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et cependant il n'avait cessé d'inciter les Portugais et de soutenir leur confiance. Les deux cabinets ne purent s'accorder sur la nature et l'emploi des forces qui seraient employées à la défense du Portugal. Celui de Londres offrait d'y entretenir un corps de troupes anglaises, toutefois sous la condition

que le commandement de l'armée alliée serait exclusivement confié au général anglais. La fierté portugaise rejeta cette condition, et consentit seulement à admettre un ministre anglais, qui serait chargé de diriger les opérations de guerre, pourvu que le secours promis fût porté et maintenu à un effectif de 25,000 hommes. Le ministère anglais, refusant à son tour de prendre un tel engagement, montra le peu de sincérité de ses promesses; et l'on ne tarda pas à voir clairement le motif qui l'avait empêché de les remplir. Les secours annoncés pour le Portugal, servirent de masque à l'expédition pour l'Égypte. Celle-ci, bien plus importante pour le ministère anglais, parce que le succès était certain, absorba toutes les

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forces britanniques alors disponibles, et lo Portugal fut abandonné.

Cependant, le roi Charles IV répugnait à commencer des hostilités sérieuses que désavouaient ses affections paternelles; plusieurs mois s'écoulèrent dans cette hésitation et dans l'espérance d'un accommodement. La mort du comte de Lima, premier ministre de Portugal, et le plus ferme appui du parti anglais, semblait devoir aplanir les difficultés, et amener un changement favorable à la médiation; mais la cour de Lisbonne n'en persista pas moins dans son inflexible politique. Le traité de Lunéville, en affermissant le gouvernement du premier Consul, étendait indéfiniment son influence, et donna tant de poids à ses volontés, qu'il ne garda plus aucun ménagement; il dicta des conditions de paix plus humiliantes pour le Portugal, que ne l'aurait été une soumission absolue. Une convention secrète fut conclue entre l'Espagne et son formidable allié ; il y fut arrêté : « Que sa majesté Catholique et la >> République française, formeraient une

» armée combinée pour obliger le Portugal à » se détacher de son alliance avec l'Angle» terre, et à céder jusqu'à la paix définitive >> aux troupes espagnoles et françaises, le » quart de son territoire ».

La guerre fut donc résolue; les corps de troupes françaises qui revenaient d'Italie, renforcèrent l'armée d'observation de la Gironde. Les ordres donnés par le premier Consul à son ministre de la guerre (et que nous avons compris dans le recueil de Pièces justificatives à la suite de ce volume), peuvent faire juger de l'activité avec laquelle il pressait cette nouvelle entreprise : il y employait sans efforts des moyens surabondans, une élite de soldats aguerris, impatiens de combattre et traversant joyeusement les Alpes, les Pyrénées, pour courir de nouveaux hasards. L'Espagne, au contraire, dont les finances et l'armée étaient également délabrées, manquait de soldats et d'approvisionnemens, et ne pouvait rassembler les 40,000 hommes qu'elle s'était obligée à mettre sur pied. Le prince de la Paix qui devait

en prendre le commandement, pressait avec ardeur les préparatifs de la campagne; les milices provinciales étaient levées à la hâte, et incorporées dans les régimens de ligne sans aucun discernement; tout s'exécutait au nom du généralissime, qui, enivré d'avance de son infaillible triomphe, commettait dans ses dispositions désordonnées, toutes les erreurs que peut conseiller l'inexpérience; on était au moment d'entrer en campagne sans qu'il y eût un plan d'opérations arrêté.

Le premier Consul, frappé de l'incohérence des mesures que prenait la cour d'Espagne, résolut de confier la direction supérieure des opérations combinées à un général français, dont les talens et la haute réputation pussent lui en garantir le succès; son choix se fixa sur le général Gouvion-Saint-Cyr, l'un de ses plus illustres lieutenans, l'un de ceux que la nature avait le plus richement doués des qualités du général, prévoyance, prudence, vaillance,et qui les avait le plus perfectionnées par l'étude, par l'expérience de la guerre, et par une froide et continuelle méditation.

Nous nous permettons cet éloge, ou plutôt ce juste témoignage qui ne fut jamais contredit, pour faire d'autant mieux ressortir la présomption du favori de la cour d'Espagne. Le prince de la Paix, infatué de son titre de généralissime, ne voulant point jouer un rôle secondaire, prétendait commander en chef les deux armées, entrer à Lisbonne et y régner en couquérant. Mais le premier Consul, sans tenir aucun compte de ce délire, arrêta lui-même le plan de campagne, détermina de la manière la plus impérative (comme on peut le voir par la correspondance du major-général ministre de la guerre Berthier, avec l'ambassadeur Lucien Bonaparte), la part que l'armée espagnole devait y prendre.

On sait que la frontière entre le Portugal et l'Espagne offre deux principaux débouchés : l'un, du côté du nord, et suivant la vallée du Tage, par la rive droite, conduit au cœur du royaume. L'armée qui peut y pénétrer doit en effectuer promptement la conquête en s'emparant de Lisbonne et d'Opporto: cette partie principale de l'expédition

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