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la flotte; les forts de Picolet et de SaintJoseph étaient abandonnés; ceux de Bel-Air et de Saint-Michel tiraient encore. Il fit débarquer les garnisons des vaisseaux qui, sous les ordres du général Humbert, coururent s'emparer du fort Bel-Air, et marchèrent au-devant de la colonne du général en chef, qui, dans ce moment, arrivait au Haut-duCap.

Le concert et la célérité de ces mouvemens préserva de l'incendie une partie de la plaine du Nord, et des quartiers du Limbé et de l'Acul, dont Toussaint avait fait rétablir les riches cultures; mais la ville entière fut en quelques heures dévorée par les flammes, et l'armée et la flotte ne purent y porter que des secours tardifs; sur sept à huit cents maisons, à peine soixante furent conservées; les habitans, privés de toute espèce de commodités, ne purent se mettre à couvert qu'en construisant à la hâte de mauvaises baraques avec les débris de leurs habitations; les troupes fatiguées ne trouvèrent aucun abri; une immense quantité de subsistances et de

denrées coloniales avait été détruite ou avariée; les ressources sur lesquelles on avait dû compter manquèrent tout à la fois. Il fallut pour nourrir les troupes, disposer des approvisionnemens des vaisseaux, et ne laisser à l'escadre espagnole destinée pour la Havane, que la quantité de vivres strictement nécessaire pour achever sa traversée. On s'estima heureux de trouver dans le port quelques navires américains chargés de farines; mais on manqua de viande fraîche, de vin, et d'autres rafraîchissemens nécessaires après une longue navigation. Ces funestes résultats de l'incendie, et l'air corrompu par l'encombrement des habitans et des soldats.au milieu des ruines, développèrent le germe des maladies qui, quelques mois après, infectèrent toute l'armée.

On a vu que le général en chef Leclerc, pour déconcerter le plan de défense qu'il devait supposer, que Toussaint avait préparé d'avance, faisait attaquer en même temps les ports et les postes principaux de la partie française au nord, à l'ouest et au sud, tandis

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qu'il s'assurait de la possession de la partie espagnole. Cette invasion subite de tout le littoral, en réduisant les insurgés à la défense intérieure, était le seul moyen de tirer une grande force auxiliaire de la marine, de faciliter le mouvement des escadres, leurs relâches et l'abord des bâtimens de commerce pour faire abonder les ressources ce plan avait aussi l'avantage de porter de prompts secours aux villes et aux bourgs les plus menacés d'une inévitable destruction, et de conserver de riches quartiers que la surprise et la rapidité des opérations simultanées pouvaient faire espérer de trouver encore in

tacts.

Sans fatiguer nos lecteurs de détails minutieux, et dans lesquels cependant on trouve des faits d'armes très - remarquables, nous allons rendre compte du résultat de chacune de ces expéditions partielles.

La prise de possession de la partie espagnole offrit peu de difficultés. Paul Louverture, frère de Toussaint, commandait à Santo-Domingo. Il refusa d'abord de rece

voir le général Kerverseau. Celui-ci tenta de mettre ses troupes à terre, près de la ville, sous la protection du feu des deux frégates; quelques Espagnols insurgés contre les troupes de Toussaint s'étaient emparés du fort Saint-Jérôme, et avaient ouvert les portes aux Français; mais la côte était escarpée, et les chaloupes ne purent aborder. Les Espagnols, ne pouvant tenir contre les Nègres, évacuèrent, le fort, et se dispersèrent dans la campagne. Le général Kerverseau, ayant opéré son débarquement plus à l'ouest, sous le vent, se réunit à eux, et investit la ville pendant que les frégates bloquaient l'embouchure de la rivière. A la première nouvelle des débarquemens opérés dans la partie française, Paul Louverture offrit sa soumission; elle entraîna celle de presque tous les autres postes occupés par les troupes de Toussaint, et disséminés sur la côte et dans l'intérieur des anciennes possessions espagnoles, très-vastes, mais peu cultivées,· en-deçà et au-delà du groupe des montagnes de Cibao le seul Mulâtre Clerveaux, qui

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commandait à Sant-Yago, point central au pied des montagnes de Monte-Christ, à la tête de la grande vallée, refusa d'abord de se rendre; il céda cependant aux pressantes exhortations de l'évêque Mauvielle, qui avait sur lui beaucoup d'influence, et sans doute aussi à la certitude d'une vigoureuse altaque. Le général Claparède, qui marchait sur Sant-Yago, en prit possession, et Clerveaux se rendit au Cap avec ses troupes.

Nous avons dit plus haut que le général Rochambeau, détaché avec sa division, forte de deux mille cinq cents hommes, sous la conduite du capitaine de vaisseau Magon, avait réussi à s'emparer du fort Dauphin, et que sa marche vers le Cap avait efficacement secondé celle du général en chef. Cette attaque du fort Dauphin fut vive et brillante. Le brave Magon, après avoir fait débarquer une partie des troupes à la Melonière, dans la baie de Mancenille, força l'entrée de la rade; il s'embossa, avec deux vaisseaux, à portée de fusil des batteries; les Nègres les abandonnèrent. Le général Brunet, qui com

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