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troisième coalition contre le France, et ensuite indiquer quel dommage pouvaient se causer réciproquement l'une à l'autre les deux puissances, par le renouvellement des hostilités. L'heure de la victoire était sans doute l'instant propice, et le ton de dignité et d'indépendance qu'on ne pouvait méconnaître dans cette transaction écartait toute idée d'humiliation : on ne pouvait changer la nature des choses, ni commander à la nécessité. Après ces graves considérations, lord Hawkesbury fit une longue apologie des articles du,traité, et ne négligea pas de les comparer au projet des préliminaires de Lille et d'en tirer avantage. M. Thomas Grenville répondant au ministre, reproduisit les argumens de lord Grenville dans la chambre des pairs; il s'attacha surtout à prouver l'importance des établissemens du cap de Bonne-Espérance de Cochin et de l'île de Malte ; il s'indigna de la lâcheté avec laquelle on abandonnait la maison d'Orange, et rappelant les traités d'Utrecht et de 1763, il fit un effrayant tableau de l'accroissement

menaçant et des vues ambitieuses de la France. Lord Temple soutint cette opposition, et attaqua le ministère avec plus de violence il le blâma d'avoir souffert le scandale du triomphe préparé au colonel Lauriston, et les cris de vive Bonaparte dont les rues de Londres avaient retenti. « Ceux-là, dit-il, » sont indignes du nom d'anglais et du titre » de patriote qui peuvent se réjouir d'une >> paix honteuse, suspecte, et glorieuse pour > l'ennemi ».

Lord Castelreagh, appuyant les ministres, dit « qu'il était juste et loyal d'éprouver >> la France par la paix, et qu'il croyait » qu'on pouvait compter sur le changement » de l'esprit public aussi-bien en Irlande >> qu'en France »>.

M. Pitt, dont la position entre ses anciens amis qui soutenaient son premier système, et les membres de la nouvelle administration qu'il avait formée et qu'il dirigeait, semblait être si difficile, s'expliqua sans détour. Il observa d'abord que quels que fussent les sentimens divers sur le gouvernement avec lequel

on devait traiter, quel qu'eût été l'objet qu'on avait cru devoir poursuivre, la question de la paix et de la guerre n'était plus depuis quelque temps qu'une pure question de mots; qu'après la dissolution des alliances continentales, il ne restait plus qu'à procurer de justes et honorables conditions de paix pour l'Angleterre et pour le petit nombre d'alliés qui n'avaient point déserté sa cause que la différence des conditions du traité avec celles auxquelles on aurait pu prétendre, ne valait pas le risque des maux qui pouvaient résulter de demandes trop péremptoires; que l'objet était de donner à la force maritime et à l'étendue du commerce de la Grande-Bretagne, une nouvelle sécurité, et non de conserver des conquêtes qui ne lui étaient pas matériellement nécessaires, et n'avaient aucune connexité avec ses anciennes possessions. Ce discours politique, l'un des plus remarquables que ce grand homme d'état ait prononcés, fut un éloquent développement de ces observations générales, dont il fit

l'application à toutes les clauses du traité. << Il serait bien étrange, s'écria-t-il, que le >> pouvoir gigantesque de l'ennemi fût une >> raison pour en obtenir de meilleures con»ditions que s'il était réduit à un état de >> faiblesse, et que le négociateur eût dû » dire à la France: Votre puissance est si >> formidable et nous cause tant d'alarmes, » que pour rétablir la balance entre nous, » il faut que vous nous abandonniez une >> partie de vos possessions. On peut former >> de tels vœux, mais il n'est mais il n'est pas raison»nable d'en attendre l'accomplissement ».

Quant au gouvernement français et au premier Consul, M. Pitt dit qu'il s'abstiendrait d'en parler avec mépris et avec irritation, parce que « tous les témoignages de >> respect extérieur étaient dus au gouverne>>ment avec lequel on est en paix ». Son opinion sur le passé était invariable: les ministres de sa majesté avaient eu raison de croire que la dissolution du gouvernement révolutionnaire était la plus sûre garantie. Il avait pensé, il pensait encore, que

la restauration de la monarchie serait un heureux événement pour la France et pour l'Europe il avouait que le regret d'avoir vu ses espérances déçues, et de n'avoir pu relever les débris de ce vénérable édifice, le suivrait jusqu'au tombeau; mais cet objet ne pouvant plus être atteint, il fallait s'attacher à ce qu'on en pouvait saisir. Sans doute, en d'autres temps, on aurait pu songer à resserrer la France dans ses anciennes limites, et même à donner de plus fortes barrières à ses voisins; mais tout espoir à cet égard étant évanoui, il fallait considérer la situation présente des deux pays, compter aussi les pertes de la France dans sa population, dans ses capitaux, dans son industrie, et mettre dans la balance des accrois semens, les avantages qu'avait acquis l'Angleterre, l'union avec l'Irlande, la haute réputation des armes sur terre et sur mer, l'affranchissement de l'empire des Indes, et les immenses progrès du commerce.

M. Fox, à l'exemple de son illustre rival, en votant pour l'adresse, en donnant son assen

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