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naître non-seulement la destination des sommes qu'il a empruntées, mais encore l'emploi de ces sommes : il est certain que l'escompte prélevé et le boni des entremetteurs soustrait, il a été distribué quinze cent mille livres aux principaux partisans du duc d'Orléans. Mirabeau a eu pour sa part quatre-vingt mille livres, qui ont été comptées chez Latouche, et portées dans trois fiacres, rue Chaussée-d'Antin. J'ai la liste de ceux des députés qui ont reçu. On a distribué soixante mille livres dans le faubourg Saint-Antoine, et chez quelques partisans du duc; on s'est empressé de faire payer l'arriéré à quelques gens audacieux et connus par leur esprit d'intrigue et leurs vues ambitieuses. On a porté sur cette liste le nom d'un certain Marat, celui de Danton, les noms de quelques Génevois réfugiés en France, de ce parti qui, à Genève, se disait patriote; enfin de quelques hommes obscurs, mais très-dange

reux.

Voilà bien des méchants réunis contre moi, je le sens bien; il faut, comme vous le dites, user de leur tactique, et m'attacher des hommes entreprenants, ou plutôt récompenser le zèle de quelques-uns de mes fidèles sujets. C'est avec plaisir que je ferai distribuer l'argent que j'ai promis il ne sera point employé pour commettre le crime; mais il servira à surveiller mes ennemis, et à déjouer leurs projets. Hâtez-vous d'exécuter mes ordres, et que l'emploi soit rempli. Profitez de la bonne intention dehors.

LETTRE XXVI.

A M. l'Archevêque de Paris.

Sans date.

Je me suis fait rendre un compte exact, Monsieur, de ce qui s'est passé dans la soirée du 30 juin. La violence employée pour délivrer des prisonniers de l'Abbaye est infiniment condamnable, et tous les ordres, tous les corps, tous les citoyens honnêtes et paisibles, ont le plus grand intérêt à maintenir dans toute sa force les lois protectrices de la tranquillité publique. Je céderai cependant dans cette occasion, lorsque l'ordre sera rétabli, à un sentiment de bonté, et j'espère n'avoir pas de reproches à me faire de ma clémence, lorsqu'elle est invoquée, pour la première fois, par l'Assemblée des représentants de la nation; mais je ne doute pas que cette assemblée n'attache une égale importance, et une plus grande encore, au succès de toutes les mesures que je prends pour ramener l'ordre dans la capitale. L'esprit de licence et d'insubordination est destructif de tout bien, et s'il prenait de l'accroissement, non-seulement le bonheur de tous les citoyens serait troublé et leur confiance serait altérée, mais l'on finirait peut-être par méconnaître le prix des généreux travaux auxquels les représentants de la nation vont se consacrer. Donnez connaissance de ma

lettre aux États-Généraux et ne doutez pas, Monsieur,

de toute mon estime pour vous.

Louis.

LETTRE XXVII.

Réponse du Roi à la Députation des États-Généraux.

10 juillet 1789.

Personne n'ignore les désordres et les scènes scandaleuses qui se sont passés et renouvelés à Paris et à Versailles, sous mes yeux et sous ceux des États-Généraux. Il est nécessaire que je fasse usage des moyens qui sont en ma puissance, pour remettre et maintenir. l'ordre dans la capitale et dans les environs; c'est un de mes devoirs principaux de veiller à la sûreté publique. Ce sont ces motifs qui m'ont engagé à faire un rassemblement de troupes autour de Paris: vous pouvez assurer l'assemblée des États-Généraux qu'elles ne sont destinées qu'à réprimer, ou plutôt à prévenir de nouveaux désordres ; à maintenir le bon ordre et l'exercice des lois; à assurer et à protéger même la liberté qui doit régner dans vos délibérations toute espèce de contrainte doit en être bannie, de même que toutes appréhensions de tumulte et de violence doivent en être écartées. Ce ne pourrait être que des gens mal intentionnés qui pourraient égarer mes peuples sur les vrais motifs des mesures de précaution que je prends. J'ai constamment cherché à faire tout ce qui pouvait tendre

à leur bonheur, et j'ai toujours eu lieu d'être assuré de leur amour et de leur fidélité.

Si pourtant la présence nécessaire des troupes dans les environs de Paris, causait encore de l'ombrage, je me porterais sur la demande de l'Assemblée, à transférer les États-Généraux à Noyon ou à Soissons, et alors je me rendrais à Compiègne, pour maintenir la communication qui doit avoir lieu entre l'Assemblée et moi.

LOUIS.

LETTRE XXVIII.

A M. le Cardinal de la Rochefoucault.

Sans date.

Mon cousin, uniquement occupé de faire le bien général de mon royaume, désirant, par-dessus tout, que l'assemblée des États-Généraux s'occupe des objets qui intéressent la nation, d'après l'acceptation volontaire que votre ordre a faite de ma déclaration du 23 de ce mois, j'engage mon fidèle clergé à se réunir, sans délai, avec les deux autres ordres, pour hâter l'accomplissement de mes vues paternelles. Ceux qui sont liés par leur pouvoir peuvent y aller sans donner de voix, jusqu'à ce qu'ils en aient de nouveaux; ce sera une nouvelle marque d'attachement que le clergé me donnera. Sur ce, je prie Dieu, mon cousin, qu'il vous ait en sa sainte garde.

LOUIS.

LETTRE XXIX.

A S. A. Eminentissime Emmanuel de Rohan Polduc, grand-maître de l'Ordre de Malte.

Paris, 18 novembre 1789.

Mon cousin, dans des siècles pieux, la France généreuse avait comblé de ses bienfaits l'ordre de saint Jean de Jérusalem. Le monde chrétien en reconnut l'utilité; il lui plut encore d'accorder à vos chevaliers tous les priviléges dont ils ont conservé les prérogatives jusqu'à présent. Les rois, mes aïeux, sanctionnèrent la volonté des fondateurs et le droit des titulaires. Des circonstances impérieuses ont amené un changement dans l'ordre politique de la France; les chevaliers de la langue française imiteront sans doute l'exemple que je eur donne. Ce n'est pas lorsque tous les ordres de l'État font des sacrifices, qu'ils resteront en arrière. Je laisse à votre sagesse, mon cousin, de prendre les mesures qui peuvent coïncider avec les travaux de l'Assemblée nationale. Sur ce, je prie Dieu, mon cousin, qu'il vous ait en sa sainte garde.

LOUIS.

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