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les intérêts de la république avec autant de zèle qu'il avait auparavant montré d'aversion, les royalistes émigrés n'avaient plus d'asile assuré qu'en Angleterre. Là seulement, on était encore armé pour leur cause; les

les vicissitudes de la

chances de la guerre, fortune leur laissaient entrevoir de meilleurs jours; il soutenaient du moins plus dignement l'adversité; ils ne pouvaient se persuader que la maison de Bourbon pût jamais être à ce point abandonnée; et quoique M. Pitt eût déclaré qu'on n'avait contracté avec eux aucun engagement positif, puisqu'on avait accepté et recherché leurs services, puisqu'on avait admis leur coopération avec les alliés, on devait les considérer comme tels, et quel que fût le sort des armes, stipuler pour eux. Le silence absolu gardé dans les préliminaires de paix à l'égard de leur situation désespérée, ne saurait être justifié par les dispositions qu'aurait montrées le gouvernement français, ou qu'on lui aurait supposées; c'était une noble cause à soutenir, c'était une base de paix sincère et solide à

présenter à la nation française, que celle du rappel des émigrés : c'est encore aujourd'hui, à la vérité, une opinion commune à presque tous les contemporains de la révolution,qu'au cune composition raisonnable en faveur des Français émigrés, considérés en masse, n'était admissible à cette époque, et que les lois de proscription et de confiscation ne pouvaient être abrogées ni modifiées, sans jeter la France dans une entière confusion, et la livrer à de nouveaux déchiremens. Nous ne partageons point cette opinion, ni celle qui prit faveur parmi les plus fidèles royalistes, et qui fut une illusion produite par une fausse application des causes et des circonstances qui amenèrent la restauration de Charles II. Certainement, le premier Consul était aussi loin de la position de Cromwel, par rapport à la nation, que de celle de Monck par rapport à l'armée. Il n'était pas raisonnable de croire qu'il fût en son pouvoir de reproduire à la fois ces deux personnages historiques; mais le vif désir de la paix, et le souvenir récent des malheurs enfantés par

les discordes civiles, ouvraient les cœurs à tous les sentimens généreux; le premier be soin du gouvernement était d'assoupir les haines, et de rapprocher les partis. Tous les actes de justice contre le texte de ces lois barbares, furent toujours applaudis ; et l'on est fondé à croire que la fusion des intérêts, qui devint depuis presque impossible par le laps de temps, et par les nouvelles circonstances, pouvait être alors une des conditions les plus utiles de la paix, et la plus solide garantie de sa durée.

Le ministère anglais, en s'applaudissant de l'heureuse issue de ses négociations et de la faveur populaire avec laquelle leur résultat était accueilli, n'était pas sans inquiétude sur l'épreuve à laquelle le traité allait être soumis dans les discussions pariementaires. M. Addington, lord Hawkesbury, et quelques autres ministres, étaient les mêmes hommes qui avaient constamment secondé M. Pitt, et s'étaient montrés les plus ardens instigateurs de la guerre; les articles préli

minaires ne pouvaient manquer d'être scrupuleusement examinés, et les avantages et les conséquences des conditions exigées ou consenties, comparés aux sacrifices immenses qu'avait coûté à l'Angleterre la prolongation de la guerre. La nation attendait ces débats avec anxiété, et toutes les puissances de l'Europe n'y étaient pas moins attentives.

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Le roi d'Angleterre fit en personne, le octobre, l'ouverture du parlement; il fit part aux deux chambres, de l'arrangement final de tous différends avec la Russie, la Suède et le Danemarck, par leur accession à la convention de Pétersbourg: il annonça ensuite les préliminaires de paix conclus avec la république française et la communication des papiers qui y étaient relatifs; il exprima en même temps la confiance que cette convention importante, qui manifestait l'équité et la modération de ses vues, tendrait au bonheur du pays, à l'honneur de la nation britannique, et obtiendrait l'approbation de ses représentans.

Le vœu de la nation était si prononcé

pour la paix, le poids accablant des contributions extraordinaires, les défections successives des alliés, et la crainte d'une disette imminente le rendait si pressant, que la proposition de la première adresse de remercîment au roi, fut unanimement votée dans les deux chambres; mais dans cet assentiment, les divers partis conservèrent leur couleur. Le duc de Bedford, dans la chambre haute, en concourant de bon cœur à féliciter son souverain, des bénédictions de la paix qu'il rendait à son peuple, blâma le gouvernement de n'avoir pas choisi, dans le cours de la guerre, des époques où elle aurait été conclue à des conditions bien plus avantageuses. Dans la chambre des communes, M. Fox, appuya chaudement l'adresse de remercîment pour le discours du roi, et se réserva d'énoncer son opinion sur les conditions du traité. M. Pitt, se levant immédiatement après, exprima « sa » joie de pouvoir, dit-il, pour la première » fois de sa vie, concourir à un vote una» nime de remercîmens; sans vouloir s'en> gager prématurément dans la discussion

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