de sujétion pendant dix ans, mais doivent toujours se faire inscrire dans un guilde, les étrangers qui fondent en Russie des fabriques ou autres établissements du même genre; ils ont la faculté de débiter leurs produits en Russie en se faisant inscrire dans un guilde. Les artistes étrangers, les fabricants de machines, d'appareils ou de produits chimiques, sont affranchis de l'inscription pour la vente de leurs produits; le sont également les étrangers qui font le commerce des bêtes à corne. L'étranger inscrit dans un guilde est, par cela même, soumis au payement de la taxe imposée à la classe de commerçants à laquelle il appartient.-V. M. Massé, Droit commercial, t. 2, nos 16, 17 et 18.

ART. 2. Du cumul de plusieurs industries. 164. La loi du 2 mars 1791, en posant le principe de la liberté du travail et de l'industrie, et en déclarant qu'il est libre à toute personne de faire tel négoce, d'exercer telle profession, art et métier que bon lui semblera, a par cela même accordé à toute personne la faculté de cumuler plusieurs industries. Dans son art. 14, elle énumère plusieurs exemples de cumul de la manière suivante: «Les particuliers qui voudront réunir à leur négoce, métier ou profession, les professions de marchand de vins, brasseurs, limonadiers, distillateurs, vinaigriers, marchands de bière et de cidre, aubergistes, hôteliers donnant à boire et à manger, traiteurs, restaurateurs, les fabricants et débitants de cartes à jouer, les fabricants et débitants de tabac; ceux mêmes qui n'exerceraient que les professions ci-dessus dénommées, payeront leurs patentes dans les proportions suivantes....» Cet article qui n'énonce que le cumul de certaines professions et règle la patente dans ce cas, n'est évidemment pas limitatif de la faculté de cumuler toutes autres professions que celles dont il fait mention. Seulement, dans les cas autres que ceux prévus par l'art. 14, les personnes qui cumuleront plusieurs professions, seront soumises à la patente dont le taux est fixé par l'art. 12. Et ce qui le prouve, c'est la disposition de l'article suivant qui porte : <«<Les boulangers qui n'auront pas d'autre commerce ou profession, ne payeront que la moitié du prix des patentes réglé par l'article précédent» (art. 13). D'où il résulte nécessairement que 'si les boulangers ont un autre commerce ou profession, ils sont soumis à la patente ordinaire, dont le prix est réglé à raison du loyer ou de la valeur locative de l'habitation des boutiques, magasins et ateliers.-On conçoit très-bien que la patente n'étant, d'après la loi de 1791, qu'un droit proportionnel, cette loi n'ait pas soumis le cumul de plusieurs professions, en règle générale, à des dispositions particulières; et qu'elle n'en ait pas fait mention. Si le prix du loyer, par suite du cumul, est plus élevé, le taux de la patente le sera aussi; s'il ne l'est pas plus pour l'exercice de deux professions que pour celui d'une seule, il sera le même dans les deux cas. Le droit de patente est seulement plus élevé, lorsqu'on cumule certaines professions spéciales, celles énumérées dans l'art. 14, avec une profession ordinaire élever le taux de la patente dans certains cas de cumul, tel est l'objet de l'art. 14, duquel on ne saurait assurément rien conclure contre la faculté de cumuler. La loi du 1er brum. an 7, qui établit un droit fixe, en même temps qu'un droit proportionnel pour la patente, le premier variant suivant les professions, avait à s'occuper pour le payement de ce droit du cumul de plusieurs professions; fallait-il exiger les deux droits ou l'un deux seulement? et dans ce dernier cas, lequel? Son art. 24 résout ainsi la question : «Nul ne sera obligé à prendre plus d'une patente, quelles que soient les diverses branches de commerce, profession ou industrie qu'il exerce ou veuille exercer; dans ce cas, la patente est duc pour le commerce, profession ou industrie qui donne lieu au plus fort droit.» L'art. 7 de la loi du 23 avril 1844, repro

duit la disposition de la loi de brumaire, mais dans des termes plus clairs et qu'il nous paraît utile de reproduire ici textuellement, car ils consacrent de la manière la plus évidente la faculté de cumuler plusieurs industries. «Le patentable qui exerce plusieurs commerces, industries ou professions, même dans plusieurs communes différentes, ne peut être soumis qu'à un seul droit fixe...» (V. aussi l'art. 11 de la même loi. Le droit de cumuler plusieurs industries ne saurait donc être contesté sérieusement; comment le serait-il? la prohibition de cumul ne reposait que sur la division officielle des professions; or celte division n'existe plus et la prohibition a dû tomber avec elle. Voici, au surplus, dans quels termes le rapporteur de la loi du 2 mars 1791 parle de ce droit : «D'après ces considérations, votre comité a cru devoir vous proposer que tout homme serait libre d'exercer telle profession, tel commerce, tel métier, telle cumulation de métiers et de commerces qui lui paraîtraient conformes à ses talents et utiles à ses affaires, et au lieu des capitaux considérables qu'il fallait débourser pour être admis dans une jurande qui ne donnait que le droit de ne faire qu'un seul métier, qu'un seul commerce, et qui laissait le maître soumis à la perte entière de ce capital, si son entreprise ne réussissait pas, de n'exiger d'aucun des aspirants que de se faire connaître à leur municipalité et de payer une redevance annuelle proportionnée à l'étendue et au succès de leurs spéculations, augmentant, diminuant, cessant avec elles» (Mon. du jeudi, 17 fév. 1791, 194 et suiv.).

165. La question du cumul des professions a été agitée devant les tribunaux et résolue par la cour de cassation dans un seus différent de l'opinion que nous avons adoptée (V. Crim. rej. 1er avril 1830, aff. Cugis, V. Boulanger, no 20). Il s'agissait, dans l'espèce, de boulangers qui avaient cui dans leur four du pain dit rationne, ou pain de ratière, pain préparé par les particuliers, dont la cuisson était autrefois réservée aux maîtres fourgonniers. Un arrêt du parlement d'Aix, du 17 juin 1777, réglant les droits respectifs des deux professions, des maîtres boulangers et des maîtres fourgonniers, avait fait inhibitions et défenses, tant aux uns qu'aux autres, d'exercer cumulativement et tout à la fois les deux métiers, sauf à eux d'opter pour l'un ou l'autre métier. Cet arrêt fut invoqué contre les boulangers comme étant toujours en vigueur, et Cugis, l'un des contrevenants, fut condamné à l'amende. La cour de cassation appelée à se prononcer sur cette question, rejeta le pourvoi de Cugis, en se fondant sur ce que l'art. 7 de la loi du 2 mars 1791 n'avait pas abrogé, mais avail au contraire maintenu l'arrêt du parlement d'Aix, du 17 juin 1777, ledit article déclarant que toute personne serait libre d'exercer telle profession, art ou métier qu'elle trouvera bon, mais à la charge de se conformer aux règlements de police qu sont ou pourront être faits; elle se fondait encore sur ce que l'autorité municipale aurait pu, en vertu des lois des 16-24 agit 1790 et 19-22 juill. 1791, faire la même défense. Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons déjà dit, nous ferons seulement observer, à propos de cet arrêt de la cour de cassation, que celui du parlement d'Aix de 1777 reposait sur la division officielle des professions et dut tomber avec elles; que la loi du 2 mars 1791, a si bien abrogé ce règlement, qu'elle accorde implicitement au boulanger le droit de cumuler plusieurs professions (art. 13). En interprétant la loi du 2 mars 1791, comme l'a fait la cour de cassation dans cet arrêt, il n'est pas d'ancien règlement ou même d'arrêté de parlement que l'on ne pût faire revivre (V. aux numéros suivants, l'opinion de M. Bost). Quant au pouvoir que le même arrêt accorde à l'autorité municipale de prohiber le cumul de certaines professions, nous ne l'avons vu écrit ni dans la loi de 1790 ni dans la loi de 1791, cette dernière interdit même aux corps municipaux de faire des règlements, ne leur permettant que de faire des arrêtés, lorsqu'il s'agira d'ordonner des précautions locales sur les objets confiés à sa vigilance et à son autorité par la loi des 16-24 août 1790. D'ailleurs l'autorité municipale, le préfet de police notamment, n'a pas cru pouvoir interpréter les lois des 16-24 août 1790 et 19-22 juillet 1791, dans le sens que leur a donné la cour de cassation et avoir le droit d'empêcher le cumul de certaines professions, l'une d'elles fülelle la profession de boulanger. — V. le numéro suivant.

166. La même question a été soumise à la décision de l'au

torité administrative et de l'autorité judiciaire dans les circonstances suivantes : Les boulangers de Paris, ou du moins quelques-uns d'entre eux, avaient joint à leur commerce la fabrication de certains objets de pâtisserie; les pâtissiers, vovant dans ce fait un empiétement sur leur profession, réclamèrent auprès de l'autorité administrative de M. le préfet de police, mais ce magistrat ne put faire droit à leur réclamation; il ne pouvait de sa propre autorité créer une incompatibilité entre les professions de boulanger et de pâtissier et priver les boulangers d'un droit incontestable; la demande des pâtissiers fut donc repoussée. VouJant alors user de représailles à l'égard des boulangers, quelques pâtissiers, délégués par les autres, se firent boulangers; mais, comme cette dernière profession ne peut être exercée qu'avec autorisation, et que les pâtissiers ne l'avaient pas obtenue, ils furent traduits devant le tribunal de police municipale, qui dut les condamner et qui reconnut en même temps, tout en déplorant son exercice, la faculté appartenant aux boulangers de cumuler, avec leur profession, celle de pâtissier: << Considérant, est-il dit dans le jugement, que la profession de boulanger est au nombre de celles que l'intérêt public a dû soumettre à des règles fixes, tracées par l'administration, et à une autorisation spéciale, délivrée par le préfet de police; - Attendu que la profession de pâtissier n'est pas dans les mêmes conditions, et que chacun peut, sans aucune permission administrative, se livrer à l'exercice de cette profession;-Attendu que, quelque préjudiciable que soit aux intérêts des pâtissiers l'usage adopté par certains boulangers de Paris de faire de la pâtisserie au détriment des personnes qui se livrent à cette industrie.......... » Ce jugement, du 25 août 1842,❘ a été déjà rapporté vo Boulanger, no 90, nous n'y insisterons pas. - M. Bost (Organisation municip., t. 2, p. 282) pense, néanmoins, que l'autorité municipale, s'appuyant sur des règlements anciens qui interdisent le cumul de certaines professions, peut interdire ce cumul dans l'intérêt de la salubrité publique. Ainsi il croit que l'ordonnance de police, du 24 sept. 1517, qui défendait aux bouchers de Paris d'être en même temps rôtisseurs, aubergistes ou cabaretiers, est encore en vigueur et ne doit pas être considérée comme abrogée, par ce motif que les règlements spéciaux ne peuvent être abrogés que par une disposition expresse. Mais l'abrogation de cette ordonnance est aussi expresse que possible; elle résulte des dispositions de l'art. 7 et de l'art. 14 de la loi du 2 mars 1791, ce dernier, notamment, qui reconnaît à tous particuliers le droit de réunir à leur négoce, métier ou profession (y compris évidemment celui de boucher qui n'en est pas excepté) les professions d'aubergiste, hôtelier donnant à boire et à manger, traiteurs, restaurateurs, etc. L'ordonnance de police du 24 sept. 1517 reposait, d'ailleurs, sur la division officielle des professions et dut, comme nous l'avons déjà dit, disparaître avec elle.- II peut y avoir, nous ne l'ignorons pas, quelques inconvénients au cumul de certaines professions, mais l'autorité municipale ne peut par ce motif, se substituant au législateur, enlever à des citoyens un droit que les lois et la constitution leur assurent; elle peut seulement, et elle doit, dans ce cas, user elle-même de ce droit de surveillance fort étendu et qui, dans la plupart des cas, sera suffisamment efficace pour réprimer les abus.-V. ce qui a été dit à ce sujet v° Boucher, no 76.

A propos du cumul des professions, il a été décidé que la qualité de fournisseur de pain des hôpitaux et des troupes de terre et de mer de Toulon, n'empêche point ce fournisseur de vendre du même pain au public, lorsqu'il est boulanger de son état, muni d'une patente, assujetti à des vérifications propres à garantir la bonne qualité et dont la police peut aussi s'assurer (décr. cons. d'El. 28 fév. 1810) (1).

(1) (Gaillard C. Coulombeau.) - NAPOLÉON, etc.;- Vu l'ordonnance précitée qui, statuant sur une réclamation des exposants contre le sieur Coulombeau, chargé d'une fourniture de pain pour les hôpitaux de la guerre et de la marine à Toulon, lui défend de vendre dans ses magasins, et de faire vendre dans la ville, au moyen d'un fourgon, du pain à la pièce, lui enjoignant de le venire au poids, et de se conformer aux règlements de police qui fixent les prix et la qualité du pain;-Vu l'avis des commissaires de police, celui du sous-préfet de Toulon, et l'arrêté par lequel le préfet du Var, déclarant l'ordonnance du maire non avenue, permet au sieur Coulombeau de continuer à vendre aux personnes qui lui en demandent, du pain de même qualité que celui qu'il fabrique rour

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167. La liberté d'industrie comprend même, nous l'avons dit, la faculté pour chacun d'exercer son art, métier, ou profession où il veut. Tout citoyen muni d'une patente, dit la loi du 1er brum. an 7, art. 27, pourra exercer son commerce, profes. sion ou industrie dans toute l'étendue du territoire de la République. La loi du 6 fruct. an 4 (23 août 1796) avait dit la même chose. La loi du 2 mars 1791, en abolissant le système des maltrises et des jurandes, a par cela même, en effet, abrogé tous les anciens règlements qui localisaient les industries et qui tenaient à l'ancienne division officielle des professions. Ainsi ont disparu, au moins endroit, ces anciens règlements qui affectaient un quartier, une rue d'une ville, à l'exercice d'une même profession; de là tiraient même leurs noms les parties de la ville que chaque profession occupait. En fait, dans la plupart des villes, cette division des professions par quartiers subsiste encore, mais cela ne saurait empêcher l'établissement d'une industrie différente dans le quartier ; aujourd'hui, en effet, la liberté est la règle.—Il a été jugé dans ce sens que l'autorité municipale ne peut soumettre les ouvriers exerçant des industries à marteau, tels que des taillandiers-forgerons, à ne s'établir dans certains quartiers de la ville, qu'après en avoir obtenu l'autorisation sur l'avis des voisins (Crim. rej. 18 mars 1847, aff. Laplace, D. P. 47. 4. 515.-Conf. vo Commune, nos 1044 et 1045; V. aussi vo Contravention). — Les maires peuvent bien, en effet, rappeler à l'exécution des règlements de police anciens et subsistants, mais non à celle des règlements abrogés, encore moins peuvent-ils faire des arrêtés sur l'exercice des professions qu'aucune loi ne soumet à leur surveillance d'une manière spéciale (arg. Crim. rej. 22 déc. 1838, aff. Salomon, V. Commune, no 700).

168. Quant aux professions qui ont pour objet la préparation et la vente de certains comestibles, le pouvoir de l'autorité municipale est beaucoup plus étendu; il peut aller, suivant une jurisprudence qu'au reste nous avons critiquée, jusqu'à interdire l'établissement de certaines industries dans certains quartiers, ou dans certains locaux qui pourraient nuire à la salubrité des comestibles (V. vis Boucher, no 65; V. aussi vo Commune, no 1259).—A l'égard des établissements incommodes qui peuvent nuire aux propriétés dans le voisinage desquels ils existent, tels que les ateliers de chaudronniers et de ferblantiers, le maire n'a aucun droit sur eux, si ce n'est en ce qui concerne la tranquillité publique : il ne peut leur assigner un quartier; mais il est incontestable que de tels établissements pourraient être compris dans la classe des établissements incommodes, et, comme tels, soumis pour leur exercice aux formalités prescrites par la loi du 15 oct. 1810 et par l'ord. du 14 janv. 1815 (V. Manuf. et établ. insalub.).—Toutefois, ces sortes d'établissements, s'ils échappent à la surveillance de l'autorité municipale, peuvent donner lieu à des condamnations en dommages-intérêts contre ceux à qui ils appartiennent en faveur des propriétaires voisins, s'il en résulte pour ceux-ci une dépréciation véritable de leur propriété. — V. infrà, nos 211 et suiv.

169. On peut encore, en vertu de la liberté d'industrie, transférer un établissement d'un lieu dans un autre, sans autre condition que de payer, s'il y a lieu, un supplément de patente pour le droit proportionnel et pour le droit fixe (L. 1er brum. an 7, art. 18; 25 avril 1844, art. 23, vo Patente). Les industries nomades, telles que l'industrie des colporteurs et celle des forains ne sont soumises elles-mèmes à aucune condition particulière. Ceux qui les exercent doivent seulement payer une patente spéciale et en payer la totalité, la loi n'admettant pas pour eux le payement par douzièmes (L. 2 mars 1791, art. 10, et 25 avril

les différents services dont il est chargé; - Vu les lois des 17 mars et 22 juill. 1791;

Considérant que le pain livré par le sieur Coulombeau, aux particuliers qui lui en demandent, étant le même qu'il fournit pour les divers services dont il est chargé, se trouve, dès lors, assujetti aux vérifications les plus propres a en garantir la bonne qualité,-Considérant, d'ailleurs, que cette conformité de fabrication est susceptible d'être vérifiée journellement par la police, et que l'établissement du sieur Coulombeau n'emporte l'idée d'aucun privilège ;-Art. 1. La requête des sieurs Gaillard, Founier, Nicolle et consorts, est rejetée.

Du 28 févr. 1810.-Décret du conseil d'Etat.

cette différence toutefois que, pour certains d'entre eux, agents de change, notaires, avoués, huissiers, ce n'est pas l'Etat qui paye leur salaire, ce sont ceux qui emploient leurs services. Le droit qu'a l'Etat d'exiger d'eux des garanties de moralité, à raison

1844, art. 24). Comme tous les patentables, les colporteurs et les forains sont tenus d'exhiber leur patente lors qu'ils en sont requis (L. 25 avril 1844, art. 27), sous peine de saisie et de séquestre à défaut de caution jusqu'à représentation de la patente (1er brum. an 7, art. 38). Sur les cas de perte, de remplace-même de l'autorité qu'il accorde à leurs actes, ne saurait être conment de la patente, V. Patente.-La patente, telle est la seule | condition imposée par la loi aux colporteurs et forains. Jugé en conséquence 19 que le droit de l'autorité municipale se borne à enjoindre aux marchands forains de n'étaler leurs marchandises, les jours de foire ou de marché, que dans le lieu désigné par elle, et, pour les autres jours de la semaine, à soumettre ces mêmes marchands à l'obligation de la prévenir préalablement de leur intention de vendre (Crim. rej. 22 déc. 1858, aff. Salomon, V. Commune, no 700); — 2o Qu'ainsi l'autorité municipale ne peut soumettre les colporteurs à une expertise préalable de leurs marchandises ni les astreindre à apposer, en caractères lisibles, sur les objets mis en vente, l'indication de leurs défectuosités et qualités (Crim. rej. 7 mai 1841, aff. Salvador, v° Commune, no 1222). La déclaration préalable, qu'il faut bien se garder de confondre avec l'autorisation, est donc, d'après le premier de ces arrêts, seule exigée aujourd'hui et a remplacé le visa de la patente prescrit par la loi du 2 mars 1791.

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170. Les colporteurs, la cour de cassation l'a décidé avec raison dans les deux arrêts qui précèdent, sont soumis à la loi commune; l'autorité municipale ne peut imposer à l'exercice de leur profession des conditions arbitraires, auxquelles ne sont pas soumises les industries à demeure fixe (V. aussi vo Commune, no 1222).-Par exemple, le pouvoir municipal ne peut pas assujettir ces marchands à produire, soit les factures légalisées de leurs marchandises, soit les passe-ports et patentes dont ils doivent être munis (Crim. rej. 7 mai 1841, aff. Labrousse, V. eod. no 1222). Mais il pourrait leur être interdit de vendre aux enchères à la lumière (Crim. cass. 16 oct. 1847, aff. Lenoble, D. P. 47. 5. 36)

171. Chacun peut encore exercer son industrie on travailler quand il veut, de nuit comme de jour, en temps fériés comme en tout autre. Des anciens règlements des corporations ont été complétement abrogés sur ce point. Toutefois la loi du 18 nov. 1814 a interdit les travaux ordinaires et extérieurs les dimanches et jours de fêtes reconnues par la loi, et par là même a restreint la liberté d'industrie sur ce point. On a critiqué cette loi. Est-elle abrogée?-V. vis Culte et Jour férié.

12. Les anciens règlements concernant la fabrication et la marque obligatoire ayant été abolis, il en résulte encore que chacun peut travailler comme il veut, employer telle matière première qu'il lui plaît, l'ouvrer selon les procédés qui lui conviennent le mieux, lui donner la forme, la couleur, les dimensions qu'il veut, marquer ces produits ou ne pas les marquer. La loi ne réprime que la fraude (V. infrà, no 210); elle s'en repose pour tout le reste sur l'intérêt du fabricant, qui sait approprier ses produits aux goûts et aux besoins des consommateurs. «Protéger la propriété, disait Chaptal, faciliter les approvisionnements de l'industrie, favoriser la production, là se borne l'action du gouvernement. S'il veut s'immiscer dans les moyens de fabrication, influer sur les achats et les ventes, régler les transactions, il ne peut qu'entraver l'industrie et nuire à ses intérêts. »

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178. La loi du 2 mars 1791 n'impose d'autre condition à l'exercice d'une profession, art ou métier, que le pavement d'une patente. Il y a cependant certaines professions qui, à raison de leur importance pour l'intérêt public, exigent, de la part de l'Etat, une action plus directe, une surveillance plus grande, qui rendent même nécessaires certaines dérogations au principe de la liberté du travail. Il est incontestable d'abord que, pour certaines fonctions, le nombre des fonctionnaires est nécessairement limité par les besoins; s'il s'agit de fonctionnaires publics, le gouvernement a incontestablement ce droit de limitation, qu'il ne faut pas confondre avec la création d'un monopole au profit de certains individus ; car ce que fait le gouvernement, tout particulier peut le faire à l'égard des travailleurs qu'il emploie. Or Jes fonctionnaires publics sont des travailleurs officiels, avec

testé; il en est de même de son droit de surveillance et de celui de les réunir en corporations, qui rend cette surveillance plus facile et plus efficace. Mais l'État peut-il faire cette exception av principe de la liberté du travail, que de les choisir, de limite. leur nombre et de rendre impossible toute concurrence? M. Rossi résout encore affirmativement cette question, par cette considération que la concurrence et la réduction de salaires qui en est la suite pourraient avoir de graves dangers dans les fonctions où les actes des fonctionnaires ont une autorité et une importance que n'ont pas ceux des travailleurs ordinaires; mais le même économiste, tout en admettant pour le gouvernement le droit de choisir ses fonctionnaires et de limiter leur nombre, repousse la vénalité des offices. Voici quels sont ses motifs : L'État ne peut plus, après avoir créé en quelque sorte une propriété au profit des titulaires, par suite du droit de présentation du successeur qui leur est reconnu par l'art. 91 de la loi de 1816, augmenter ou diminuer leur nombre et l'approprier aux besoins du moment, car, dans le premier cas, il amoindrirait la valeur des offices existants, et, dans le second, il commettrait une sorte de spoliation; il n'est pas libre non plus dans le choix des titulaires, quoi qu'on en dise, et le résultat du système est de ne choisir ni le plus indigne ni le plus digne. Enfin le droit de présentation créant un droit de propriété des charges, droit qui est transmis quelquefois à un prix très-élevé, il en résulte que le prix des actes ne représente pas seulement les salaires du travail des fonctionnaires, mais comprend encore les intérêts de la somme formant le prix d'achat, et fait peser ainsi sur les consommateurs, au profit de certains privilégiés, un véritable impôt déguisé, comme si l'on obtenait du gouvernement le droit de prélever un décime additionnel sur l'octroi de Paris, dans un intérêt particulier (Cours d'économie politiq., t. 1, 19e leçon; V. du reste, ce qui est dit à cet égard vo Office). On sait également que, pour certaines professions dans lesquelles les travailleurs n'ont pas ce caractère de fonctionnaires publics, leur exercice est réglé, et le nombre des titulaires en est limité, afin que l'État puisse plus aisément exercer sa surveillance, surveillance que rend nécessaire la nature de ces professions. Telles sont les professions de boulanger, imprimeur..., de débitant des produits dont le gouvernement s'est réservé le monopole, poudres, tabacs, etc.

174. Nous ne nous occuperons pas ici de ce qui concerne les professions libérales ni des conditions d'âge, de diplôme ou autres exigées pour leur exercice, mais des professions industrielles proprement dites seulement.

75. Des motifs d'intérêt public ont fait, comme nous l'avons dit, restreindre, dans certains cas, la liberté d'industrie. Ces restrictions sont de trois sortes : les unes attribuent un droit exclusif à certaines personnes ou à certaines administrations; d'autres soumettent certaines industries à la condition d'une déclaration ou autorisation préalable, d'autres enfin imposent seulement certaines obligations particulières à quelques professions commerciales. Les premières constituant de véritables exceptions au principe de la liberté, du travail et de l'industrie, et n'étant, dans certains cas, que la conséquence des autres conditions mises à l'exercice d'une profession, nous nous occuperons d'abord de ces dernières.

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176. 1° Déclaration préalable.-La loi du 2 mars 1791 n'a pas maintenu la disposition de l'arrêté de janvier 1776, qui imposait à toute personne voulant exercer une profession, art ou métier, l'obligation d en faire la déclaration préalable à l'autorité municipale du lieu où elle se proposait de l'exercer. La patente rendait inutile pour beaucoup cette déclaration, la loi du 2 mars 1791 ayant exigé qu'il fût dressé dans chaque municipalité une liste ou registre alphabétique des noms des personnes qui auront obtenu une patente, ainsi que de ceux des forains ou col

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