Page images
PDF
EPUB

crime. Comptez, Monsieur, autant sur ma bienveillance que sur le désir que j'ai de vous en donner des preuves.

LOUIS.

LETTRE LI.

A M. de N...

23 décembre 1791.

Les deux partis opposés qui règnent dans l'Assemblée législative, et qui se sont formés, pour ainsi dire, le jour de son installation, vous effraient, et vous ont obligé d'écouter les propositions qui vous ont été faites, et dont vous me parlez dans votre dernière lettre, datée de votre maison, à... Comme vous, je suis réellement effrayé de cette opposition: la haine et l'envie la dirigent. Je vois des maux incalculables naître de cette lutte nouvelle, et j'ai tout lieu de présumer que je serai la première victime des débats scandaleux qu'elle fera naître. On vous a proposé de me lier au parti le plus violent et le plus audacieux, en prenant dans son sein, ou d'après sa présentation, les ministres qui doivent être mon conseil, et de ne placer que des hommes de leur caractère, dans les places qui sont à ma nomination. Tous ces gens-là me plaisent peu, et je ne puis choisir parmi eux. La constitution est là qui doit me servir de guide; je ne puis ni ne dois m'en écarter, et soyez persuadé que je chercherai les hommes qui peuvent m'ê

tre utiles, parmi ceux qui aiment et veulent défendre cette constitution. Ceux qui m'ont été désignés dans votre lettre, ne sont pas de mon goût; ils n'ont, pour tout mérite, que l'audace du crime; ils ont tous une arrière-pensée, qui toujours sera subordonnée aux événements, et je les crois encore plus attachés à quelques chefs adroits et déguisés, qu'à la constitution dont ils feignent vouloir prendre la défense. Il y a encore parmi eux des beaux parleurs; mais gens sans tenue, sans génie, incapables d'agir. Condorcet a la tête farcie de démonstrations, de problèmes. Ce n'est pas de la théorie qu'il nous faut, c'est une expérience active. Vergniaud n'est pas assez froid pour le cabinet; S... fourbe et maladroit; L... d'une franchise rebutante il croit donner des conseils, et vous dit de grosses injures, assaisonnées de patriotisme. Je ne choisirai point mes ministres parmi ces hommes-là. Il me faut des hommes prudents, assez généreux pour se sacrifier, attachés par devoir et par honneur au nouvel ordre de choses, et qui m'aiment assez pour daigner s'intéresser encore à moi. Vous voyez bien qu'il m'est impossible de faire un choix parmi les êtres qui me sont présentés par le parti dont la puissance vous effraie. Voyons si je pourrai le vaincre en lui opposant les vrais amis de la constitution. Adieu.

LOUIS.

LETTRE LII.

A M. Vergniaud.

19 janvier 1792.

Votre plan est sublime, Monsieur; mais il n'est plus temps de feindre. Vous proposez et je ne puis rien; je n'ai pas même le pouvoir de faire croire au désir que j'ai de faire le bien. Vous-même, Monsieur, quand bien même je le voudrais, ne pouvez espérer aucun succès. Le crime veille, on conspire; la constitution doit succomber, et avec elle le fonctionnaire public qu'elle a créé. Vous avez des idées grandes et libérales, mais votre gouvernement mixte ne peut durer qu'un jour. Les novateurs n'ont aucun but; ils visent à la nouveauté, et ne s'attacheront jamais à rien; ils détruiront toujours; ils renverseraient le lendemain la constitution qu'ils auraient établie, les fonctionnaires publics qu'ils auraient nommés; ils tendent à se détruire eux-mêmes. Il faut, Monsieur, se rallier de bonne foi à la constitution; elle a des imperfections, je l'avoue; mais dans un temps orageux, elle est une planche salutaire: sauvons ensemble, de bonne foi, cette constitution.

LETTRE LIII.

A M. de N...

27 janvier 1792.

Il y a quelques mois que vous étiez épouvanté. J'ai refusé les protégés de ceux qui vous faisaient peur ; ils renouvellent leurs propositions, mais d'une manière plus énergique. Ils ont une volonté ; ils veulent bien ordonner. J'ai reçu leurs propositions et leurs envoyés avec la même froideur, et ne leur ai laissé aucun espoir. J'ai reçu une lettre d'un nommé Rouyer, député. Vous la lirez chez moi; c'est le comble du délire. Ce monsieur me promet le bonheur, l'amour des Français, un règne long et glorieux, si je fais tout ce qu'il veut bien me conseiller. En vérité, je suis indigné. Ces gens-là me forceront à les fuir. Je serais porté à les haïr, s'ils n'étaient déjà un objet de ma pitié. Venez de bonne heure au château, vous lirez cette lettre, et je vous parlerai de quelque projet.

LETTRE LIV.

A M. Péthion, maire de Paris.

14 février 1792.

L'invariabilité des intentions que je n'ai cessé de démontrer, Monsieur, pour alléger la partie du peuple qui souffre le plus dans ce moment, doit être garant de l'empressement que je mettrai toujours à seconder de tout mon pouvoir la représentation nationale. J'approuve, en son entier, tout ce que vous m'avez proposé de faire dans le Mémoire que vous m'avez remis. Vous voudrez bien, d'après cela, faire distribuer avec une sage répartition, les fonds que j'ai ordonné qu'on mît à votre disposition.

LOUIS.

LETTRE LV.

A M. de N...

4 mars 1792.

Je respecte beaucoup l'opinion publique, mais je la crois mal dirigée. Vous voudriez que j'essaie encore de la philosophie et de ses agents; vous voudriez que j'appelle dans mon conseil M. de Condorcet. Ce n'est point avec des philosophes comme M. de Condorcet, que les

« PreviousContinue »