Page images
PDF
EPUB

CHAPITRE X.

Situation de la colonie après la pacification.

[ocr errors]

-Conduite des généraux noirs. — Désarmement. Administration du général

[merged small][ocr errors]

nial. La fièvre jaune se déclare. Les Nègres s'agitent. Arrestation et déportation de Toussaint. - Progrès effrayans de la maladie dans les troupes françaises. Insurrection générale des Noirs ; défection de leurs chefs. —Attaque du Cap. Mort du général Leclerc. Nous avons fait connaître dans le chapitre précédent, les motifs qui déterminèrent le commandant en chef de l'expédition à adopter le système d'une entière pacification : elle fut plus prompte qu'il n'avait pu l'espérer, et par cela même, il dut craindre qu'elle ne fût précaire; mais telle était sa situation. qu'elle ne lui laissait pas le choix des moyens de se maintenir : s'il préférait les voies de rigueur, il lui fallait atteindre tous les chefs

des rebelles, et les exterminer avant de songer à accorder à son armée, déjà trop affaiblie, le repos qui lui était si nécessaire aux approches de la saison la plus dangereuse; il lui fallait verser des torrens de sang, avant de rétablir, par la force, les ateliers et les cultures, pour se créer des ressources qu'il ne pouvait tirer que du sol; mais eût-il, ce qui était loin de son caractère, ambitionné les horribles succès d'un FernandCortez, il n'avait pas les moyens de les obtenir; car, si au lieu de resserrer et de cantonner ses troupes dans les quartiers les plus sains, il les eût encore une fois disséminées pour achever de détruire la population révoltée, il n'eût recueilli de ces efforts inconsidérés, que la destruction du reste de son armée, et la honte d'être vaincu par des barbares. Il usa d'une sage politique en rapprochant de lui les hommes les plus danles faisant servir à dissoudre euxgereux, mêmes les élémens de l'insurrection, à rappeler les Nègres cultivateurs sur leurs habitations, et à désarmer les campagnes ; il

Jeur donnait ainsi une preuve non équivoque de la sincérité de ses intentions, et les faisant surveiller par les officiers français au milieu desquels il les avait placés, il s'assurait de leur fidélité à remplir leur promesses et les conditions qu'il leur avait imposées.

Christophe et Maurepas furent ainsi employés avec succès dans la province du Nord, et Dessalines dans celle de l'Ouest. Laplume continua de commander le département du Sud sous les ordres du général Rochambeau. Les premiers résultats de leur mission confirmèrent les espérances du général en chef, et l'affermirent tellement dans son système d'amagalme, qu'il l'étendit aux troupes. Il compléta ses bataillons en y incorporant les soldats noirs, dont la plus grande partie passa avec joie sous les drapeaux français, trouvant dans la parfaite égalité de leur traitement et de la discipline avec les soldats européens, une garantie de leur affranchissement.

Jusques alors tout prospérait; les Nègres rentraient en foule dans les ateliers, le désarmement s'opérait avec facilité; l'ordre, la

sécurité, la libre circulation se rétablissaient peu à peu dans toutes les parties de la colonie. Les premières nouvelles qui en arrivérent en France y causèrent autant de satis faction que d'étonnement; le commerce reprit une confiance prématurée, que les étrangers partagèrent; on vit bientôt flotter leurs payillons dans les ports de Saint-Domingue. Plusieurs des colons qui s'étaient réfugiés aux États-Unis, revinrent au Cap, et des maisons de commerce y relevèrent leurs établis

semens.

[ocr errors]

Du fond de sa retraite, et ne paraissant occupé que du soin de sa famille et de ses cultures, Toussaint, naguères maître absolu de ces riches contrées, qu'il croyait avoir à jamais purgées d'une caste ennemie, et qui n'aurait voulu laisser aux Français, arrivant en maîtres, que des cendres et les ruines de leur ancienne possession, Toussaint ne pouvait voir qu'avec dépit renverser l'édifice qu'il avait si péniblement élevé. Le général Leclerc ne pouvait avoir et n'avait en effet aucune confiance en lui; il n'espérait pas

qu'un homme qui avait montré tant d'ambition et de persévérance, pût se résoudre à cette nullité; mais la position dans laquelle il l'avait placé était le résultat d'une combinaison très-juste. Si Toussaint remplissait l'engagement qu'il avait pris, d'aider de tous ses moyens Christophe et Dessalines à désarmer et ramener les Nègres cultivateurs, quand même il ne l'eût fait que pour écarter les soupçons et assurer sa tranquillité, le but était rempli; que si, par la suite et dans d'autres circonstances, sa conduite devenait suspecte et sa présence dangereuse, on y veillait d'assez près pour pouvoir prévenir

ses manoeuvres.

Le premier soin du général Leclerc, après avoir consolidé cette pacification autant qu'il fut en son pouvoir de le faire, fut de statuer sur l'état des Nègres cultivateurs. Les instructions qui lui avaient été remises à son départ de France lui prescrivaient d'établir, pour les Noirs de Saint-Domingue, le régime adopté pour ceux de la Guadeloupe, où ils travaillaient moyennant un salaire, quoique

« PreviousContinue »