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leur solde, se font rembourser en articles de journaux ou en pamphlets, et leur promettent dans un gouvernement révolutionnaire à venir les emplois qu'ils n'ont pu obtenir sous un gouvernement régulier. Aussi voit-on ces législateurs imberbes, docteurs sans instruction, réformateurs sans mission, fiers d'être les échos des sottises imprimées, régenter la cour et la ville, et porter en tous lieux l'esprit d'opposition. Grâces à leurs corrupteurs, le contrôle est partout, et l'obéissance nulle part... Mais du contrôle à la sédition il n'y a qu'un pas.... »

L'orateur, bien éloigné de la confiance témoignée par ses amis sur la supériorité de talent des journaux royalistes, croit pourtant qu'en l'absence d'une loi répressive et forte, la suppression de la censure ne serait avantageuse qu'à leurs adversaires, aux journaux libéraux.... « Il n'est pas un homme de sens, un homme de bien, dit-il, qui ne doive préférer cent fois, mille fois, la censure à la liberté des journaux avec le jury!» Et, après une violente déclamation contre ce qu'il appelle la faction révolutionnaire, dont il signale les manœuvres jusque dans la chambre par des allusions qui ont plus d'une fois excité des murmures du côté gauche; après une longue apostrophe aux ministres sur la nécessité de choisir des royalistes pour les emplois, M. Josse de Beauvoir vote pour que la censure soit accordée telle qu'elle existe au gouvernement, mais seulement jusqu'à la fin du deuxième mois qui suivra l'ouverture de la session prochaine, amendement dont on verra les conséquences.

(5 juillet.) A ce discours, remarquable par la haine profonde que l'orateur y témoignait contre les hommes et les principes de la révolution, succéda celui de M. de Castelbajac, non moins violent contre les ministres. Après leur avoir reproché d'avoir fait usage de la censure dans le seul intérêt ministériel, contre les principes monarchiques, contre les véritables intérêts du trône, de la religion et du pays; d'avoir favorisé la propagation des doctrines subversives, des principes de révolte; d'avoir étouffé les saines doctrines, d'avoir arrêté l'expression de la fidélité et de l'hon

neur:

« Voulussiez-vous faire autrement pour l'avenir, dit-il, vous ne le pourriez pas. Vous haïssez les royalistes comme individus; vous les repoussez comme principes.... Placés vous-mêmes par vos antécédens dans une situa

tion fausse et difficile, vous ne pouvez pas avoir une doctrine, professer une opinion, sans craindre un Moniteur ou un souvenir. Vous devez subir les conséquences d'une telle position; elle vous ôte les moyens de parvenir à faire le bien quand vous en auriez le désir; vous ne pouvez être que conduits ou trompés.... Successeurs d'un ministère dont le système était pernicieux, Vous avez recueilli l'héritage et persisté dans le systéme....

‹ Attaqués l'année dernière par l'opinion que vous avez soutenue, appelés pour rappeler l'opinion royaliste, craignant d'être renversés par elle, vous avez demandé au nom du roi, au nom de la France, de la force aux amis de la monarchie; vous avez dit que vous changeriez de système, que vous reconnaissiez vos injures: qu'en est-il résulté? Vous avez appelé au conseil des hommes dont l'honneur et les talens font une des gloires de l'opinion mouare chique ( allusion à la nomination de MM. Laînél, de Villèle et Corbière), et dès-lors, sùrs que vous vous êtes crus de passer la session par la connaissance de la confiance qu'ils inspiraient, vous vous êtes arrêtés, et vous avez trouvé cette position d'autant plus douce, que vous aviez l'air de vous appuyer sur les royalistes, que vous le disiez, tandis qu'au fait vous ne faisiez rien pour leur cause. Vous avez trompé les uns comme les autres; vous n'avez ni doctrines positives, ni principes fixes; vous n'avez ni marche, ni plan, et vous ètes d'autant moins aptes à gouverner avec la charte, que chaque année vous venez le déclarer vous-mêmes, en proclamant la France en péril si on ne Tous accorde pas des mesures d'exception.... Pour ceux qui veulent la charte, qui sont convaincus qu'on ne peut marcher qu'en en adoptant franchement les conséquences, vous avez dû vous attendre qu'ils vous répondraient, au lieu de vous accorder la censure: Tremblez de conserver un poste que de tre aveu répété vous ne pouvez remplir: dès que vous reconnaissez votre insafance, craignez de retenir un gouvernail trop fort pour vos débiles

mins....>

En terminant cette violente philippique contre les ministres à portefeuilles, M. de Castelbajac ajoutait : « Il doit rester à nos • amis qui siégent avec nous la certitude que nous sentons l'éten⚫ due des sacrifices qu'ils s'étaient imposés ; que nous ne les accusons pas de ce que le bien ne s'est pas fait; qu'au contraire, s'il ⚫ ne s'est pas fait plus de mal, nous sommes convaincus que c'est <à eux qu'on le doit, et que confiance et union sera toujours le « sentiment qu'ils trouveront en nous. »

Nous avons cité ce discours avec un peu d'étendue, parce qu'il nous paraît annoncer la scission qui s'annonçait dans le conseil des ministres.

M. le garde des sceaux, montant immédiatement à la-tribune, exposa d'abord que les ministres actuels avaient été appelés aux affaires dans des circonstances difficiles, et que la plupart n'avaient

consenti à se soumettre à un si lourd fardeau qu'après de longues résistances et des refus réitérés. « Quiconque, ajoute S. Exc. dit à des ministres, quittez vos places, leur dit en même temps, cédez-les-nous. » Le plan suivi par le ministère pendant la der nière session, et depuis, est fort simple: il est connu. Le gonvernement a vu se manifester le danger des principes révolutionnaires ; il a cru que le seul moyen d'y remédier était de rallier tous les hommes qui, dans l'ordre constitutionnel, professaient avant tout la nécessité de la royauté légitime, de la royauté forte et puissante, telle qu'il la faut à un royaume comme la France. Le ministère a cherché à réunir ces hommes, et certainement il les a réunis et dans la dernière session et dans les dernières élections......

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Après avoir répondu à d'autres reproches sur les dernières lois du clergé et des donataires, etc...., M. le garde des sceaux entre dans des développemens fort étendus sur la question de savoir si Ja liberté des journaux où le droit de faire un journal est consacré par la charte, et s'il convient de transporter aux cours royales le jugement des délits de la presse. Sous l'un et l'autre rapport, il se décide pour la négative, en excusant le ministère d'avoir tardé à présenter une loi répressive, par les difficultés qu'elle présente.... 1. { 6' juillet. ) A ́de nouvelles attaques des deux partis opposés (de MM. Dupont de l'Eure, Delalot et de Girardin), M. le baron Pasquier répond d'abord par des considérations sur l'utilité de la censure dans les circonstances où la France et l'Europe se trouvent, par la nécessité d'ôter à l'esprit novateur et subversif qui agite le monde ses organes habituels. « Doit-on, parce que la censure est confiée à des ministres qu'on n'aime pas, refuser à son pays, à la société, les garanties dont ils ont besoin? »

« Quant à moi, dit S. Ex., rien ne pourrait m'empêcher de donner la censure à quelque ministre que ce soit qui m'aurait remplacé, convaincu que je suis qu'il faut toujours accorder à ceux qui gouvernent les moyens de le faire sans secousse violente....

« Au reste, nous traduirons plus simplement la pensée de ceux qui ne veulent pas aujourd'hui accorder la censure: ce n'est pas tant parce qu'ils en méconnaissent les avantages, que parce qu'ils espèrent qu'à l'aide de la liberté des journaux, des ministres qu'ils n'aiment pas viendront à être renver

sés, et qu'il en arrivera qui leur seront plus agréables.... Un poste honorable et difficile nous a été confié, et c'est à cause de cette difficulté même qu'il faut le défendre avec honneur, ne fût-ce, quand le jour en viendra, que pour en sortir avec honneur.... »

Ensuite, après avoir repris la question de la censure et de la Joi répressive demandée, question où son opinion diffère un peu de celle de M, le garde des sceaux sur l'attribution donnée par la loi de 1819 au jury, M. le baron Pasquier, revenant encore à la querelle personnelle, repousse avec force le reproche qu'on a fait tout à l'heure aux ministres de hair les royalistes. Mais comme e il résulte de la nature de notre gouvernement, de la manière dont on y remplit ses fonctions, qu'il doit exister des amitiés et des éloignemens politiques, M. le baron Pasquier avoue hautement les unes et les autres.

« Oui, dit S. Ex., j'ai de l'éloignement pour tous les hommes qui, de quelque manière que ce soit, veulent troubler, ou qui, sans le vouloir, troublent la tranquillité de mon pays; qui désunissent les esprits quand il faudrait les réunir; j'ai de l'éloignement pour les hommes qui, exhumant trop souvent des tombeaux de la révolution les maximes révolutionnaires, veulent encore s'en faire un moyen pour renverser le bonheur dont nous jouissons, pour pervertir la génération naissante, et pour appeler sur sa tèle les maux qui nous ont trop long-temps désolés ; j'ai de l'éloignement pour les hommes qui, par d'odieuses récriminations, presque toujours injustes, toujours impolitiques, fournissent sans cesse des armes et des auxiliaires à ceux que je viens de désigner. Comme je redoute toutes les usurpations, j'ai de l'éloignement pour un très-petit nombre d'hommes qui voudraient usurper à eux seuls le titre de royalistes; qui voudraient, en quelque sorte, accaparer à leur profit des sentimens qui appartiennent à la nation française; qui, pour s'en faire honneur exclusivement, arriveraient ainsi à rétrécir sans cesse un cercle qu'il faut au contraire s'efforcer d'étendre.

« J'ai de l'éloignement pour ces mêmes hommes, lorsqu'ils manifestent trop clairement la pensée de faire d'une chose aussi sacrée que la royauté et du pouvoir qui en émane, l'instrument de leur passion, de leur intérêt, dé leur ambition. Oui, messieurs, il peut bien être permis aux ministres, quand on leur dit sans cesse qu'ils ne travaillent que pour conserver leurs places, de répondre qu'on veut les envahir. Eh bien ! messieurs, j'ai donc de l'éloignement pour ces hommes; mais c'est principalement parce que, s'ils arrivaient au but de leur désir, j'ai la conviction qu'ils ne feraient du pouvoir qu'un moyen de satisfaire quelques intérêts privés, et qu'on leur verrait ainsi reproduire, par la succession des triomphes éphémères de leurs petites ambitions, cet état ministériel qui, dans les années qui ont précédé la révolution, a fait tant de mal à la royauté en France...... »

Cette profession de sentimens, à laquelle on a souvent fait allu

sion des deux côtés opposés de la chambre, n'y concilia point les esprits au ministère. M. Bertin de Vaux, dans un discours où l'on a remarqué une digression éloquente sur les effets de l'imprimerie et sur l'influence des journaux, n'en accusa pas moins l'infidélité du ministère dans ses amitiés politiques.

(7 juillet.) M. Duplessis Grenédan, remontant plus haut, parcourant les divers ministères qui se sont succédés depuis la restauration, se livra à des personnalités qui ont plus d'une fois soulevé le côté gauche. Tous deux attaquaient la censure, défendue du même côté par MM. de Courtarvel et de Villefranche, qui fit observer que le projet de loi n'avait été rejeté dans le sein de la commission qu'à la majorité d'une voix.

L'opposition du côté droit était plus importuno que l'autre aux ministres; on a pu s'en apercevoir. M. Benoît le montra plus clairement, en motivant l'utilité de la censure sur les reproches que lui faisaient les libéraux d'avoir été favorable aux royalistes dans les élections, et de leur avoir donné la majorité dans la chambre. M. Benjamin Constant, venant ensuite, attaque la censure, en tant qu'elle est contraire à la charte, et qu'elle a été un instrument de haine et de diffamation contre les citoyens, et même contre les députés libéraux; il reproche à ceux qui la refusent maintenant au ministère quelque contradiction dans leurs principes.

« En 1817, dit-il, certaines personnes voulaient la liberté des journaux, parce que les principes du ministère qui disposait des journaux n'étaient pas les leurs. En 1820, les mêmes personnes ont voulu l'esclavage des journaux, parce qu'elles ont cru que le ministère, non-seulement adopterait leurs principes, ce qu'il n'a que trop fait, mais céderait ses places. En 1821, les places ayant tenu bon plus que les principes, on veut de rechef la liberté des journaux. Comme on vous l'a dit avec naïveté après les choses doivent venir les hommes. Or, les hommes ne venant pas, la satisfaction sur les choses s'est fort refroidie.

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<< Libre aux amateurs des palinodies d'en faire une troisième après une se conde, sauf à en faire une quatrième après la troisième. Je ne suis pas assez niais pour voir des principes là où il n'y a que des intrigues, et je distingue l'amour de la charte de l'amour des portefeuilles.

« Nous connaissons d'ailleurs toutes les négociations, et nous savons que trois fois en vingt-quatre heures, ou, pour ne pas exagérer, trois fois d'un mercredi à un vendredi, les principes ont voulu tour à tour que les

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